
Sôkokurai, un sumotori chinois à toute épreuve
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Un lutteur chinois en 1ère division : du jamais vu
D’après la liste officielle (banzuke) établie à l’occasion du grand tournoi du mois de mai 2014, il y a six cent quarante-sept lutteurs professionnels (rikishi) de sumo en activité. Les meilleurs d’entre eux sont ceux qui réussissent à se hisser en première division (makuuchi) où la concurrence est rude, le nombre des rikishi étant limité à quarante-deux.
Dans chaque écurie, le nom et le rang des lutteurs sont calligraphiés sur des tablettes en bois fixées au mur de la salle d’entraînement. Sur la première tablette à partir de la gauche on peut lire « Sôkokurai » et sur la seconde, « makuuchi », c’est-à-dire première division.
Peu après sa promotion en deuxième division (jûryô), au mois de janvier 2010, Sôkokurai est entré dans le cercle très fermé de la première division du sumo à la suite de sa remarquable prestation lors du grand tournoi du mois de septembre suivant. Les lutteurs des deux divisions les plus élevées de la hiérarchie du sumo portent le titre honorifique de sekitori (littéralement « celui qui peut franchir la barrière sans dire le nom »). Quand Sôkokurai a été promu en deuxième division, les médias japonais l’ont qualifié de « premier sekitori chinois depuis trente-six ans ». Ils faisaient en cela référence à Kiyonohana, un lutteur ayant accédé à la jûryô en 1974. Mais ils oubliaient que si les deux parents de Kiyonohana étaient chinois, celui-ci est né en 1950 à Ôsaka et que c’est là qu’il a grandi. Sôkokurai est donc le premier lutteur de sumo originaire de Chine à devenir sekitori et à être promu en makuuchi.
Le secret de la réussite : un entraînement sévère
L’écurie Arashio à laquelle appartient Sôkokukai se trouve à Tokyo, dans l’arrondissement de Chûô. L’entraînement commence tôt le matin, en général vers six heures et demie, et il prend fin aux alentours de dix heures. Quand nous sommes arrivés, vers huit heures, les lutteurs étaient rassemblés au rez-de-chaussée, autour de l’aire de combat circulaire (dohyô), où les rikishi s’affrontent sans relâche, et ils étaient ruisselants de sueur.
Il y avait au total une vingtaine de sumotori. La salle résonnait à chaque choc frontal de plein fouet entre deux énormes lutteurs et elle vibrait quand un jeune rikishi était projeté au sol sur l’aire de combat recouverte de sable. La règle de cet entraînement veut qu’après un assaut, le vainqueur reste sur le dohyô pour affronter un à un les lutteurs de son choix jusqu’à ce qu’il finisse par être battu (môshiai keiko). Ceux qui ne combattaient pas attendaient leur tour, en reprenant leur souffle.
Un peu plus tard, quand nous avons pu parler avec Sôkokurai, nous lui avons demandé si, à son avis, les enfants-rois issus de la politique chinoise de limitation des naissances à un seul rejeton par ménage sont capables de se plier à une pratique aussi dure. Il a réfléchi quelques instants puis nous a répondu en riant : « Il faut absolument en passer par un entraînement sévère. C’est le meilleur moyen pour devenir un adulte. Il en va de même en Chine et au Japon. Il n’y a pas d’autre voie pour réussir ».
Deux lutteurs en pleine action dans la salle d’entraînement de l’écurie Asashio.
De la Mongolie intérieure au Japon, via le sumo
La première fois que Sôkokurai est allé au Japon, il avait dix-neuf ans. Il venait de Chifeng, sa ville natale située dans la province chinoise autonome de Mongolie intérieure. À l’époque, il s’appelait encore Engketübsin.
« J’ai commencé à pratiquer la lutte quand j’étais en Chine », explique-t-il, « mais à partir du moment où j’ai entendu parler du sumo, j’ai voulu devenir un rikishi. Au début, mes parents étaient contre, mais ils ont fini par me donner leur accord en disant qu’ils ne pouvaient pas s’opposer à la voie que j’avais choisie ».
En avril 2004, le jeune homme a eu la chance de rencontrer Ôyutaka Masachika, le patron de l’écurie Arashio. Celui-ci s’était rendu en Chine en quête d’un apprenti-lutteur et il avait trouvé une recrue chinoise à sa convenance en la personne d’un solide gaillard, mais les négociations n’avaient pas abouti. Il s’apprêtait à rentrer bredouille au Japon, quand Engketübsin s’était présenté à son hôtel pour lui proposer ses services. Le patron de l’écurie Arashio avait alors accepté de lui donner sa chance. C’est ainsi qu’en juin 2004, le jeune chinois a quitté son pays natal pour le Japon où il a été officiellement engagé par l’écurie Arashio. Dès lors il a pris le nom de Sôkokurai. Il a livré son premier combat officiel dès le mois de septembre. Mais la destinée lui réservait bien des surprises.