La peinture japonaise classique « nihonga » : un style artistique à l’honneur au musée Yamatane

Art

Nous avons rencontré Yamazaki Taeko, directrice du principal musée de Tokyo consacré au nihonga, un style de peinture japonaise. Elle a évoqué pour nous différentes initiatives mises en place pour faire connaître cette forme d’art encore souvent méconnue à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de l’Archipel.

Yamazaki Taeko YAMAZAKI Taeko

Présidente de la Fondation artistique Yamatane, et également directrice du Musée d’art Yamatane depuis 2007. Elle obtient son diplôme à la faculté d’économie de l’université Keiô puis poursuit avec un doctorat à l’Université des arts de Tokyo. Elle publie, entre autres, une étude complète, compilée dans un livre, sur l’art de Hayami Gyoshû.

Des peintures extrêmement délicates

Yamazaki Taeko est devenue directrice du musée en 2007. Deux ans plus tard, le Musée d’art Yamatane, qui a ouvert dans le quartier de Nihonbashi en 1966, est transféré à Hiroo, quartier où il se trouve encore aujourd’hui. Avec son design sobre, la façade du nouveau bâtiment a su s’intégrer en parfaite harmonie à l’un des quartiers les plus calmes de Tokyo. Le café du hall principal du musée reste un lieu très apprécié, où il fait bon se détendre.

Yamazaki Taeko porte souvent un kimono dans les endroits publics.
Yamazaki Taeko porte souvent un kimono dans les endroits publics.

L’intérieur du musée est entièrement accessible. Que ce soient les matériaux utilisés pour les murs et les sols ou encore l’éclairage, tout est pensé avec un objectif : exposer les tableaux dans les meilleures conditions possibles. « Le nihonga est un style de peinture qui utilise une grande variété de matériaux naturels. Les peintures utilisent du papier de soie ou du washi, du sumi (encre de Chine) ou encore du gofun (un pigment blanc obtenu à partir de poudre de coquillages) entre autres pigments minéraux naturels. Les peintures nihonga sont donc extrêmement très délicates et se détériorent facilement. Par exemple, une lumière intense pourrait leur être néfaste ; nous devons veiller à maintenir un niveau d’éclairage adéquat. En recourant à différentes sources de lumière, nous nous efforçons de mettre en valeur, mais avec le plus grand soin, les particularités et les couleurs des peintures sans les détériorer » explique Yamazaki Taeko.

Comment pousser les jeunes japonais à redécouvrir leur propre culture

Ces dernières années, avec la popularité d’artistes tels que le maître de la période Edo Itô Jakuchû et le peintre virtuose Kawanabe Kyôsai du milieu du XIXe siècle, on constate un regain d’intérêt pour la peinture japonaise. Toutefois, la plupart des meilleurs peintres de nihonga restent méconnus voire inconnus du grand public. Mais pour Yamazaki Taeko, les choses sont en train de changer.

« Avant, les grandes foules étaient réservées aux expositions d’art occidental. Mais maintenant, l’art japonais n’est plus en reste et suscite lui aussi de plus en plus d’intérêt de la part du public. Des peintres tels que Itô Jakuchû ou encore Kawanabe Kyôsai rencontrent de plus en plus de succès et leurs œuvres attirent un grand nombre de personnes. Cette popularité récente a incité certains à penser que l’art japonais trouve aujourd’hui davantage écho auprès d’un large public que l’art occidental. Peut-être est-ce là le signe annonciateur d’une évolution de la société ; nous passons peut-être d’une époque de fascination pour l’Occident à une époque de redécouverte de notre propre culture japonaise. Mais, il nous faut redoubler de créativité et nous s’inspirer d’une grande variété de ressources pour trouver sans cesse de nouvelles idées d’expositions qui susciteront l’intérêt de personnes tous âges et de tous horizons confondus et leur donneront envie de visiter notre musée et d’y revenir encore. Les jeunes ne sont pas spécialement familiers du nihonga. Ils n’y sont pas vraiment exposés à l’école, et c’est une des raisons pour lesquelles il est difficile pour ce style de peinture de trouver écho auprès de la jeune génération. Les nihonga sont un moyen par exemple d’attirer notre attention sur le changement des saisons ou encore de la beauté de la nature. Je ne veux pas que le public voie les nihonga comme une forme d’art sophistiquée, éloignée ou inaccessible, mais au contraire comme quelque chose de familier, qui fait partie de la vie quotidienne ».

Et pour inciter les jeunes à venir voir ses expositions, le musée a multiplié les initiatives. Objets attrayants pour les jeunes, événements à thème, publicité des expositions sur les médias sociaux… le café du musée a même ajouté de nouveaux produits au menu liés à certaines des œuvres d’art de chaque exposition. Les visiteurs peuvent ainsi déguster des confiseries originales wagashi basées sur des motifs de fleurs, de fruits ou d’animaux inspirés d’œuvres d’art exposées. « Même si, à l’origine, ces personnes sont venues au musée pur déguster des wagashi, cela peut faire office de déclic et susciter un intérêt véritable. Ils peuvent venir déjeuner ou prendre un en-cas un après-midi avec un ami, et finir par tomber amoureux des peintures qui s’offrent à leurs yeux et dans leurs assiettes… »

Lors de récentes expositions, le musée proposait des objets ou encore des wagashi créés en collaboration avec Meiji Tokyo Renka, une application de jeu pour smartphone et un anime télévisé à succès, dans lesquels des personnages comme Yokoyama Taikan et Hishida Shunsô apparaissent sous des airs de tombeurs de l’ère Meiji. Cette collaboration a remporté un grand succès auprès des jeunes. L’un d’entre eux a écrit sur Twitter : « C’était vraiment génial de voir des œuvres de Taikan et Shunsô pour de vrai. En temps normal, je ne serais pas venu au musée. Je suis vraiment content que cette collaboration avec Meiji Tokyo Renka ait suscité mon intérêt pour les peintures nihonga ».

Badges fabriqués pour l’exposition en collaboration avec Meiji Tokyo Renka.
Badges fabriqués pour l’exposition en collaboration avec Meiji Tokyo Renka.

Suite > Préserver les œuvres anciennes tout en encourageant la créativité

Tags

artiste peinture musée femme art

Autres articles de ce dossier