Cinéma : « Parasite » reflète le Japon d’après le 11 mars 2011

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Vingt ans après la fin de la série manga « Parasite » (Kiseijû), qui raconte la guerre de l’humanité contre des parasites extra-terrestres qui colonisent le cerveau humain, le maître des effets spéciaux VFX, Yamazaki Takashi, en a réalisé une adaptation cinématographique. Le réalisateur, l’un des grands faiseurs de succès du cinéma japonais actuel, nous parle de la magie de l’original et de la vision qui l’habitait en faisant ce film.

Yamazaki Takashi YAMAZAKI Takashi

Né à Matsumoto, Préfecture de Nagano en 1964. Après des études au Asagaya College of Art and Design, il intègre une société de production d’animation et d’effets spéciaux en 1986. Chargé des effets SFX sur des films d’Itami Jûzô et Kurosawa Kiyoshi, il débute ensuite en tant que réalisateur avec Juvenile en 2000. Par la suite, il réalisera des films à gros budgets : Returner (2002), Always Sanchôme no Yûhi (2005) et Space Battleship Yamato (2010). Prix du meilleur film et du meilleur réalisateur lors des 38e Japan Academy Awards (2013-2014) avec Eien no Zero, il reçoit également le Prix de la meilleure animation avec Stand by me Doraemon.

Les plus récentes technologies du jeu vidéo

Les techniques VFX ont considérablement évolué depuis 20 ans, quand Yamazaki Takashi rêvait de participer à l’adaptation au cinéma de Parasite. Néanmoins, justifier un budget de cette importance pour l’utilisation de technologies de dernière génération n’est pas facile. La parfaite compréhension des enjeux et la force de la décision sont les points forts de Yamazaki dans ce domaine.

YAMAZAKI  Je connais la proportion optimale des technologies de pointe sur l’ensemble d’un budget. Pour Parasite, je savais qu’il fallait tirer profit de la technologie de performance capture, qui intègre par CG non seulement les mouvements mais la totalité des expressions du visage. C’est pourquoi j’ai fait appel à la coopération de fabricants de jeux vidéo, Konami et Square Enix. Ce sont eux qui ont la meilleure maîtrise de cette technologie, même si très peu de réalisateurs de cinéma sont à jour sur les tendances de l’industrie du jeu vidéo. D’ailleurs, s’inviter chez eux et leur demander de nous laisser utiliser leur technologie sur un film ne s’est pas fait sans difficulté.

Sadao Abe en combinaison de « performance capture », dans la scène où Migi (à droite) parasite la main droite de Shinichi. (© Comité de production du film Parasite, 2015)

YAMAZAKI  À Hollywood, c’est en procédant par tâtonnement qu’ils décident de l’utilisation de telle ou telle technologie. Comme ça, ils peuvent faire un choix parfait à la fin. Cela permet aussi de faire évoluer les techniques. Au Japon, les budgets sont plus serrés, les choix technologiques sont faits en amont, sur la foi de la conviction des producteurs. Bien sûr, cela demande une grande connaissance et un niveau d’information élevé, mais en dernier ressort, c’est une question de courage pour se lancer. »

Dans le Japon post 11 mars 2011, le message passe

Outre les considérations technologiques, d’autres aspects du projet sont entrés en ligne de compte pour dire que le temps était venu de réaliser ce film.

YAMAZAKI  En effet, ce film tire une sonnette d’alarme, face à des événements qui se produisent en réalité. D’une certaine façon, réaliser ce film aujourd’hui, c’est faire passer un message.

Higashide Masahiro (à gauche), dans le rôle d'un lycéen parasité dans la première partie de Parasite, est un acteur vedette au Japon. (© Comité de production du film Parasite, 2015)


Yamazaki Takashi dirige la scène de confrontation du parasite et des Forces Spéciales. (© Comité de production du film Parasite, 2015)

Quand le manga est sorti, les critiques avaient noté la présence des thèmes d’alerte environnementale globale, ce qui était très nouveau à l’époque. Aujourd’hui, la conscience de crise globale de l’humanité apparaît plus réaliste que jamais, ce qui donne une force accrue au message du film.

YAMAZAKI  Nous vivons tous dans la peur d’un quotidien très instable, on se demande à quand le prochain tremblement de terre, ou quelle est la situation réelle de la radioactivité. Parasite est justement le conte que nous avons besoin de raconter aujourd’hui sous cette situation. Non pas comme un message politique, mais comme le sentiment d’un citoyen actuel vivant au Japon, à travers la forme du divertissement.

Parasite a été projeté fin avril au Festival du Film d’Extrême-Orient d’Udine en Italie.

YAMAZAKI  Je pense que dans ce film le public étranger ressentira l’ombre lourde qui pèse sur le Japon post 11 mars 2011, et j’espère que le sentiment qu’il faut tout de même continuer à vivre avec le poids de la culpabilité inspirera de la sympathie.

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