« Tokyo Kimono Shoes », une seconde vie en baskets pour les kimonos délaissés
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Les « Kimono Shoes » un attrait international
Fabriquées en cuir véritable et décorées de kimonos sauvés des placards, les chaussures de la marque Tokyo Kimono Shoes, vendues en ligne depuis 2021, voient leur notoriété dépasser les frontières de l’Archipel. En 2023 une boutique, très appréciée des touristes, a également vu le jour dans le quartier d’Asakusa à Tokyo. Créée juste après la crise sanitaire, en plein rebond de la consommation, elle a vu ses ventes multiplié par quatre en comparant à l’époque où ne pouvait acheter qu’en ligne. En août dernier, il fallait compter environ deux mois de délai à partir de la commande jusqu’à la livraison.
« Ces baskets sont uniques en leur genre, nées de la main d’artisans », nous dit Kawamura Shôtarô, le président de Potato Co. qui produit la marque. « C’est pourquoi la production n’arrive pas à suivre le nombre de commandes » ajoute-t-il, non sans une certaine satisfaction.
Bien que le magasin ne compte qu’une trentaine de clients au quotidien, les achats sont très fréquents, grâce en partie à l’emplacement éloigné de l’animation du quartier d’Asakusa. En effet, peu de personnes entrant dans la boutique se contentent du lèche-vitrine, mais viennent plutôt essayer des articles vus en ligne ou récupérer leur commande faite sur-mesure.
Environ quatre clients sur cinq ne sont pas Japonais. Parmi eux, respectivement, on retrouve 40 % d’acheteurs venant des États-Unis et environ 20 % venant d’Europe, d’Océanie et d’Asie du Sud-Est. Selon une enquête menée par Kawamura, de nombreux clients viennent de pays anglophone grâce à la publicité sur les réseaux sociaux, lancée par l’entreprise.
Sauver les kimonos d’un destin funeste
Avec leurs motifs délicats et couleurs vibrantes s’inspirant de la nature, les kimonos sont l’habit traditionnel de l’Archipel. Cette élégante parure de soie est appréciée des étrangers pour son esthétique japonaise et tout le travail artisanal qui se cache derrière.
Il est de coutume de passer le kimono de mère en fille, afin que cette dernière puisse le porter lors d’occasions telles que le rite du passage à l’âge adulte (Seijin shiki) ou encore le mariage. Néanmoins, à cause de la difficulté à s’habiller et l’entretien méticuleux qu’ils demandent, de plus en plus de personnes rechignent à les porter. En parallèle, leur association aux événements importants et leur coût onéreux freinent leurs propriétaires à s’en débarrasser ; ils finissent alors souvent au placard pendant plusieurs années. On estime à environ 800 millions le nombre de kimonos au Japon, leur somme totale avoisinant les 30 000 milliards de yens. Beaucoup d’entre eux seront jetés sans avoir été porté à nouveau...
Certes, il existe des entreprises qui les rachètent, mais selon Kawamura, seuls 10 % des kimonos récupérés sont de retour sur le marché. Le reste est tout simplement mis à la poubelle. L’entreprise Potato Co., elle, n’accepte que les donations, et accueille volontiers ceux qui veulent s’en débarrasser directement dans leur magasin. Grace à cette initiative, l’entreprise espère augmenter le nombre de commandes sur-mesure de clients japonais qui souhaiteraient recycler les kimonos dont ils ne peuvent pas se séparer complètement.
Tokyo Kimono Shoes a également fait l’objet d’une couverture médiatique internationale, notamment dans le reportage de la chaine CNN « Eco Solutions » qui s’est intéressée aux efforts de l’entreprise dans sa lutte contre le gaspillage.
« Notre objectif principal était de sensibiliser le public à l’exceptionnel artisanat japonais, explique Kawamura. Nous avons finalement opté pour l’utilisation de kimonos recyclés. »
En s’associant à un atelier de cuir hautement qualifié à Asakusa pour fabriquer des baskets en kimono recyclé, l’entreprise a fait d’une pierre deux coups en aidant à résoudre le problème du gaspillage tout en promouvant l’artisanat japonais dans le monde entier.
Axt, le maroquinier en charge de la production des baskets, se trouve à quelques pas du magasin d’Asakusa. Ce quartier prisé des touristes abrite de nombreux fabricants de chaussures et d’articles de maroquinerie, et ses rues sont bordées d’ateliers et de grossistes. Depuis sa création il y a plus de 70 ans, Axt se concentre sur une production à petite échelle de produits divers et variés destinés aux femmes.
Les artisans du « Made in Asakusa »
Tokyo Kimono Shoes tire parti d’une grande expérience polie depuis de nombreuses années par les artisans. Les baskets sont fabriquées à partir de cuir et de soie pure, et les motifs du kimono sont sélectionnés avec le plus grand soin afin de correspondre parfaitement au cuir. Les matériaux, eux, sont découpés à l’emporte-pièce en prenant soin à ce qu’ils correspondent aux motifs des deux côtés de la chaussure.
Si ce sont les motifs qui attirent l’œil en premier, les détails fonctionnels ne sont pas en reste, et tout est fait pour que la chaussure soit agréable à porter. La soie utilisée pour la partie extérieure de la chaussure est cousue à un cuir bovin ayant une grande durabilité. La semelle intérieure est faite en cuir porcin qui a des propriétés hautement respirantes et résiste aux frictions. Une petite bande de métal, appelée tige, est insérée dans l’arche afin de stabiliser la marche. Cette tige, qui est normalement employée dans la confection d’escarpins, n’est qu’un petit exemple de la façon dont Axt met à profit son expérience de la chaussure féminine dans la confection d’articles en kimono.
Cette attention toute particulière à la fonctionnalité représente la véritable valeur du « Made in Asakusa », cependant selon Kawamura, ce n’est pas le slogan que l’entreprise met en valeur. Le plus important étant que l’acheteur réalise à quel point la chaussure est confortable après son acquisition. « Nos ventes augmentent constamment et plus de 10 % de nos clients finissent par devenir des clients réguliers, nous dit-il. C’est une preuve qu’ils sont impressionnés par la qualité du produit. »
L’inspiration d’origine de ce projet est venue d’une idée de Kawamura lorsqu’il travaillait dans le secteur de la distribution. Ses neuf années passées en Inde lui ont donné de nombreuses occasions de voir son pays depuis l’extérieur. Il a constaté alors que l’étiquette de marque du « Made in Japan » était en déclin.
« Les jours où les produits japonais dominaient le marché mondial sont révolus », observe-t-il. « J’ai réalisé que le Japon s’était fait écraser par les pays engagés dans la fabrication délocalisée. L’électroménager n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la mainmise des articles coréens et chinois. Je voulais montrer au monde que le Japon a toujours des produits de qualité qui valent la peine d’être connus. »
D’autres projets
Kawamura a cru qu’en alliant des matériaux de qualité et l’artisanat japonais, il pourrait concevoir un produit compétitif dans le monde entier. Il développe actuellement d’autres articles fabriqués à partir de kimonos recyclés. Durant l’été 2023, son entreprise a commencé la production et la vente de sacs portant l’étiquette d’un atelier de maroquinerie dans l’arrondissement d’Adachi. Il pense également à créer des ceintures, portefeuilles etc., mais aussi à organiser des séminaires portant sur la fabrication d’accessoires de mode à partir de kimonos, afin de trouver un usage aux morceaux de tissus inutilisés du processus de fabrication des chaussures.
« J’ai beaucoup de projets, nous explique-t-il. Le problème, c’est que je manque de personnel. Le petit nombre de personnes reprenant les entreprises de chaussures et de maroquinerie à Asakusa est également un problème majeur pour ces secteurs. J’espère pouvoir diffuser la véritable valeur du « Made in Japan » à l’international tout en conservant les traditions de notre pays avec des personnes qui comprennent leur importance et ce que nous faisons. »
Tokyo Kimono Shoes
- Adresse : 2-11-9 Hanakawado, Taitô-ku, Tokyo
- Fermé lundi et mardi
- Horaires : 11 h 00 à 19 h 00
- Accès : 6 à 7 minutes de marche depuis la gare d’Asakusa
- Site web : https://tokyokimonoshoes.com
(Reportage et texte de Nippon.com. Toutes les photos © Hanai Tomoko)
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