Les grandes figures historiques du Japon
Noguchi Hideyo, le bactériologiste japonais de renommée mondiale, et son musée dédié
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D’un hameau perdu à une renommée mondiale
Noguchi Hideyo (1876-1928) est né dans une famille défavorisée vivant dans un hameau agricole appelé Sanjôgata, qui est aujourd’hui devenue la ville d’Inawashiro, sur la rive nord du lac homonyme. Il est sorti de la pauvreté — et a surpassé son handicap imposé par sa brûlure très sévère à la main gauche qu’il s’est faite en tombant dans le foyer de la maison lorsqu’il était enfant— puis a démontré un talent certain pour la médecine ainsi que la recherche bactériologique. Cette aptitude lui a ouvert les portes d’une brillante carrière à l’international, loin des rives de sa ville natale, lui permettant de faire des recherches à New York, en Europe, en Amérique du Sud ou encore en Afrique afin d’élucider les causes des maladies telles que la syphilis ou la fièvre jaune. Il a été considéré à trois reprise pour le prix Nobel avant que la maladie ne l’emporte soudainement à Accra, au Ghana.
Noguchi repose au cimetière « New York Woodlawn Cemetery » mais il est aussi commémoré de par le monde comme par exemple au Ghana dans le « Noguchi Memorial Institute for Medical Research ». Et il est bien sûr à l’honneur à Inawashiro, où la maison qui l’a vu grandir subsiste encore aujourd’hui, son toit de chaume étant protégé des éléments par la structure du « Musée commémoratif Hideyo Noguchi Memorial Museum ».
La visite du musée commence tout d’abord par la maison elle-même. Ici, le petit Noguchi Seisaku (son nom de naissance) voit le jour. À 18 mois il se brûle la main et le bas du bras en tombant dans les cendres incandescentes de la cheminée familiale. C’est un drame pour quelqu’un qui est destiné à travailler dans les champs. Sa mère le pousse alors à s’éduquer.
Autre point fort de la pièce principale : le message laissé par le jeune Seisaku lors de son départ pour Tokyo : Kokorozashi o ezareba futatabi konochi o fumazu « Je ne remettrai pas un pied ici tant que je n’aurais pas accompli mon but ».
Après avoir subi une chirurgie, il s’intéresse à la science
Dans la partie principale du musée, vous passerez dans des pièces présentant des expositions permanentes telles que « Hideyo’s Life and Times », « The real Hideyo » et « The Doctor’s Laboratory ». Chaque partie dévoile de précieuses photos et matériaux ainsi que les trésors du scientifique, mettant sa vie en lumière.
Les personnes qu’il rencontre tout au long de sa vie ont également un rôle décisif, il n’aurait pas pu aller aussi loin sans leur soutien.
Faisant face à un quotdien ardu et à la nécessité de cultiver la terre pour vivre, Noguchi est sauvé très tôt par Kobayashi Sakae, professeur principal de l’école primaire supérieure d’Inawashiro (équivalent au niveau collège). Ce dernier voit en lui des capacités académiques et fait en sorte que Noguchi poursuive ses études dans son école en 1889. Il prend en charge les frais de scolarisation et, aux 16 ans de Noguchi, lève des fonds afin de financer une opération qui redonnera un peu d’usage à sa main abimée.
Le chirurgien en charge, Watanabe Kanae, avait étudié la médecine aux États-Unis. Noguchi, impressionné par la liberté de mouvement que la chirurgie rend à ses doigts, décide de s’engager lui aussi dans cette voie. Il prend un travail de réceptionniste et assistant au sein de la clinique Watanabe Kaiyô, et commence ainsi à apprendre les fondements de la science médicale.
« Les grands hommes ne se font jamais seuls »
Kobayashi prête de l’argent à Noguchi pour voyager à la capitale avec l’objectif de passer des examens d’aptitude médicale. S’il passe avec succès la première partie, ses précieuses économies partent dans un mode de vie de débauché. Il en vient à s’appuyer sur un ami de Watanabe, Chiwaki Morinosuke, qui travaillait comme dentiste à l’université dentaire de Takayama. Avec une chambre à l’internat de l’université et de l’argent pour financer sa préparation à la seconde partie de ses examens, Noguchi se concentre alors sur ses études et réussit finalement, grâce à ce nouveau bienfaiteur, les examens gouvernementaux.
Il existait une habitude dans la vie de Noguchi : il obtenait de l’argent dans un but précis — un voyage à l’étranger pour parfaire ses connaissances médicales par exemple — puis le flambait entièrement, et se rendait mendier à nouveau chez Watanabe ou Chiwaki. Cette approche négligée est loin des élogieux commentaires vantant son côté acharné au travail, dépeint dans beaucoup de biographies, et il est certain qu’il n’aurait pu aller aussi loin sans le soutien inconditionnel de ses bienfaiteurs.
Morita Teppei, conservateur au musée Hideyo Noguchi Memorial Museum, note :
« Les grands hommes tels que Noguchi ne se font jamais seuls. Sa famille était si pauvre que les autres villageois blaguaient et disaient que si Seisaku un jour devenait médecin, le soleil se lèverait probablement à l’ouest. Cependant Noguchi n’était pas quelqu’un qui oubliait ses dettes. Il était toujours plein de gratitude envers l’amour de sa mère, Shika, et pour l’aide qu’il recevait de ses bienfaiteurs. Il les remboursa du mieux qu’il put. »
En effet, quand il retourne au Japon après ses formidables accomplissements aux États-Unis et en Europe, il emmène sa mère, Kobayashi et sa femme pour un voyage dans la région du Kansai. Quand Chiwaki vient le voir en Amérique, il prend grand soin de pourvoir à ses besoins durant un mois entier. « Nous espérons que nos expositions au musée retranscrivent l’importance des connections humaines dans sa vie », dit le M. Morita.
Il isole la bactérie responsable de la syphilis
Le mouvement de sa main étant toujours limité, Noguchi Seisaku préfère alors se concentrer sur les recherches plutôt que sur la pratique. En 1898 il occupe un poste dans l’Institut de Kitasato, un centre de recherche sur les maladies infectieuses, dirigé par Kitasato Shibasaburô.
L’année suivante il décide de changer de nom. Il est dit que Noguchi est choqué par la lecture de « Portrait d’un étudiant contemporain » (Tôsei shosei katagi) par Tsubouchi Shôyô. Il s’inquiète d’avoir été le modèle utilisé pour le héros du livre : un étudiant en médecine venant de la campagne et menant une vie débridée, nommé Nonoguchi Seisaku. Kobayashi, son ancien professeur, va lui proposer Hideyo, qu’il s’attribuera à partir de 1899.
En 1899, il aura la chance de rencontrer le bactériologiste américain Simon Flexner alors en voyage au Japon. Professeur en pathologies à l’université Johns Hopkins (et plus tard dans la même année, à l’université de Pennsylvanie), Flexner voulait visiter l’Institut Kitasato. Grâce à ses capacités linguistiques, c’est Noguchi qui est désigné pour lui faire la visite. À la fin de l’année suivante, Noguchi suivra Flexner en Amérique avec juste une lettre de recommandation de Kisato en poche, et il réussira à obtenir une place en tant qu’assistant de Flexner.
Celui-ci le met au travail en lui faisant effectuer des recherches sur du venin de serpent. Noguchi se lance alors corps et âme dans cette tâche, dormant peu, mais voyant ses efforts récompensés quand il reçoit une invitation afin de faire des recherches à l’institut Staten Serum, à Copenhague. En 1904 quand Flexner est désigné à la direction de l’institut Rockefeller pour la recherche médicale à New York, il invite Noguchi à rejoindre l’équipe de recherche. Ce dernier accepte et se distingue en isolant en 1913 un échantillon du tréponème pâle (Treponema pallidium spirochete), la bactérie causant la syphilis (découverte huit ans plus tôt par les Allemands Fritz Schaudinn et Erich Hoffmann). Son énergie et son dévouement lui valent le surnom de « Human dynamo » par ses collègues de l’institut Rockfeller.
En 1914, l’année ou il devint un membre à temps plein de cet institut, il est également considéré pour le prix Nobel de la médecine. Sa carrière établie, il juge alors le moment opportun pour retourner pour la première fois au Japon depuis 15 ans.
Chercher un remède contre la fièvre jaune et en mourir
Noguchi décide peu de temps après de se concentrer sur sa prochaine cible : la fièvre jaune. Ses recherchent aboutissent à l’annonce, en Équateur, en 1918, de l’identification de l’agent pathogène de cette terrible maladie comme étant la bactérie Leptospira Icteroides. Le « Vaccin Noguchi » suit alors très rapidement, et il est acclamé pour cette découverte.
Le scientifique continue ainsi son travail en Amérique Latine en allant entre autres au Mexique ou encore au Pérou. Il voit néanmoins ses thèses rediscutées lorsque des rumeurs provenant d’Afrique disaient que son vaccin n’était pas efficace contre la fièvre jaune là-bas.
Noguchi se rend en Afrique en 1927, malgré de nombreux avis défavorables. Il n’a jamais attrapé la fièvre jaune en étant enfant et n’a aucune immunité face à la maladie, les risques sont donc très importants. Le printemps suivant son arrivée, il confirme que sa théorie était erronée et se prépare à rentrer à New York pour y poursuivre ses recherches. Il contracte cependant la redoutable fièvre jaune, et meurt à Accra, au Ghana, à l’âge de 51 ans.
Au final, il était clair que le vaccin de Noguchi était efficace contre la bactérie causant la maladie de Weil (Ieptospirosis) qui a des symptômes similaires à la fièvre jaune. Cette dernière n’est pas causée par une bactérie, mais par un virus véhiculé par les moustiques. Or, les microscopes de l’époque de Noguchi n’étaient pas assez puissants pour l’identifier. C’est seulement après sa mort que la virologie a fait une avancée notoire, en particulier avec le microscope électronique. Si la maladie n’avait pas eu raison de lui, il aurait probablement pu, lui aussi, faire de nouvelles découvertes dans cette deuxième partie de l’histoire de la science médicale.
L’histoire de Noguchi Hideyo est celle d’un homme qui est parvenu à devenir l’un des premiers scientifiques japonais à briller à l’international, et ce malgré l’adversité. On peut avoir un aperçu de la profonde curiosité qui l’animait dans son travail dans la partie du musée intitulée « The real Hideyo », qui recrée la maison qu’il partageait avec Mary Dardis, son épouse rencontrée à l’université de New-York. On y découvre des murs décorés de nombreuses peintures et calligraphies réalisées par le scientifique. Le costume et les bottes élégantes exposés témoignent des passions qui l’ont guidées tout au long de sa vie. Il aimait les échecs, la pèche et avait de nombreux passe-temps, preuve d’une curiosité à toute épreuve.
Le conservateur Morita Teppei nous en dit plus sur le musée : « Nous avons repensé les expositions en 2015 et avons fait en sorte qu’elles soient plus accessibles pour les écoliers et les visiteurs étrangers. » Le design ingénieux de l’établissement concentre l’attention sur les objets exposés et les explications en anglais sont nombreuses. Le robot Noguchi est particulièrement apprécié des plus jeunes, fournissant des réponses aux questions que les visiteurs peuvent se poser sur la vie du scientifique.
Noguchi, présent sur les billets de 1 000 yens depuis 2004, sera remplacé le 3 juillet 2024 par l’un de ses bienfaiteurs : Kitasato Shibasaburô. Un moyen de garder ces deux grands grandes figures de la science médicale dans l’esprit collectif.
Hideyo Noguchi Memorial museum
- Adresse : 81 Mitsuwa Maeda, Inawashiro-machi, Fukushima-ken
- Horaires : tous les jours de 9 h 00 à 17 h 30 (avril à octobre), 9 h 00 à 16 h 30 (novembre à mars). Dernière admission 30 minutes avant la fermeture
- Fermé du 29 décembre au 3 janvier
- Prix : adultes et lycéens 1 200 yens, collégiens et écoliers 550 yens
- Site web officiel (en japonais) : https://www.noguchihideyo.or.jp/
(Reportage, texte et photos de Nippon.com. Photo de titre : un buste de Noguchi, don de l’institut Rockefeller, placé devant la maison du scientifique.)