Qu'est-ce que le « community design » ?

Société Vie quotidienne

Yamazaki Ryô est community designer (concepteur de modèles communautaires). Avec Studio-L, l’entreprise qu’il a créée, il s’efforce d’aider des villes et des petites communautés locales à survivre et à retrouver leur dynamisme en dépit du déclin démographique qui frappe le Japon. Les modèles communautaires innovants qu’il a conçus pourront également s’appliquer aux grandes villes quand elles connaîtront des problèmes similaires, et ce non seulement au Japon mais aussi dans le reste du monde.

Yamazaki Ryô YAMAZAKI Ryo

Né en 1973. Directeur du cabinet d’architecture urbaine Studio-L qu’il a fondé en 2005. Professeur à l’Université d’art et de design de Kyoto où il dirige le département de l’aménagement de l’espace. En tant que concepteur de modèles communautaires, Yamazaki Ryô a participé à de nombreux projets, ce qui implique l’organisation d’ateliers destinés aux citoyens soucieux de résoudre les problèmes de leur communauté et l’élaboration de plans d’urbanisme en accord avec la population locale. Il a aussi effectué des travaux d’architecture, d’aménagement paysager et de gestion des parcs en fonction des habitants des environs. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Community Design (Design pour une communauté) et Machi no kôfukuron (Comment vivre heureux en ville).

Un style de vie plus abordable

——À votre avis, les communautés des régions en grande difficulté ont-elles encore l’énergie nécessaire pour repartir du bon pied ?

YAMAZAKI Je crois que même les communautés en grande difficulté ont l’énergie potentielle pour aller de l’avant. Le problème, c’est que leur population est faible. Elles ont du mal à trouver de nouvelles idées, surtout quand les jeunes générations sont parties. Voilà pourquoi la tendance des citadins à quitter les villes pour aller s’installer en province a une si grande importance pour les communautés locales.

Une des raisons du renversement de la proportion entre les habitants des zones urbaines et ceux des zones rurales après la Seconde Guerre mondiale, c’est, semble-t-il, que même les Japonais qui souhaitaient continuer à mener une vie paisible et heureuse à la campagne ont été contraints d’aller s’installer en ville parce qu’il n’y avait pas de travail sur place. Cela ne veut pas dire que je souhaite que 80 % des habitants de l’Archipel vivent à nouveau à la campagne. Mais je pense que la population rurale devrait augmenter. J’aimerais que les citadins mécontents de vivre dans un milieu urbain sautent le pas et aillent s’installer en province.

Les provinces japonaises d’aujourd’hui n’ont pas grand-chose à voir avec l’image qu’on s’en faisait au XXe siècle. Si les salaires restent, il est vrai, inférieurs à ceux des grandes villes, les prix des loyers et de la nourriture sont moins élevés, ce qui permet de faire des économies. L’accès à Internet est meilleur qu’en ville, parce que dans les zones rurales, plus personne ne se connecte après 20 heures et on a la toile pour soi tout seul ! [Rires]

Les habitants des villes ignorent encore beaucoup de choses à cet égard. Une fois que les jeunes Japonais pleins de talent auront compris les avantages de la vie en province au XXIe siècle, ils seront davantage tentés de quitter les grandes métropoles.

Un exemple qui doit servir aux autres pays

——Les problèmes que connaît le Japon existent aussi dans les autres pays, n’est-ce pas ?

YAMAZAKI  Oui, c’est exact. Depuis dix ans, le Japon est le pays le plus avancé en termes de rapidité du déclin de la population. Mais la Corée du Sud a seulement dix années de retard sur l’Archipel et la Chine seize. À cause de sa politique de l’enfant unique, la Chine va connaître un déclin démographique encore plus brutal que le nôtre.

Je pense que le Japon est nettement en tête par rapport au reste du monde en ce qui concerne la conscience de l’importance de la valorisation des communautés locales face au vieillissement de la société. Le jour où les habitants des autres pays auront des problèmes similaires à ceux de l’Archipel, nous serons en mesure de leur prodiguer nos connaissances et notre savoir-faire en la matière.

Toutefois, si les Japonais essaient de proposer des changements aux autres pays en se plaçant dans une perspective purement commerciale, leur action n’aura aucun effet. Durant l’ère révolue de la suprématie du « hard » (matériel), le Japon s’est beaucoup impliqué dans ce type d’activités, mais cette façon de faire et ces méthodes ne sont plus appropriés à l’heure de l’ère du « soft » (logiciel).

La conception de community design est une expérience que nous devons faire partager au reste du monde. Mais pour ce faire, nous ne pouvons pas nous contenter d’aller à l’étranger et de traduire ce que nous avons à dire. Il faut que nous formions sur place des gens qui sont prêts à s’engager dans le même travail que nous. Je crois que la meilleure façon de procéder serait que ceux à qui nous aurons transmis une partie de nos connaissances trouvent eux-mêmes les méthodes les plus adaptées pour travailler sur place. Je pense que c’est la seule et unique manière de concevoir le community design

Suite > Les compliments : une motivation très forte pour aller de l’avant

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