[Galerie photos] La mer d’Okhotsk, source de l’abondance de la nature de Hokkaidô
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Le littoral de Hokkaidô, la principale île la plus au nord du Japon, a été l’un des derniers endroits au monde à être entièrement cartographié. C’est Jerome de Angelis (1567–1623), un missionnaire jésuite italien au Japon, qui, en 1621, fut le premier à mettre Hokkaidô sur une carte du monde. Sur celle-ci, l’île était dépeinte comme étant trois fois plus grande que l’île principale de Honshû, et identifiée sous le nom de « Yezo ».
Le détroit de Tsugaru sépare Honshû et Hokkaidô. Certaines parties de Hokkaidô ne sont situées qu’à environ 20 kilomètres des péninsules de Shimokita et Tsugaru à Honshû, mais leur accès a été freiné d’une part par la brume, particulièrement fréquente en été, et également par les mers agitées en hiver dues aux vents saisonniers nord-ouest en provenance du continent asiatique. Ce n’est donc qu’au milieu du XIXe siècle, après six expéditions sur l’île par l’explorateur et cartographe Matsuura Takeshirô (1818–1888), que l’existence entière de Hokkaidô a été révélée.
La banquise dérivante de l’hiver
L’île de Hokkaidô est entourée de trois plans d’eau : la mer du Japon, celle d’Okhotsk et l’océan Pacifique, chacune de ces zones ayant des caractéristiques distinctes. Le courant de Tsushima, qui s’écoule vers le nord dans la mer du Japon, influence les vents saisonniers d’hiver et provoque des chutes de neige abondantes sur la côte ouest et les régions montagneuses intérieures du Japon. La mer d’Okhotsk, au nord-est, devient une vaste étendue blanche lorsque la glace dérivante se déplace de l’hiver au printemps. Dans l’océan Pacifique, le courant froid d’Oyashio, noirci par d’énormes quantités de planctons, s’écoule vers le sud, attirant d’énormes bancs de poissons tels que le saumon, le balaou du Japon (sanma) et les pilchards.
Parmi les trois, je crois que la mer d’Okhotsk est la plus caractéristique de la région. Je vis à environ 30 kilomètres de l’intérieur, sur les rives du lac Kussharo. En temps ordinaire, je perçois à peine la présence de la mer. Mais une fois par an, lorsque la glace dérivante atteint les rives, la température baisse considérablement. Le lac Kussharo, formé dans une caldeira profonde, ne gèle pas facilement, mais la glace commence à se former autour de cette période, transformant la surface en un vaste miroir blanc.
En raison du réchauffement climatique des dernières années, la banquise dérivante ne recouvre plus toute la mer d’Okhotsk comme par le passé. La glace, beaucoup moins présente, s’échoue sur la côte pendant des périodes de plus en plus courtes chaque année. J’habite à Hokkaidô depuis près de 35 ans. Auparavant, il n’était pas rare que les températures hivernales atteignent jusqu’à moins 30º Celsius, mais cela se produit désormais moins souvent et les hivers sont plus supportables. Cependant, il me peine de constater que la rude nature de l’île disparaît peu à peu…
Les bénédictions du fleuve Amour
Il est inhabituel que la banquise dérivante se forme aussi loin au sud qu’elle ne le fait dans la mer d’Okhotsk, à 43 degrés nord de l’équateur (ce qui représente la même latitude que le nord de la Méditerranée et que Boston aux États-Unis). Le mécanisme de formation de la glace devient de plus en plus clair, grâce à des études scientifiques, des photographies satellites et des recherches internationales conjointes menées avec des scientifiques de plusieurs pays, dont notamment la Russie.
Que ce soit dans l’hémisphère nord ou sud, la mer d’Okhotsk est unique : c’est le lieu avec la plus basse lattitude à laquelle la banquise dérivante parvient à se former. Ce phénomène est probablement dû à la topographie de la mer d’Okhotsk et du fleuve Amour, qui coule à travers la Sibérie dans le nord-est de la Russie. D’énormes volumes de son eau s’écoulant dans la mer d’Okhotsk forment le noyau de la banquise dérivante. Si vous goûtez à cette glace par curiosité, vous constaterez qu’elle est faite d’eau douce, et non salée.
En revenant d’une visite au lac Baïkal au printemps, je suis allé à Khabarovsk, puis près de l’embouchure de l’Amour. Le fleuve est si large que je parvenais à peine à apercevoir l’autre rive. J’ai été considérablement impressionné par le débit massif de l’eau, amplifié à cette époque de l’année par la fonte des neiges.
À partir de novembre, les eaux douces du fleuve Amour commencent à geler sur la surface de l’eau salée plus épaisse de la mer d’Okhotsk. Avec l’arrivée de l’hiver, les glaces s’étendent lentement. La banquise dérivante, poussée par les vents du nord-ouest, atteint généralement les côtes de la mer d’Okhotsk à Hokkaidô à partir de fin janvier.
La mer argentée, figée dans la glace et la neige, est silencieuse, éclatante et immobile. Mais au petit matin et en fin d’après-midi, les créatures ayant voyagé sur la banquise s’amusent dans le paysage gelé.
Une grande diversité
La mer d’Okhotsk est bien connue comme le refuge hivernal des pygargues empereurs, des aigles à queue blanche et d’autres oiseaux de proie. Les phoques sans oreilles et leurs proches font aussi leur apparition : on compte quelques otaries, des phoques tachetés qui mettent bas sur la glace dérivante, mais aussi de nombreux phoques annelés. Les phoques tachetés ont tendance à rester près de la côte, tandis que les phoques rubanés sont plus souvent trouvables en eaux libres, probablement en raison des différences entre leurs habitudes alimentaires.
Ces animaux et d’autres, y compris des espèces en danger, bénéficient des ressources de la mer grâce aux phytoplanctons apportés par la banquise dérivante. Cela nourrit le zooplancton et les petits poissons, attirant le colin d’Alaska, les calmars et d’autres créatures marines. Cette chaîne alimentaire fait de la mer d’Okhotsk un des écosystèmes marins les plus riches du monde.
Le littoral de la mer d’Okhotsk comprend peu de falaises et de récifs, sauf à la péninsule de Shiretoko, où le terrain montagneux plonge directement dans la mer. De nombreuses plages sont sablonneuses, et de nombreux bancs de sable sont parvenus à piéger l’eau de mer, créant des lagunes côtières d’eau saumâtre telles que le lac Kuccharo, le lac Saroma, le lac Notoro et le lac Fûren. Au printemps et en automne, des milliers d’oies et de canards s’arrêtent dans ces zones humides lors de leurs migrations saisonnières.
(Photo de titre : le balaou du Japon échoué sur les rives du lac Utoro, emporté par les vagues, un incroyable phénomène naturel marin. © Mizukoshi Takeshi)