[Galerie photos] « Futur archaïque » : les traces du Japon antique révélées par un photographe américain

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Everett Kennedy Brown [Profil]

Les villes d’Izumo et d’Iwami, dans la préfecture de Shimane, font perdurer aujourd’hui encore certaines des traditions culturelles les plus anciennes du Japon. En utilisant de vieux procédés, le photographe américain Everett Kennedy Brown met en lumière ces scènes pittoresques.

Izumo et Iwami, où vivent les dieux

Les régions d’Izumo et d’Iwami, situées dans la préfecture de Shimane à l’ouest du Japon, sont considérées comme des endroits remplis de mythes et de légendes. Peut-être est-ce à cause de leurs paysages à couper le souffle. Le long du littoral accidenté qui s’élève sur la mer du Japon, l’on trouve des rochers géants formés pendant des millions d’années de bouleversements. Aujourd’hui, leurs formes étranges ne peuvent que stimuler l’imagination.

De vieux pins prennent également racine le long de ce littoral, se tenant de manière précaire sur les falaises balayées par le vent, leurs branches noueuses, torturées par d’incessantes tornades de vent, s’entremêlant en des formes étranges qui rappellent les dragons et d’autres figures mythiques.

Quand le printemps arrive dans ces régions, les montagnes se recouvrent d’un tapis de verdure. Voyager à l’intérieur des terres depuis la côte rocheuse nous permet d’admirer ces monts qui ondulent et s’étirent dans de larges vallées où les eaux coulent pour irriguer d’anciennes rizières. Cette terre est en effet cultivée par les fermiers locaux depuis plus de deux millénaires.

Des jeunes hommes participent à un festival de la ville de Matsue qui se tient depuis l’époque d’Edo (1603-1868). Appelé Hôran-Enya, il n’est tenu qu’une fois tous les 10 ans.
Des jeunes hommes participent à un festival de la ville de Matsue qui se tient depuis l’époque d’Edo (1603-1868). Appelé Hôran-Enya, il n’est tenu qu’une fois tous les 10 ans.

Les structures en béton utilisées par les pêcheurs de palourdes sur le lac Shinji. Elles ressemblent aux portiques torii de la religion shintô, considérées comme des passages vers le monde spirituel.
Les structures en béton utilisées par les pêcheurs de palourdes sur le lac Shinji. Elles ressemblent aux portiques torii de la religion shintô, considérées comme des passages vers le monde spirituel.

Izumo et Iwami font partie de l’ancien pays. C’est là que de puissants clans venus de Corée sont arrivés durant l’ère Yayoi, à partir du IIIe siècle avant l’ère chrétienne. Ces conquérants fraîchement arrivés du continent ont décidé de s’installer ici, introduisant l’agriculture, les techniques de métallurgie, et d’autres technologies qui y ont permis le développement de la culture.

Avant l’arrivée de ces groupes d’une grande sophistication culturelle, de nombreuses tribus préhistoriques de la période Jômon, avec leurs propres us et coutumes, avaient paisiblement vécu dans des villages situés le long des côtes du lac Shinji pendant des milliers d’années. La vie y était facile. Ils fabriquaient de splendides poteries et des ornements de joyaux. La terre était riche pour la chasse, la pêche et l’agriculture, et pour les palourdes shijimi noires qui sont aujourd’hui prisées en tant qu’ingrédient pour la soupe miso. Izumo et Iwami continuent d’être réputées pour leurs abondantes ressources de succulente nourriture. C’est probablement la raison pour laquelle cette région du Japon est appelée le « pays des dieux ».

En pleine action , un danseur de kagura âgé de 5 ans, dans la ville d’Izumo. Il est remarquable que ce petit garçon connaisse déjà tant de ces danses complexes. Le kagura local est pratiqué dans la communauté depuis des centaines d’années.
En pleine action , un danseur de kagura âgé de 5 ans, dans la ville d’Izumo. Il est remarquable que ce petit garçon connaisse déjà tant de ces danses complexes. Le kagura local est pratiqué dans la communauté depuis des centaines d’années.

Le rocher sacré à Inasa-no-hama. C’est là que les prêtres du sanctuaire Izumo Taisha viennent accueillir les « 10 000 dieux japonais » de retour à Izumo chaque automne.
Le rocher sacré à Inasa-no-hama. C’est là que les prêtres du sanctuaire Izumo Taisha viennent accueillir les « 10 000 dieux japonais » de retour à Izumo chaque automne.

Une jeune femme pratique un ancien rituel purificateur dans la péninsule de Shimane.
Une jeune femme pratique un ancien rituel purificateur dans la péninsule de Shimane.

Des ballots de riz séchant sur des structures en bois qui ressemblent à des oies, symboles de bonne fortune et de longévité.
Des ballots de riz séchant sur des structures en bois qui ressemblent à des oies, symboles de bonne fortune et de longévité.

Une autre raison de cette appellation est la beauté naturelle de la région. À chaque fois que je visite Izumo et Iwami, je me sens toujours envoûté par les nuages flottant au-dessus du lac Shinji. À cause des vents côtiers, les nuages bougent rapidement dans les cieux. Ils changent constamment d’aspect tout au long de la journée et des saisons, et leurs belles formes inhabituelles inspirent un émerveillement de tous les sens. C’est probablement la raison pour laquelle Izumo signifie « l’endroit où naissent les nuages ».

Dans le Kojiki, la plus ancienne collection de poésie du Japon, se trouve un magnifique poème qui célèbre les « huit » (qui a une signification proche de « myriade ») nuages d’Izumo. Le voici retranscrit : « Huit nuages s’élèvent à Izumo. Je vais construire huit clôtures, à leur image, pour offrir à mon épouse un foyer. Oh ! Quel enchantement que ces huit nuages ! »

Les pêcheurs à l’extrémité sud-ouest du lac Shinji, réputé pour ses palourdes shijimi.
Les pêcheurs à l’extrémité sud-ouest du lac Shinji, réputé pour ses palourdes shijimi.

Une vue des 84 000 statues bouddhiques du temple Ichibata Yakushi d’Izumo. Les fidèles viennent ici guérir de leurs maladies des yeux.
Une vue des 84 000 statues bouddhiques du temple Ichibata Yakushi d’Izumo. Les fidèles viennent ici guérir de leurs maladies des yeux.

Un ancien lieu d’inhumation dans une rizière. D’après les légendes locales, les voix des esprits peuvent être entendues dans les arbres.
Un ancien lieu d’inhumation dans une rizière. D’après les légendes locales, les voix des esprits peuvent être entendues dans les arbres.

Un danseur de kagura à Iwami.
Un danseur de kagura à Iwami.

Le Japon inconnu

J’ai pour la première fois entendu parlé de cette partie du Japon alors que j’étais à l’université. Mon professeur d’histoire japonaise m’avait recommandé un livre écrit par l’écrivain irlandais Lafcadio Hearn.

Le livre était un recueil d’histoires et d’expériences personnelles intitulé Le Japon inconnu, que Hearn avait écrit alors qu’il vivait à Matsue, une cité fortifiée dans la région d’Izumo. Hearn avait été inspiré par le monde d’une beauté mystérieuse et profonde qu’il y avait trouvé et souhaitait transmettre un témoignage écrit sur cette période et sur ce mode de vie ancien, qui était en train de se désagréger rapidement à la fin du XIXe siècle.

J’avais été profondément inspiré par les écrits de Hearn pendant mes années à l’université, et cette inspiration s’était poursuivie au cours des années. Avant la pandémie de Covid-19, j’avais décidé de faire une série de photographies dans les régions d’Izumo et d’Iwami. Je voulais rendre hommage au travail colossal de Hearn, et explorer la région par moi-même.

Les pins des terrains du château de Matsue.
Les pins des terrains du château de Matsue.

Un jeune danseur de kagura. Cette danse est particulièrement appréciée des jeunes gens et des enfants de la région d’Iwami.
Un jeune danseur de kagura. Cette danse est particulièrement appréciée des jeunes gens et des enfants de la région d’Iwami.

Un gigantesque tumulus funéraire datant de la fin du Ve siècle surplombe le lac Shinji.
Un gigantesque tumulus funéraire datant de la fin du Ve siècle surplombe le lac Shinji.

Suite > L’art de vivre japonais sur des plaques de verre

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Everett Kennedy BrownArticles de l'auteur

Explorateur culturel ayant écrit et photographié le Japon pour de nombreux livres. Ses images sur plaques de verre sont présentées dans les collections de nombreux musées d’importance majeure. Il a reçu le prix de la Commission culturelle du gouvernement japonais en 2013 pour ses activités créatives.

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