
Yoshi, l’anti-héros qui s’aime à la folie
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Le film Tarô no baka (« Tarô l’idiot »), du réalisateur Ômori Tatsushi, est sorti le 6 septembre 2019 au Japon. Le film raconte l’histoire d’un garçon de 15 ans sans état-civil, qui n’a jamais été scolarisé. Puisqu’il n’a aucune existence légale, « Tarô » n’est qu’un surnom. Le film le montre vivre des jours sans lendemain avec deux copains lycéens, comme une plante sans racine.
La vie de personnes hors de toute existence légale puisque sans état-civil est une réalité au Japon, aussi bien après-guerre dans la période reconstruction puis de haute croissance économique, qu’une fois le pays installé dans la stabilité et la maturité. Pour des raisons diverses, des mères donnent naissance à des enfants et ne les déclarent pas. Le ministère de la Justice évalue leur nombre à 700 environ, mais certains spécialistes pensent que la réalité souterraine dépasserait les 10 000 (voir notre article sur le sujet).
Le point de départ du film peut donc se prévaloir d’un contexte social réel. Mais si des gens comme cela existent quelque part, ils ne sont pas partout pour autant. Où trouver dans le Japon d’aujourd’hui un acteur capable d’interpréter le rôle de Tarô ? Telle fut sans doute la première inquiétude de Ômori Tatsushi quand il a entrepris de porter son scénario original à l’écran. L’audition de plus de 300 candidats ne l’a pas convaincu, et c’est seulement quand il a vu sur Instagram un jeune sans aucune expérience du travail d’acteur, Yoshi, qu’il a eu un déclic. Au moment du tournage, le garçon avait 15 ans.
Yoshi (centre) avec Suda Masaki (à gauche) et Nakano Taiga (à droite) dans le film Tarô no baka © 2019 Comité de production Tarô no baka
La mode avant tout
« L’école, je détestais ça. Je ne m’entendais pas bien avec les autres de ma classe, je n’ai jamais réussi à m’intégrer. Moi, je bouge à l’instinct. Je n’aime rien tant que ça n’a pas un intérêt pour moi. En fait, je fréquentais plutôt des adultes. Et comme ce qui m’intéressait surtout, c’était les vêtements, je me suis fait des connaissances dans le domaine de la mode. »
Ce sont ses amis plus âgés qui l’ont poussé à ouvrir un compte Instagram et à commencer à se rendre dans des événements de mode, dont l’un d’entre eux contriubera à ses débuts en 2016. La marque de street fashion Off-White organisait une fête pour son lancement à Tokyo. Yoshi, alors âgé de 13 ans, s’y est rendu avec l’un des accessoires phares de la collection, une ceinture industrielle, autour du cou. Le designer de la marque, Virgil Abloh, le remarque immédiatement. La photo du jeune garçon avec Virgil, dont l’influence dans le domaine de la mode est telle qu’il est maintenant directeur artistique Homme pour Louis Vuitton, sera vue par plusieurs millions de personnes sur Instagram.
La photo du designer Virgil Abloh et Yoshi sur Instagram (avec l'aimable autorisation de STARBASE)
« À ce moment-là, comment je sortais de nulle part, j’ai donné des interviews à des gens qui voulaient simplement savoir qui j’étais ! J’ai eu quelques shootings photo aussi, et le temps de m’apercevoir de ce qui se passait, j’étais déjà plongé dans le milieu de la mode. Au début, j’étais seulement traité comme un garçon à fond sur le fashion. On me regardait, mais je n’étais pas vraiment un mannequin. Ma position n’était pas très définie. Moi non plus, de toute façon, je pensais que je n’étais personne de particulier. Je ne savais rien de la suite des événements, mais je me sentais bien à cette place, et j’avais envie de devenir célèbre. »
Viennent ensuite les shootings et le mannequinat pour plusieurs grandes marques. Son activité s’élargit au domaine de l’art et du design. En 2019, il démarre une activité dans la musique avec un premier album, dont il dessine lui-même la pochette.
Yoshi, 16 ans, près d’un an après le tournage de Tarô no baka.
— Depuis l’année dernière, vous vous lancez sérieusement dans de nombreuses activités, comme le cinéma et la musique…
YOSHI Pour la musique, j’étais allé assister au tournage du clip d’un ami, je chantais à côté de la cabine du DJ quand le producteur commence à me parler, me dit : “Hé, mais tu chantes bien !”, et de fil en aiguille, ça s’est fait. Uniquement une histoire de timing. Il y a pas mal de miracles comme ça dans ma vie...
— Comment s’est passé le tournage de Tarô ?
Y. C’était ma première expérience comme acteur, alors jusqu’à la première prise, j’étais un peu nerveux. Et si jamais elle était un échec, comment allais-je pouvoir supporter un mois de tournage ? Mais finalement, dès que je me suis lancé, j’étais super tranquille ! Il y a plein de gens tout autour, les autres acteurs, l’équipe technique, jusqu’à 30 ou 40 personnes. Mais en fait, tout le monde forme un seul corps. Dès que j’ai senti ça, c’est devenu beaucoup plus facile. Après, c’était huilé, ça coulait tout seul (rires). »