L’Edokko et la façon subtile de tenir ses distances

Culture Vie quotidienne

Le rakugo, seul art narratif humoristique à s’être perpétué depuis la période d’Edo, regorge de sentiments, de joies et de peines quotidiennes, issus du creuset de la vie populaire. Nous avons donc cherché à savoir auprès d’un vrai Edokko (natif de Tokyo), né et élevé dans un des "shitamachi" ( quartiers populaires), quel peut bien être l’attrait des milieux particuliers que sont Edo, le rakugo et des quartiers populaires comme Asakusa.

Hayashiya Shôzô HAYASHIYA Shozo

Conteur de rakugo. Né à Tokyo dans le quartier de Negishi en 1962. Feu son père, Hayashiya Sanpei était surnommé « le Roi du four rire de (l’ère) Showa ». En 1978, Shôzô devient membre de l’Association du Rakugo sous le pseudonyme professionnel d’Hayashiya Kobuhei. En 1987, il est promu au rang de shin-uchi, artiste principal figurant en vedette d’un spectacle, à l’âge de 25 ans, le plus jeune dans l’histoire. En 2005, il hérite de son nom officiel de Hayashiya Shôzô IX. Son activité ne s’arrète pas au rakugo mais elle inclut aussi des prestations de présentateur d’émissions televisées, d’acteur, et il prête également sa voix à l’audiovisuel. En outre, sur le plan personnel, il a une grande connaissance du jazz et de la gastronomie. Actuellement Shôzô est narrateur dans une série télévisée de la NHK « Ume-chan sensei ». Les œuvres les plus récentes auxquelles il a participé sont le dessin animé « La biographie de Gusukô Budori » (sorti le 7 juillet 2012) dans lequel il prête sa voix au personnage Barberousse, et le film « Une famille Tokyoïte » de Yôji Yamada dont la sortie est prévue en janvier 2013.

Les secrets pour goûter pleinement au spectacle de rakugo

——Y a-t-il des choses à savoir par les néophytes se rendant au spectacle ?

SHÔZÔ   Je conseille, tout d’abord, aux personnes qui s’initient, de ne pas étudier avant de venir. Si vous venez après avoir écouté sur CD l’histoire contée par un grand maître, vous serez déçus car il n’y a que peu de conteurs capable de créer une telle atmosphère. Venez de préférence accompagné de quelqu’un avec qui vous avez une affinité, comme des amis ou vos parents. Au début je vous déconseille de venir avec des enfants car le rakugo est un univers d’adultes abordant les sujets galants de manière récurrente.

Ensuite, il est important de trouver un restaurant ou aller après le spectacle, peu importe sa specialité.

De même qu’au retour d’un spectacle ou d’un concert l’on s’arrête et mange dans un restaurant chic, ou encore que l’on mange un chanko nabe (plat de base d’un sumotori) après avoir assisté à un tournoi de sumo, arrétez-vous dans un bon restaurant. En d’autres termes, j’aimerais que vous consideriez un spectacle de rakugo comme un évenement dans vos sorties.

Pour les néophytes, je recommande les spectacles en matinée d’un samedi ou un dimanche ensoleillé. Dans cette tranche horaire, les conteurs de rakugo vous narrerons des tas d’histoires drôles faciles à comprendre. A ce sujet, j’ai été autrefois pris à partie par un collègue plus âgé que moi. Ayant conté un ninjo-banashi, un genre de récit fondé sur la compassion, ce collègue me dit : « Mais enfin, pourquoi est-ce que tu contes un ninjo-banashi par un temps pareil !? Va dehors et regarde ! Par un temps si merveilleux tu ne crois pas que le public a envie de rire avant de rentrer ? Un jour comme celui-là, ton devoir de conteur est de faire en sorte qu’ils rentrent chez eux satisfaits d’avoir bien ri ! ». Je ne pouvais qu’être d’accord avec ce qu’il m’a dit.

Aux personnes possédant un bon niveau, je recommande les jours de semaine vers mardi ou jeudi ; et, de surcroît, de choisir une date précédent le jour de paie et une salle du quartier d’Ikebukuro un soir de pluie sans rémission. De tels soirs, le nombre d’entrées est faible, et c’est l’occasion dont profite le conteur pour placer l’histoire qu’il a envie de conter. C’est là l’état d’esprit des conteurs de rakugo. Si vous avez envie de les écouter, allez d'emblée à Ikebukuro.

(Texte : Sakurai Shin. Photos : Yamada Shinji)

Tags

spectacle histoire gastronomie tradition Edo Asakusa anguille éventail

Autres articles de ce dossier