
Sophie Richard, une Française pour promouvoir les charmes des musées japonais
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Le Japon compte plus d’un millier de musées d'art, dont certains sont d'anciennes résidences magnifiquement entretenues qui ont pu être reconverties. Malheureusement, peu d'informations en anglais (et encore moins en français !) sont disponibles à leur sujet, ce qui rend difficile pour les visiteurs internationaux de découvrir ces petits bijoux parfois très bien cachés. Arpentant le Japon du nord du sud, Sophie Richard s’est rendue dans environ 200 musées, où elle a rencontré des conservateurs et des directeurs de musée. Ses minutieuses recherches ont donné naissance à un guide racontant l’histoire de chaque musée. Elle a également organisé et mené des visites guidées. Une poignée de passionnés d'art des pays occidentaux a donc eu la chance de se rendre avec elle dans certains de ses musées préférés.
De petits bijoux à découvrir
— Qu’est-ce qui vous a poussée à vos intéresser aux musées japonais ?
SOPHIE RICHARD Tout a commencé en 2010, lorsque je suis tombée par hasard sur une maison centenaire japonaise appartenant à la famille Asakura, propriétaire du quartier tokyoïte branché de Daikanyama. J’étais le seul visiteur. J'ai été tout de suite fascinée et j’ai voulu en savoir plus sur cette demeure et son histoire. Depuis toute petite, je suis passionnée par la culture japonaise, en particulier par son architecture traditionnelle. Mais cette vieille maison a été le déclic pour moi ; c’est à ce moment-là que j’ai décidé de me lancer dans un projet de recherche et de partir à la découverte des nombreux musées que compte l’Archipel.
La Maison Asakura et son jardin (© Gouvernement municipal de Shibuya)
— Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un guide au sujet de ces musées ?
S.R. Il y a une quinzaine d’années, lorsque je suis venue pour la première fois au Japon en tant que touriste, j'ai trouvé qu’il était extrêmement difficile et chronophage de faire son choix parmi les musées à visiter, et aussi et surtout de chercher des informations précises à leur sujet. J'ai commencé par interviewer des conservateurs et des directeurs de musée et j'ai écrit quelques articles sur certains musées. Ma première interview m’a été accordée par Fukutake Sôichirô, le créateur du vaste site d'art appelé Benesse Art Site Naoshima, un projet axé sur l'art, la nature et l'architecture sur les petites îles de Naoshima, Teshima et Inujima. Je dois dire que ces musées sont vraiment extraordinaires ! C’est alors que j'ai décidé de publier un livre, car je me suis dit qu’il y avait tant de belles histoires à raconter.
Lorsque j’ai écrit cet ouvrage, j’ai essayé de me mettre à la place de touristes étrangers, en réfléchissant à leurs centres d’intérêt. D'une certaine manière, ce livre est ce que j'aurais voulu avoir lorsque je suis venue en tant que touriste au Japon...
— Votre livre se démarque car il partage avec vos lecteurs vos propres découvertes, tout en leur donnant des informations pratiques, peut-être anodines pour certains mais réellement utiles. Vous allez par exemple jusqu’à préciser dans quels musées les visiteurs sont invités à se conformer aux coutumes japonaises et à retirer leurs chaussures avant d'entrer...
S.R. Je pense qu’il est fascinant de savoir comment ces musées sont nés, quelles collections et quelles ambitions ils possèdent, qui travaille en arrière-plan pour rendre tout cela possible, et comment ils alternent leurs expositions. Le musée Nezu, par exemple, est connu pour le Kakitsubata-zu, les paravents à iris rabattables créés par l'artiste Ogata Kôrin au XVIIIe siècle. Ces paravents ont été classés « trésors nationaux » et ils attirent de nombreux visiteurs. Cependant, ils ne sont visibles que quatre semaines par an, lorsque les iris sont en pleine floraison. J’explique dans mon livre que ces paravents sont si fragiles qu’ils ne peuvent être exposés de façon permanente, de façon à ce que les visiteurs qui viennent de l’étranger ne soient pas déçus.
Contrairement aux musées occidentaux qui exposent généralement leurs plus belles œuvres à l’année, au Japon, ce n’est pas nécessairement le cas. Cela a particulièrement attiré mon attention. Le conservateur du musée Nezu m'a expliqué qu’à un moment donné, moins de 10 % de la collection du musée était exposée.
En plus de ce genre de découvertes, j'ai jugé bon d’ajouter une petite section à la fin de chaque entrée consacrée aux attractions locales, à d’autres musées similaires, à des jardins à proximité, à des salons de thé et à des restaurants dans certains cas. J'espère que mes suggestions personnelles seront utiles au lecteur.
Voir plus grand
— Le nouveau guide que vous avez publié en juillet 2019 met à jour et apporte un complément à votre premier livre, paru en janvier 2014. Qu'avez-vous ajouté ?
S.R. Le livre présente plus de 150 musées, dont 110 sont traités de façon extrêmement détaillée. Le premier livre n’en décrivait qu’une soixantaine. J'ai également ajouté d'autres régions, de Hokkaidô à Okinawa, car ceux qui visitent le Japon plus d'une fois voudront peut-être sortir des grandes villes et explorer la campagne. Le livre est divisé en huit régions géographiques : Tokyo, son agglomération, Kyoto et ses environs, l’ouest du Japon, l’est du Japon, le Shikoku et la mer intérieure, Kyûshû, Hokkaidô et Okinawa.
Dans la section Tokyo, je n’ai pas pu présenter tous les musées au sujet desquels je voulais écrire. J'ai donc énuméré des noms de musées, tels que la Tokyo Station Gallery et le 21 21 Design Sight, à la fin de la section pour que le lecteur connaisse leur nom.
— Comment avez-vous choisi les musées sur lesquels écrire ?
S.R. Leurs collections, leurs décors spectaculaires et leurs caractères hors du commun ; ce sont ces critères qui ont guidé mes choix. Dans certains cas, même si leurs bâtiments sont vieux, je les ai quand même retenus. Ce qui comptait pour moi, c’était que leurs collections nous apprennent quelque chose sur l’importance de la culture locale.
Les différents endroits que je décris dans mon livre peuvent être des institutions nationales ou des musées privés, des galeries de renommée mondiale ou au contraire de petits peu connus, mais qui méritent de l’être ; tout autant d’endroits où j’ai appris des histoires me permettant de comprendre l’envers du décor. Mes rencontres avec des conservateurs et des directeurs ont été incroyablement stimulantes, et m’ont appris des choses passionnantes et des anecdotes qui ont été pour moi de grandes sources d’inspiration.
Quel est votre musée préféré ?
S.R. Difficile de n’en choisir qu’un seul. J’aime beaucoup les maisons d’artistes comme le musée du mémorial Kawai Kanjirô à Kyoto, car là-bas vous ressentez l’atmosphère de la période pendant laquelle l’artiste a habité les lieux, ce qui vous permet de vous familiariser avec la vie du créateur.
L'Arte Piazza Bibai à Hokkaidô, un musée de sculptures réalisées par Yasuda Kan, compte également parmi mes préférés. J'ai été tellement émue lorsque M. Yasuda m'a dit que son musée se trouvait en fait dans un bâtiment qui avait jadis été une école primaire, qui avait fermé. Le sculpteur m’a expliqué qu'il avait choisi de disposer ses œuvres non seulement dans le musée, mais également en plein air, à l'extérieur du bâtiment, de sorte que les enfants de la région puissent venir toucher chaque jour à loisir ses sculptures. Beaucoup de ces musées privés ont des anecdotes personnelles. J’avais à cœur de les transmettre au lecteur.
L'Arte Piazza Bibai à Hokkaidô (© Ogawa Shigeo)
Sophie Richard a choisi la photo du musée et des jardins zen Shinshô-ji de la préfecture de Hiroshima, car, explique-t-elle, « le bâtiment a un aspect contemporain, par opposition à son toit en bois qui a été réalisé par un menuisier originaire de Kyoto, à l’aide de techniques, elles, traditionnelles. Cette photo à elle seule résume l’objet du livre, à savoir faire découvrir des musées de toutes sortes, tant traditionnels que contemporains. L’entrée étroite du musée accentue le sentiment d’attente du visiteur d’un musée, autant que celui du lecteur de cet ouvrage ».