Théâtre de marionnettes japonais : l’un des derniers maîtres-sculpteurs de têtes

Culture

Amari Yôichirô est l’un des derniers maîtres-artisans spécialisés dans la fabrication des têtes (kashira) de marionnettes pour le théâtre japonais, qu’il s’agisse du Awa ningyô jôruri de l’île de Shikoku ou du bunraku d’Osaka. Au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, il nous a parlé de son métier tout en nous présentant une partie de ses œuvres.

Amari Yôichirô AMARI Yōichirō

Né en 1945 dans la préfecture de Tokushima. Maître-artisan spécialisé dans les têtes de marionnettes. En 1974, il est devenu l’élève du maître-artisan Tamura Tsuneo. En 1984, il est devenu maître reconnu par l’Association pour la protection de la fabrication de marionnettes d’Awa. En 2006, il a été désigné comme artisan émérite de la province d’Awa. En 2007, il est devenu vice-président de l’Association des maîtres-artisans spécialisés dans les marionnettes d’Awa. Depuis 2009, il est responsable de l’Association pour la promotion du théâtre de marionnettes d’Awa.

Le théâtre de marionnettes bunraku, un art de la scène en perte de vitesse

Une représentation de Keisei Awa no Naruto (La courtisane de Naruto dans la province d’Awa), une pièce du répertoire du ningyô jôruri de la province d’Awa. Les deux marionnettes que l’on voit au premier plan sont actionnées par les opérateurs habillés de noir et voilés dont on devine les silhouettes à l’arrière-plan.

La statue que l’on voit ci-dessus représente Oyumi et sa fille Otsuru, les deux héroïnes de la pièce Keisei Awa no Naruto. Elle se trouve au théâtre de marionnettes Jûrobei de Tokushima.

Les débuts du théâtre de marionnettes japonais remontent à l’époque Azuchi Momoyama (1573-1603). Ce genre dramatique s’est manifesté sous la forme du ningyô jôruri qui combine la manipulation à la main de marionnettes de grande taille et la récitation de textes avec accompagnement au shamisen (un luth à trois cordes). Au cours du XVIIᵉ et du XVIIIᵉ siècle, il a eu un grand succès auprès du public et s’est développé de façon particulièrement spectaculaire non seulement dans les villes d’Osaka et de Kyoto, mais aussi dans l’île d’Awaji et la province d’Awa qui correspond à l’actuelle préfecture de Tokushima, dans l’île de Shikoku. À un moment donné, le Awa ningyô jôruri aurait même donné lieu à des représentations sur près de 300 scènes de village.

Mais le théâtre de marionnettes a vu sa popularité diminuer de façon considérable entre le milieu de l’ère Taishô (1912-1926) et l’ère Shôwa (1926-1989). Il a en effet été supplanté par d’autres formes de spectacles notamment le cinéma, le manzai (dialogue comique entre deux comédiens) et le rakugo (histoires courtes souvent satiriques dites par des conteurs). C’est pourquoi un grand nombre de salles de théâtre de marionnettes ont fermé leurs portes après la Seconde Guerre mondiale.

Des maîtres-artisans de moins en moins nombreux

Amari Yôichirô est l’un des derniers maîtres-artisans qui perpétuent la tradition de la fabrication des têtes de marionnettes du théâtre japonais. Nous lui avons rendu visite dans son atelier de Tokushima où il a bien voulu nous donner des précisions sur son métier et sur le théâtre de marionnettes japonais.

« Les têtes des marionnettes du Awa ningyô jôruri sont plus grandes que celles du bunraku. Les marionnettes d’Awa étaient utilisées lors de spectacles qui avaient lieu sur des scènes de villages le soir et pendant la nuit. N’étant éclairées que par des lampes à huile et des chandelles, elles n’étaient pas très visibles. On a donc fait des têtes des marionnettes plus grandes de façon à ce qu’on puisse les voir de loin », raconte le maître-artisan de Tokushima. « La scène du bunraku étant très bien éclairée, il y a formation d’un halo avec une réflexion diffuse de la lumière. Dans le Awa ningyô jôruri en revanche, l’éclairage est nettement moins fort si bien que les marionnettes sont plus brillantes et qu’elles ont l’air plus vivantes. »

Cela fait une quarantaine d’années qu’Amari Yôichirô fabrique des têtes de marionnettes qu’il sculpte dans du bois avant de les laquer. Quand il était enfant, il avait déjà un canif de Higonokami et il a commencé à s’exercer à la sculpture en faisant des figurines de type Hakata ningyô et des casiers à bouteilles de vin.

« Je me suis lancé dans le métier de créateur de têtes de marionnettes lorsque le maître-artisan du vieux théâtre de jôruri qui se trouvait à côté de chez moi a quitté les lieux. J’ai travaillé pendant cinq ans en tant qu’apprenti chez un maître spécialisé en la matière. Aujourd’hui, il n’y a plus que trois ou quatre artisans qui ont une expérience de longue date. L’Association des fabricants de têtes de marionnettes d’Awa compte moins de 40 membres dont la plupart sont des amateurs », explique Amari Yôichirô.

À gauche : une tête de marionnette du Awa ningyô jôruri. À droite : une tête de marionnette du bunraku.

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