Kadono Eiko : l’imagination débordante de l’auteure de « Kiki la petite sorcière »

Manga/BD Anime

« Je pense que nous avons tous au moins un pouvoir magique » dit Kadono Eiko, un brin de malice dans le regard. Si elle a soufflé ses 88 bougies (en 2023), l’auteure de Kiki la petite sorcière et autres nombreux classiques de la littérature pour enfants n’a rien perdu de sa curiosité et de sa fascination pour le monde, qui l’ont guidée et soutenue tout au long de ses 50 ans de carrière. C’est chez elle à Kamakura que nous l’avons rencontrée. Elle évoque pour nous son appétit pour la vie et quelques-uns des secrets de son imagination sans limites.

C’est à Kamakura, ville chargée d’histoire dans la préfecture de Kanagawa, située sur les collines dominant l’océan Pacifique, qu’habite Kadono Eiko. Extrêmement prolifique elle a publié plus de 200 livres mais aussi éclectique, puisque parmi ses œuvres figurent des livres d’images, des contes pour enfants, des traductions et même des essais. Ses œuvres les plus connues sont la série « Des petits fantômes, par-ci, par-là » (Chiisana obake atchi, kotchi, sotchi ) et le livre pour enfants Kiki la petite sorcière (Majo no takkyûbin) qui a inspiré l’un des chefs-d’œuvre de Miyazaki Hayao.

En 2018, elle a reçu le prix Hans-Christian-Andersen dans la catégorie auteurs, le prix le plus prestigieux au monde pour la littérature pour enfants. 2019 a également été une année particulière pour elle puisqu’elle marquait le cinquantième anniversaire de son premier livre. Ces dernières années, une fois par mois, elle a donné des lectures publiques, attirant une foule de curieux, petits et grands. Un musée consacré à son travail et à la littérature pour enfants en général devrait ouvrir ses portes à Tokyo en 2022. C’est dans un café entouré de forêts dans les collines qui dominent la ville de Kamakura que nous avons rencontré Kadono Eiko. Elle nous a révélé quelques secrets de sa capacité magique à inventer de nouvelles histoires et de son imagination quasi infinie.

La naissance de Kiki la petite sorcière

Kiki la petite sorcière est en fait une série d’histoires dont le personnage principal est Kiki, fille unique d’une mère (qui est une sorcière) et d’un père (qui n’a pas de pouvoirs magiques). À l’âge de 13 ans, elle quitte la maison et dans un parcours initiatique, elle commence à apprendre la magie.

Tout a commencé lorsque Kadono Eiko vit un dessin de sa fille Rio, alors âgée de 12 ans : une sorcière sur un balai, avec une radio accrochée à son manche, d’où émanent des notes de musique. Ce dessin a piqué au vif l’imagination de Kadono Eiko.

« Je me suis dit que ce serait amusant d’écrire une histoire sur une sorcière qui vole sur son balai en écoutant la radio », dit-elle. Un autre élément est à l’origine de Kiki la petite sorcière : des clichés de nuit de la ville de New York depuis les airs qu’elle avait vus dans le magazine Life alors qu’elle était adolescente. « Je me suis dit que si j’écrivais une histoire sur une sorcière, ce serait comme si moi aussi je volais ! » dit-elle en riant.

Ces dessins de sa fille de 12 ans Rio ont servi de source d’inspiration à Kadono Eiko pour écrire Kiki la petite sorcière (avec l’aimable autorisation du bureau de Kadono Eiko)
Ces dessins de sa fille de 12 ans, Rio, ont servi de source d’inspiration à Kadono Eiko pour écrire Kiki la petite sorcière (photo avec l’aimable autorisation du bureau de Kadono Eiko)

Kadono Eiko a eu une enfance difficile. Elle a perdu sa mère alors qu’elle n’avait que cinq ans et elle se souvient d’avoir souvent pleuré lorsqu’elle était petite. Le fait de ne pas savoir où était partie sa mère suscita chez elle une véritable fascination pour les mondes invisibles et les choses que l’être humain ne peut voir. « J’ai commencé à imaginer qu’il existait un endroit où aller, où tout était mieux. Et une fois que j’ai appris à lire, je l’ai trouvé : je me suis réfugiée dans le monde des livres. »

Nourrissant son récit de ses propres souvenirs, Kadono Eiko a de façon tout à fait naturelle imaginé l’histoire d’une sorcière, Kiki, qui quitterait le cocon familial pour prendre son envol. La jeune apprentie sorcière a 12 ans lorsque l’histoire s’ouvre ; elle se trouve à l’aube de l’adolescence. « Je me suis dit que c’était une époque difficile à décrire, mais intéressante. »

Juchée sur son balai magique, la jeune Kiki parcourt les cieux et relève les nombreux défis de la gestion d’un service de livraison aérien. Elle livre ainsi toutes sortes de colis, d’un voile de mariée à un hippopotame malade. Les mésaventures de la jeune sorcière se poursuivent sur six tomes. Kiki se prend à éprouver tour à tour de la jalousie et de la tristesse et essuie de nombreux coups durs. Elle finit par trouver l’élu de son cœur, se marie et donne naissance à des jumeaux.

Il y avait deux choses que Kadono Eiko avait décidées dès le départ. « Premièrement, il n’y aurait qu’une seule sorte de magie. Donc, pour Kiki, ce serait de voler, et rien d’autre. L’autre chose c’était de découvrir pourquoi les garçons ne pouvaient pas devenir des sorcières. J’ai fini par écrire six livres, racontant l’histoire jusqu’au moment où Kiki se marie et donne naissance à des jumeaux un garçon et une fille. »

Kiki la petite sorcière a été traduit en 13 langues, dont le thaïlandais, le vietnamien, le français, le suédois, le russe et l'italien. En 2020, une nouvelle traduction en anglais est prévue, ainsi que des versions en espagnol et en roumain (remerciements à la maison d’édition Fukuinkan Shoten)
Kiki la petite sorcière a été traduit en 13 langues, dont le thaïlandais, le vietnamien, le français, le suédois, le russe et l’italien. En 2020, une nouvelle traduction en anglais est prévue, ainsi que des versions en espagnol et en roumain. (Remerciements à la maison d’édition Fukuinkan Shoten)

Le premier tome a été publié en 1985. Quatre ans plus tard, le 29 juillet 1989, l’histoire de Kiki sera portée à l’écran en version animée par Miyazaki Hayao et son Studio Ghibli. En 2009, la série Kiki comprenait six volumes. Plus tard, deux histoires dérivées de l’œuvre originale ont suivi.

« Chacun possède au moins un pouvoir magique »

« À mesure que j’écrivais, j’ai commencé à réfléchir : chacun ne possède-t-il pas un pouvoir magique ? » dit-elle le sourire aux lèvres. Elle ajoute qu’un degré de curiosité est nécessaire pour débloquer ce pouvoir magique en nous. « Quand votre curiosité est piquée au vif, c’est là que vous commencez à ouvrir les yeux sur le monde qui vous entoure. Tout à coup, certaines choses vous intéressent. Et au fur et à mesure, votre monde s’élargit. Et plus vous regardez, plus vous en trouvez ; plus vous allez loin, plus vos horizons s’élargissent. »

« Cela doit commencer par quelque chose de personnel », poursuit elle. « Vous pourriez par exemple noter quelque chose dans un carnet secret, écrire ce que vous ressentez à ce moment-là. Ce pourrait être une image. Cela pourrait même être quelque chose de méchant concernant une personne qui vous tape sur les nerfs. En fait, si vous le faites bien, cela peut souvent vous mener à faire de grandes choses ! »

L’un des livres illustrés de Kadono Eiko est intitulé « Arrêter de dire du mal » (Warukuchi shimaimasu ). C’est l’histoire d’une jeune fille qui a été victime de harcèlement à l’école. De retour chez elle, elle se plaint à sa mère. À ces mots, cette dernière lui apporte une boîte et lui dit : « Vas-y. Dis tout ce que tu as sur le cœur et vide-le à l’intérieur. » La jeune fille a alors tellement de choses à dire qu’elle et sa mère ne peuvent plus refermer le couvercle de la boîte.

Kadono Eiko elle-même admet avoir eu quelques appréhensions avant de faire la lecture de cette histoire, mais elle avait tort. L’histoire a tout de suite su trouver écho auprès du public, déclenchant de véritables fous rires parmi les enfants. C’est en fait l’histoire qui a eu le plus succès jusqu’à présent. « Vous savez, les tout petits se rendent compte de ce qui se passe autour d’eux. Et ils ont beaucoup de choses à dire, même s’ils ne les expriment pas toujours. »

Lorsque nous avons demandé à Kadono Eiko de porter des couleurs gaies, Kadono Eiko a choisi ce magnifique ensemble de couleur fraise.
Lorsque nous avons demandé à Kadono Eiko de porter des teintes gaies pour l’interview, Kadono Eiko a choisi ce magnifique ensemble de couleur fraise.

Suite > Comment l’imagination mène à la création

Tags

anime livre femme enfant Miyazaki Hayao

Autres articles de ce dossier