La modernité de l’esthétique traditionnelle

Les tablettes votives « ema » : une évolution des motifs et des vœux au fil des époques

Tradition

Les ema sont des tablettes votives en bois, arborant souvent des motifs colorés, sur lesquelles les gens inscrivent leurs vœux. Dans la tradition japonaise, ils les accrochent dans les sanctuaires ou les temples. Les premières tablettes ema étaient ornées de représentations équestres, remplaçant l’offrande de véritables chevaux. Nous allons voir qu’au fil des siècles, les types de souhaits et d’illustrations ont évolué.

Maintenant vendues toute l’année

La taille des tablettes ema a également évolué au fil des époques, dans le sens où elles sont devenues de plus en plus grosses. Des ema-dô, des salles spécialement prévues pour exposer les différentes tablettes ont été construites, avec les plus grandes suspendues à l’entrée de ces espaces dédiés.

À l’époque Azuchi-Momoyama (1568-1603), les objets étaient souvent opulents et décoratifs. Ainsi, des tablettes de plus grande taille et aux couleurs plus criardes et aux motifs plus voyants firent leur apparition. Ils étaient généralement offerts aux sanctuaires et aux temples par les samouraïs de haut rang.

Une salle de tablettes votives ema-dô datant du XIXe siècle, peinte par Katsushika Hokusai (1760-1849). (Avec l'autorisation du Musée national de Tokyo)
Une salle de tablettes votives ema-dô datant du XIXe siècle, peinte par Katsushika Hokusai (1760-1849). (Avec l’autorisation du Musée national de Tokyo)

La culture des tablettes votives ema s’est répandue à l’époque d’Edo (1603–1868), où sont apparus des artisans spécialisés dans la peinture de leurs motifs. Considérées comme partie intégrante du folklore religieux, les tablettes de bois se firent peu à peu une place dans la culture de l’Archipel et dans le cœur de ses habitants. Des tablettes ema ont notamment été créées pour coïncider avec le jour hatsu-uma, au mois de février, premier jour du cheval selon le calendrier lunaire. Elle ont rencontré un grand succès jusqu’à l’ère Meiji (1868-1912).

Un artisan créateur de tablettes ema de l’époque d’Edo. Image extraite du livre illustré des métiers Jinrin Kinmô zui (« Encyclopédie de l’Humanité »). (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nation de la Diète)
Un artisan créateur de tablettes ema de l’époque d’Edo. Image extraite du livre illustré des métiers Jinrin Kinmô zui (« Encyclopédie de l’Humanité »). (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nation de la Diète)

Mais un changement majeur se produisit en 1892, lorsque le journal Yomiuri Shimbun rapporta que 300 tablettes ema s’étaient vendues en une seule journée au sanctuaire Suiten-gû. Dans ce sanctuaire est vénéré un dieu qui bénit les femmes qui ont des enfants et qui facilite les accouchements pour celles qui veulent en avoir. À partir de ce moment-là, les tablettes ema commencèrent à se vendre sous une forme ou une autre tout au long de l’année.

Des types de souhaits qui évoluent

De la Guerre sino-japonaise à la Seconde Guerre mondiale, les tablettes ema ont souvent fait l’objet de vœux de victoire au combat et de chance pour les forces armées. Mais tout change après la guerre, il s’agit maintenant de stabilité financière ou encore de trouver l’âme sœur. Changement notoire pour les motifs également puisqu’au début de l’année, les tablettes ema de nombreux temples et sanctuaires, qui entendent bien ne pas laisser passer une telle aubaine, arborent pendant la période du Nouvel An une représentation de l’eto ou l’animal du zodiaque chinois. Traditionnellement à cette époque de l’année, il s’agit pour de nombreux Japonais du hatsumôde, la première visite de l’année dans un lieu de culte.

À partir de l'ère Meiji, des livrets regroupant différentes illustrations de nouveaux types de tablettes ema font leur apparition. De gauche à droite, l'allaitement pour souhaiter aux enfants de grandir en bonne santé, le rat, qui est le premier animal du zodiaque chinois, et une pieuvre pour prier pour l'élimination des verrues et des callosités (en japonais signifie à la fois « pieuvre » et « verrue »). Toutes ces tablettes ema ont été données en offrande au temple Tako-Yakushi Jôju-in de Meguro, à Tokyo.
À partir de l’ère Meiji, des livrets regroupant différentes illustrations de nouveaux types de tablettes ema font leur apparition. De gauche à droite, l’allaitement pour souhaiter aux enfants de grandir en bonne santé, le rat, qui est le premier animal du zodiaque chinois, et une pieuvre pour prier pour l’élimination des verrues et des callosités (en japonais signifie à la fois « pieuvre » et « verrue »). Toutes ces tablettes ema ont été données en offrande au temple Tako-Yakushi Jôju-in de Meguro, à Tokyo.

Les années 1960 ont vu l’entrée à l’université de la première génération du baby-boom. C’est alors que commence à se mener la « guerre des examens d’entrée », la concurrence étant particulièrement rude pour les places dans les écoles. Ainsi de nombreuses personnes dédient des tablettes ema à Tenjin, le dieu des études et de l’apprentissage, afin d’espérer réussir leurs examens, une tradition lors de la période des examens.

Très rares sont les Japonais qui n’ont jamais dédié une tablette ema. Ces tablettes votives sont une mise en pratique du proverbe komatta toki no kamidanomi (qui signifie, « faire appel aux dieux dans les moments difficiles »), qui représente la façon dont les Japonais voient la religion. Toutefois, n’oublions pas que cette petite tablette de bois était initialement un don à caractère pieux, fait par les gens du peuple qui souhaitaient rendre service aux dieux, mais qui n’avaient pas les moyens d’acheter un cheval en offrande.

(Photo de titre : des tablettes votives ema offertes au sanctuaire Yushima Tenjin, dans l’arrondissement de Bunkyô, à Tokyo. Pixta)

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histoire tradition culture sanctuaire Nouvel An

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