Le sens caché du cri de Godzilla — Watanabe Ken, acteur

Culture Cinéma

Watanabe Ken déploie l’étendue de son talent dans l’industrie du cinéma, aussi bien aux États-Unis qu’au Japon. Lors de notre rencontre, il nous a parlé avec chaleur des sentiments avec lesquels il a joué dans le nouveau film d’Hollywood Godzilla, sous la direction d’un talentueux réalisateur britannique, et de l’importance du mythe de Godzilla, apparu il y a déjà soixante ans au Japon.

Watanabe Ken WATANABE Ken

Né en 1959 à Uonuma dans la préfecture de Niigata. Entre dans la troupe de théâtre Yen en 1979. Parallèlement à une brillante carrière théâtrale, il marque d’une forte présence des films comme Tampopo (1985) de Itami Jûzô. En 1987, sa popularité est définitivement établie grâce à la série télé populaire de la NHK Dokuganryû Masamune (« Masamune le dragon borgne »). Le film The Last Samurai qu’il tourne avec Tom Cruise et qui sort en décembre 2003 marque son entrée à Hollywood. Ce film lui rapporte une nomination à l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 2004, lors de la cérémonie des 76e Oscars. Depuis lors, il est régulièrement apparu dans diverses superproductions hollywoodiennes : Sayuri (2005), Lettres d'Iwo Jima (2006), Inception (2010), etc. Au Japon, il a interprété notamment les rôles principaux de Ashita no Kioku (« Souvenirs de demain ») (2006), une histoire d’un homme de 49 ans atteint de la maladie d'Alzheimer, et de Shizumanu Taiyô (« Soleil qui ne se couche pas ») (2009), adaptation d’un roman de Yamazaki Toyoko inspiré par l'accident du vol 123 de la Japan Airlines. En 2013, il a joué le rôle principal de Yurusarezaru Mono, le remake japonais du chef d’œuvre de Clint Eastwood Unforgiven réalisé par Lee Sang. En outre, Watanabe Ken est également très engagé dans les activités d’aide aux sinistrés du tremblement de terre du Tôhoku. Il a monté le projet K-Port, un café-lieu de rassemblement et de rencontre à Kesennuma dans la préfecture de Miyagi en mars 2014.

Une certaine amertume par rapport au cinéma japonais

Godzilla, qui connaît cet éclatant succès mondial, est une invention de la culture japonaise. Or, exception faite des films d’animation, la capacité du cinéma japonais à se diffuser à l’échelle mondiale est très faible. Qu’en pense Watanabe Ken ?

« Du fait que je suis concerné par ce milieu, je dis avec une certaine amertume... Comparons avec des films du niveau du Dernier samouraï ou de Lettres d’Iwojima, je pense que le cinéma japonais ne se donne pas les moyens de traiter sérieusement les grandes questions. Nous restons confortablement à traiter des sujets de vie quotidienne sans risque. »

Ce que j’aimerais faire dans le cinéma japonais, ce sont des films qui traitent de conflits humains, de thématiques universelles, comme « Le Soleil qui ne se couche pas », ou « Mémoires de demain ». Dans Unforgiven aussi, il s’agit de la détermination du bien et du mal sur un thème possédant une vraie profondeur. Et parlons de Godzilla, nous avions un thème magnifique à travailler, mais c’est un film étranger qui a pris les devants, c’est tout de même un peu frustrant, il faudrait faire quelque chose ! »

Jeunes, n'ayez pas peur de la honte

En tant que « star japonaise d’Hollywood », Watanabe Ken a dû s’imposer en anglais. Ce que très peu d’acteurs japonais ont réussi à faire au niveau international. Comment pense-t-il quand il joue en anglais ? Sa réponse est un encouragement adressé à la jeune génération japonaise.

« J’ai toujours honte de jouer en anglais. J’ai toujours peur de mal maîtriser la langue du personnage que j’interprète, c’est une angoisse qui ne me quitte pas. Il faut un sens permanent du défi pour ne pas craquer. Mais quoi ? Ce métier est par nature lié à la honte. On fait semblant d’aimer, de vivre, de mourir, et en public encore ! Et pourtant, ce métier dont on devrait avoir honte, j’ai l’impression qu’on a de moins en moins de raison d’en avoir honte.

Il ne s’agit pas seulement du métier d’acteur, c’est pareil pour tous les jeunes qui ne se sentent pas le courage d’aller à l’étranger tenter leur chance. Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à se payer la honte. Vous ne parlez peut-être pas très bien anglais, mais sortir du Japon vous donnera l’occasion d’apprendre quelque chose de la réalité. Je crois que beaucoup de jeunes ne veulent pas prendre le risque de se payer la honte, et préfèrent éviter tout ce qui est un peu différent de leur vie quotidienne… C’est une tendance générale, de ne pas regarder en face tout ce qui est inconnu et un peu trop grand. C’est d’ailleurs le même problème que connaît actuellement le cinéma japonais. »

(Propos recueillis en japonais par Harano Jôji, le 26 juin 2014. Photographies de Yamada Shinji)

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