Une arboriste japonaise au chevet des arbres, des jardins et des hommes

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Julian Ryall [Profil]

Tsukamoto Konami est la première femme « médecin des arbres » du Japon. Elle a soigné et transplanté des centaines d’arbres géants, notamment des glycines âgées de 130 ans. Nous lui avons rendu visite au parc floral de Hamamatsu dans la préfecture de Shizuoka, un lieu qu’elle est en train de faire revivre tout en aidant des jeunes désorientés à retrouver une place dans la société.

Tsukamoto Konami TSUKAMOTO Konami

Née en 1949 à Iwata, dans la préfecture de Shizuoka où elle réside encore actuellement, dans la ville de Hamamatsu. Première femme japonaise « médecin des arbres », c’est-à-dire titulaire d’un diplôme de gestion des arbres. Également ingénieur de première classe en gestion de l’architecture de paysage. Doit sa notoriété à la transplantation, en 1996, d’une glycine de 130 ans dans le parc floral d’Ashikaga, une ville de la préfecture de Tochigi. Directrice du parc floral de Hamamatsu depuis avril 2013. Présidente de l’Association pour la promotion des espaces verts et des fleurs de Hamamatsu. Tsukamoto Konami se déplace aussi pour soigner des arbres dans tout le Japon. Mariée avec un créateur de jardins, elle a trois enfants et six petits-enfants.

Le rôle capital des racines

Tsukamoto Konami refuse d’utiliser des produits chimiques pour soigner les arbres. Elle est persuadée que le pouvoir d’auto-guérison de la nature est amplement suffisant, pour peu que l’homme lui donne un petit coup de pouce.

Pour les médecins des arbres, « tous les phénomènes que l’on peut observer au niveau des feuilles ou des branches ont leur origine dans les racines », explique-t-elle. « Tant qu’ils ont des racines en bonne santé, les arbres continuent à se développer normalement. »

Malheureusement, les racines se trouvent à l’intérieur du sol, ce qui complique souvent le diagnostic. Mme Tsukamoto a passé des années à étudier et à observer les arbres avant de connaître la « personnalité » propre à chaque espèce, y compris en ce qui concerne ses préférences en matière de sol et d’environnement.

« Il faut que je comprenne ce que l’arbre attend de moi. Je dois me mettre à sa place pour savoir ce qu’il ressent », ajoute-t-elle.

On fait de temps à autre appel à Tsukamoto Konami pour transplanter un arbre adulte. Une tâche qui peut s’avérer colossale. En effet, il faut parfois plusieurs années de préparatifs avant que l’arbre soit prêt à être retiré du sol et transféré sur un autre site. La plus ardue de ces transplantations a concerné quatre énormes glycines – de 1 mètre de diamètre et 3,6 mètres de circonférence – âgées de 130 ans, dont les racines et les branches s’étendaient sur une superficie de plus de 600 mètres carrés. En 1994, cette plante gigantesque poussait dans une ferme située à Hayakawa, à proximité de la ville d’Ashikaga, dans la préfecture de Tochigi, au nord de Tokyo. L’objectif de l’opération était de la transplanter dans le parc floral d’Ashikaga situé à quelque 20 kilomètres de là. « Des dizaines de professeurs d’université et de spécialistes de l’horticulture avaient déjà été consultés à ce sujet et tous avaient répondu en disant que l’opération était impossible parce que trop risquée en raison de la taille de la plante. C’est alors qu’on m’a contactée. Je me suis rendue sur place et je suis restée un long moment devant la glycine. J’ai fermé les yeux et j’ai eu le sentiment que le moment était propice pour la déplacer. »

Une transplantation historique

« La chose la plus importante quand on veut transplanter une glycine, c’est d’éviter d’abimer son tronc », dit-elle. « Le tronc est le point faible de cette plante et endommager son écorce peut être une source d’infections et de maladies. »

La réalisation de cette opération délicate a duré environ deux ans. Il a fallu d’abord déterrer les racines et les tailler avant de les remettre dans leur terre d’origine pour les protéger. Tsukamoto Konami avoue que tout cela lui a donné des cauchemars.

Pour éviter d’endommager l’écorce fragile de la glycine, l’arboriste a eu l’idée de la protéger avec des plâtres – du genre de ceux qu’on utilise pour immobiliser les membres fracturés – aux emplacements où l’on fixerait les cordes qui permettraient de la soulever.

La transplantation s’est heureusement effectuée sans problème. Les quatre glycines se sont épanouies dans leur nouvel environnement où elles couvrent chacune à présent une superficie de mille mètres carrés.

Des jardiniers enveloppent le tronc d’une glycine de 130 ans avec des bandelettes et du plâtre avant de la déplacer, de façon à protéger son écorce. (Avec l’aimable autorisation de Tsukamoto Konami)

La glycine géante lors de son transfert de la ferme de Hayakawa jusqu’au parc floral d’Ashikaga, situé une vingtaine de kilomètres de distance. (Avec l’aimable autorisation de Tsukamoto Konami)

Suite > Le pouvoir de guérison fantastique de la nature

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Julian RyallArticles de l'auteur

Journaliste. Correspondant du quotidien britannique The Daily Telegraph pour la Corée et le Japon. Titulaire d’un diplôme de troisième cycle de journalisme de l’Université centrale du Lancashire (UCLan), obtenu en 1992. Premier voyage au Japon en 1992. Réside actuellement à Yokohama.

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