Plaidoyer pour une ouverture du Japon vers l’extérieur

Politique

Depuis le retour au pouvoir du parti libéral-démocrate (PLD) et la formation du second cabinet du Premier ministre Abe Shinzô, en décembre 2012, le Japon semble plus sûr de lui, même si cela dérange quelque peu certains de ses voisins. Voici le compte-rendu d’un entretien que nous a accordé le spécialiste des relations internationales Kent Calder à propos des développements les plus récents et des perspectives de la « diplomatie publique » du Japon.

Kent Calder Kent CALDER

Directeur du Reischauer Center for East Asian Studies de l’Université Harvard et du programme d’études japonaises de l’Université Johns Hopkins de Baltimore, aux États-Unis. Titulaire d’un doctorat de gestion de l’Université Harvard. A enseigné à l’Université Princeton et occupé, entre autres postes, la chaire des études japonaises du Centre pour les études stratégiques internationales (CSIS) dont le siège est à Washington. Auteur de nombreux ouvrages dont les plus récents incluent Pacific Alliance : Reviving US-Japan Relations (2009) et The New Continentalism : Energy and Twenty-First Century Eurasian Geopolitics (2012) et Asia in Washington: Exploring the Penumbra of Transnational Power (2014).

Un système de relations publiques efficace

——À l’heure actuelle, le Japon s’investit davantage dans des projets de relations publiques comme celui de « Cool Japan », qui est destiné à encourager les créateurs dans le domaine de la culture.

CALDER  S’intéresser aux jeunes, c’est une attitude indéniablement positive pour le Japon, une attitude qui aura son importance, à long terme. Moi qui viens de Washington, le problème qui m’a sauté aux yeux en arrivant, c’est qu’on ne sait pas clairement où en est le Japon en termes de politique et de façon d’envisager l’avenir. Le souvenir de ce qui s’est passé durant le premier mandat de M. Abe en tant que premier ministre est encore présent et il donne lieu à des équivoques. Certains n’ont toujours pas compris que le programme de son second mandat est différent, à bien des égards.

Je pense que, pour l’instant, la première priorité de la diplomatie et de la politique japonaise, c’est de faire passer le message que le Japon est de retour et qu’il contribue à l’économie mondiale d’une façon très constructive. Dans le domaine du développement, par exemple, les réunions de la Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (TICAD) jouent un rôle considérable dans les relations avec l’Afrique, ce qui va dans le sens des intérêts du gouvernement de Barack Obama. Je ne pense pas que la politique et le rôle joué par le Japon vis-à-vis de l’Afrique soient bien compris. Voilà un domaine de toute première priorité pour le Japon.

——Pensez-vous que le Japon n’a pas les capacités pour ce genre de diplomatie publique ou pour communiquer avec les autres cultures ?

CALDER  Je suis en train de faire une étude comparative sur le sujet, en ce moment même. Je crois que le Japon est foncièrement tourné vers l’intérieur, même quand il fait de la politique étrangère. Il est pourtant très important d’avoir une présence effective dans les pays qui jouent un rôle clef — non seulement les États-Unis mais aussi les pays de l’Asie du Sud-Est pour ne citer que ceux-là. L’interaction avec le monde extérieur par l’intermédiaire d’étrangers aussi bien que de représentants japonais s’exprimant clairement est quelque chose de fondamental, au même titre que les medias sociaux et Internet.

Il y a certes déjà eu des ambassadeurs japonais très doués pour la communication, à Washington en particulier. Mais le Japon doit absolument avoir des porte-parole qui assurent une présence sur le terrain à tous les niveaux dans un grand nombre d’institutions, à Washington et ailleurs, en particulier du côté non gouvernemental, des porte-parole qui expriment clairement le point de vue des Japonais ou des positions favorables au Japon.

(D’après l'interview réalisée en anglais le 23 juillet 2013, par Peter Durfee, directeur de la Nippon Communications Foundation. Photographies de Kodera Kei.)

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