
Comment Kamikatsu se démène pour devenir la première ville « zéro déchet »
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Et les coûts des déchets ?
« Trier crée de la ressource, ne pas trier c’est générer des déchets. » Fidèle à ce principe, la commune organise un tri sélectif en 45 catégories. Seuls les déchets à incinérer comme les produits sanitaires et les articles en caoutchouc, sont confiés à des entreprises spécialisées. Presque tout est sinon réutilisé ou recyclé.
Le personnel permanent du centre propose leur aide quand les usagers hésitent dans les critères de tri.
Le prix de revient ou le coût du ramassage sont affichés pour chaque catégorie de déchet.
Un système de carte à points, appelé Chiritsumo (« petit à petit l’oiseau fait son nid »), contribue à motiver les habitants à trier leurs déchets. Apporter des déchets recyclables comme des cartonnages, donne droit à des points qui peuvent être accumulés et échangés contre des chèques-cadeaux. C’est l’argent obtenu par la collecte de déchets qui permet le fonctionnement de ce système de rétribution en points.
Les contenants des recharges de détergents et savons liquides sont collectés et la marque Lion les recycle en brosses à dents.
Tout sourire : « J’ai gagné trois points ! » Une motivation supplémentaire pour se rendre au centre.
Les restaurants de la ville ne sont pas en reste dans la promotion du « zéro déchet ». Ils récupèrent notamment les denrées qui ne peuvent pas être mise en vente sur les marchés, refusent les essuie-mains jetables et remplissent de thé les gourdes des clients. Actuellement, cinq restaurants de la commune ont décroché le label « certification zéro déchet », mis en place à Kamikatsu.
Les autocollants de certification sont visibles à l’entrée du café Polestar qui remplit sept des huit critères de la certification zéro déchet.
Les ingrédients sont produits localement, même le riz vient des rizières en terrasse de Kamikatsu. Les feuilles des environs servent de porte-baguettes.
De nouveaux défis pour 2030
Malgré les efforts concertés de la commune et de ses habitants, l’objectif initial de zéro déchet à l’horizon 2020 n’a pu être atteint car le taux de recyclage a plafonné à 80 %. Surtout, il est devenu évident qu’il sera difficile de surmonter l’obstacle des 20 % restants en tablant sur les seuls efforts des consommateurs. Kamikatsu a donc élaboré un « projet ville zéro déchet », en se donnant de nouveaux objectifs pour les dix années à venir : elle souhaite notamment « réduire la charge pesant sur les habitants ».
L’axe central de ce plan est de mettre en place « une économie circulaire permettant une meilleure coopération avec les entreprises et les instituts de recherche ». À l’heure actuelle, à Kamikatsu, les consommateurs sont très conscients de leur « responsabilité en tant qu’usagers », la municipalité reçoit des offres de coopération de la part d’entreprises souhaitant assumer leur part de « responsabilité en tant que producteurs ». Suntory, une grande firme de boissons, est l’une d’elle.
Le taux de recyclage des bouteilles en plastique au Japon est de 86 %, un niveau élevé à l’échelle mondiale, mais seulement 20 % environ du plastique collecté est retransformé en bouteilles. Ce recyclage horizontal, Suntory a déjà réussi à le faire monter à près de 50 % et son objectif est de passer à 100 % avant 2030 pour que toutes les bouteilles en plastique utilisées dans le monde puissent participer au développement durable (et qu’on n’utilise plus que des matériaux recyclés ou dérivés de plantes). La firme a signé un accord de coopération avec Kamikatsu. À partir d’avril 2024, moyennant une rétribution, elle récupérera les bouteilles en plastique collectées par la commune pour les retransformer.
Au centre le 29 mai 2023, lancement du laboratoire exécutif
« Ressources humaines, former au zéro déchet » est un autre axe du projet . Kamikatsu compte moins de 1 500 habitants et la décroissance démographique menace. Ôtsuka Momona, qui est en fait originaire de Kanagawa, près de Tokyo, explique : « Je voudrais dynamiser les échanges à l’intérieur mais aussi vers l’extérieur de la commune, créer des synergies, fédérer les compétences et attirer les talents pour que le zéro déchet soit enfin une réalité. » Son intérêt pour le développement durable s’est développé à l’étranger alors qu’elle étudiait la mode. Elle raconte avoir changé de cap et choisit de retourner travailler au Japon en 2020 une fois son diplôme universitaire en poche.
Sur la vingtaine d’employés travaillant actuellement au centre et à l’hôtel, la moitié sont des locaux, les autres viennent d’ailleurs, des jeunes pour la plupart qui « participent aux festivals, aident aux travaux agricoles ou la cueillette à la main des feuilles de thé bancha ». Ils ont de nombreux contacts avec les habitants de la commune.
Les seniors, qui représentent plus de la moitié des habitants de la ville, sont également très investis. Le Kuru Kuru Kôbô, la boutique d’articles recyclés qui se trouve à côté du centre, est géré par le Centre des seniors, et les personnes âgées jouent un rôle de premier plan dans la rénovation des articles proposés à la vente. Citons aussi le Happa Business, une dynamique PME locale dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 200 millions de yens. Les employés qui cultivent et ramassent les feuilles servant à décorer les assiettes des restaurants de la commune ont pour la plupart plus de 70 ans.
Au Kuru Kuru Kôbô, on trouve des vêtements et des accessoires fabriqués à partir de kimonos recyclés.
Le mouvement « zéro déchet » de ces 20 dernières années a permis de belles retombées économiques, il a eu un impact positif sur le tourisme, les mouvements de population et l’industrie locale. L’objectif était ambitieux mais il s’est aussi révélé être un puissant levier ayant dynamisé le développement durable de la ville. Souhaitons que jeunes et moins jeunes, quelle que soit leur origine, mettront leur énergie en commun pour que ce rêve d’une ville belle et sans déchets soit bientôt réalité.
Centre zéro déchet de Kamikatsu
- Adresse : 7-2, Fukuhara Shimohiura, Kamikatsu-chô, Katsuura-gun, Tokushima-ken
- Ouvert toute l’année
- Heures d’ouverture : 9 h 00 - 17 h 00. *À l’entrée de la déchetterie : du lundi au vendredi à partir de 14 h 00, et le samedi et dimanche à partir de 15 h 30.
- Accès : environ 1 h 30 en bus depuis la gare JR de Tokushima (changer à Yokose Nishi et descendre à Hibigaya), environ 1 h en voiture de Tokushima.
(Nous avions également effectué un reportage à Kamikatsu en 2019. Voir notre article.)
(Photo de titre : bâtiment conçu par Nakamura Hiroshi, lauréat de nombreux prix, dont celui de l’architecture environnementale de l’Institut japonais des architectes de 2021 ©Transit General Office Inc.)