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Une journée de ramadan dans une famille musulmane au Japon
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Une Japonaise musulmane élevant quatre enfants
Aïcha habite près de Tokyo. De son prénom japonais Asuka, elle s’est convertie à l’islam après avoir épousé Ousseynou, un Sénégalais, en 2011. Elle élève ses quatre enfants (deux filles de 9 et 6 ans, un garçon de 3 ans et autre fille encore bébé) au Japon tout en travaillant à temps partiel.
Aïcha nous a parlé avec sa plus jeune fille dans ses bras.
Un homme musulman est autorisé à épouser une femme non musulmane, à condition que cette dernière soit chrétienne ou juive. Le père d’Aïcha n’était pas religieux, mais sa mère était chrétienne. Ousseynou ne l’a pas forcée à se convertir à l’islam : « Tu peux te marier comme tu es, il n’y a donc pas besoin de te précipiter. »
Aïcha a cependant décidé qu’il serait préférable pour un couple marié de pratiquer la même religion et s’est donc convertie. Elle a assisté à des conférences dans une mosquée de Tokyo et a rencontré des femmes musulmanes d’horizons différents pour en apprendre davantage sur l’islam.
Un jour, avant de devenir officiellement musulmane, Aïcha a appris qu’une jeune femme, une connaissance de son mari qu’elle avait rencontrée une fois, était soudainement décédée d’un arrêt cardiaque. Une question existentielle la frappe de plein fouet : « Et si c’était moi ? Suis-je prête à subir le même sort alors que je suis encore jeune ? ».
Ces questions l’ont rendue anxieuse, d’autant plus que les rituels funéraires au Japon impliquent la crémation. La peur l’a saisie lorsqu’elle a réalisé ce qu’elle avait appris sur le paradis et l’enfer dans l’islam, et elle a eu un pressentiment troublant : si elle mourait avant de se convertir à l’islam, son corps serait-il incinéré comme il est d’usage au Japon ?
Cet événement a marqué un véritable tournant dans sa vie. Pour elle, l’islam n’était plus seulement une connaissance superficielle mais une conviction. Grâce à sa foi, dit-elle, « j’ai pu trouver la paix de l’esprit que j’avais recherchée toute ma vie. »
Elle a également réalisé que son rôle n’était pas seulement d’élever ses enfants, mais aussi de les aider à établir leur identité musulmane dans la société japonaise. Aujourd’hui, 13 ans après sa conversion, elle a atteint un tournant en tant que mère. Cette année, sa fille aînée a essayé le ramadan sérieusement pour la première fois.
Les enfants jeûnent-ils aussi ?
Des enfants heureux dans leurs vêtements du ramadan
Le ramadan ne consiste pas seulement à s’abstenir de nourriture et de boisson pendant la journée, c’est aussi un événement important qui permet d’approfondir un sentiment de gratitude en pensant aux pauvres. Ce mois-ci est un moment privilégié pour approfondir sa foi avec sa famille et ses compatriotes.
Dans les pays musulmans, à l’approche du ramadan, les villes sont décorées de manière spéciale et les gens commencent à jeûner en masse. Il n’est néanmoins pas facile de vivre selon les enseignements de l’islam au Japon, même pour les adultes, les musulmans y étant très minoritaires. Comment les enfants peuvent-ils comprendre cela et le mettre en pratique sans être influencés par leur entourage ? Aïcha dit :
« De nombreuses familles habituent leurs enfants au jeûne en leur fixant des moments fractionnés ou des jours spécifiques dès leur entrée à l’école primaire. C’est ce que j’ai fait avec ma famille, mais ma fille aînée a dit qu’elle voulait vraiment tenter l’expérience, alors je l’ai laissée essayer. Ma deuxième fille a suivi son exemple et le pratique pendant quelques heures seulement ou quand elle en a envie ».
Apprendre le ramadan à travers des livres illustrés
Pendant le ramadan, le premier repas après le coucher du soleil (iftar) est pris à table, les gens célèbrent la journée et partagent leur joie en dégustant un repas plus riche que d’habitude. En participant, les enfants éprouvent un sentiment d’accomplissement et de solidarité et font un pas vers l’âge adulte.
Conseils pour rendre le ramadan intéressant aux enfants
Aïcha veille à ce que l’amour de la religion s’épanouisse naturellement dans le cœur de ses enfants depuis leur plus jeune âge. Elle les a aidé à s’habituer à un environnement islamique en décorant la maison pour divers événements en lien avec l’islam, en les faisant assister à des rassemblements pour enfants musulmans et en suivant des cours en ligne adaptés à leur âge.
Voici quelques idées.
Par exemple, les « calendriers du ramadan » disponibles dans le commerce. Les enfants ont expliqué que s’ils se réveillaient à temps pour le suhoor (petit-déjeuner avant l’aube), ils pourraient ouvrir la boîte portant cette date. Chaque boîte contient un gâteau à l’intérieur. Ainsi, se lever très tôt devient un plaisir.
Le « calendrier du ramadan » permet d’obtenir un gâteau si on se lève avant l’aube.
Pendant le ramadan, les gens sont particulièrement attentifs à faire de bonnes actions et à éviter les mauvaises, comme se mettre en colère ou mentir. Aïcha fournit à ses enfants des journaux intimes, leur demande de se fixer des objectifs et d’écrire s’ils les ont atteints, ce qui contribue à développer leur volonté et leur indépendance.
Un journal du ramadan, qu’Aïcha a réalisé pour ses enfants.
En train de lire les « bonnes actions » écrites sur des feuilles de papier.
La fille aînée et la cadette apportent chacune un bocal contenant de petits morceaux de papier plié. Chaque fois que l’une d’elles fait quelque chose de bien, elle l’écrit et le met dans le bocal. Le jour de la grande fête marquant la fin du ramadan, elle ouvre le bocal et se remémore toutes les bonnes actions accomplies au cours du mois écoulé.
Comment passer le temps à l’école ?
Après le Suhoor du petit matin, les enfants se recouchent puis se réveillent à temps pour aller àl’école primaire ou maternelle. Aïcha, elle, ne se recouche pas et étudie le Coran.
Sa fille aînée est en CE2, dans une école primaire publique. Les repas scolaires ne sont pas halal pour les musulmans, alors elle mange un bentô (boîte-repas) préparé par sa mère. Pendant le ramadan, elle déjeune avec ses camarades de classe, mais « les jours où il n’y a pas de cantine à l’école, elle s’efforce de ne pas manger avant le coucher du soleil. »
Aïcha explique :
« Mes enfants emportent des bentô, mais en interrogeant mes amis musulmans d’autres régions, j’ai appris que certaines familles laissent leurs enfants manger à la cantine. Dans ce cas, les parents vérifient soigneusement les ingrédients du menu distribué à l’avance et, si un plat doit être évité, comme le porc, les mères préparent un autre aliment. »
Il est également essentiel d’avoir un lieu et un moment pour prier, même en dehors du ramadan. Les musulmans pratiquants prient cinq fois par jour. On ne demande pas aux enfants d’être aussi stricts, mais Aïcha estime qu'« il est difficile de les amener soudainement à faire quelque chose de différent de ce à quoi ils sont habitués. Il est préférable de les y habituer progressivement, dès leur plus jeune âge. »
Le fils imite son père Ousseynou pour la prière.
La « check-list » de la prière. Pour chaque item réalisé, il y a un autocollant à coller.
Au lieu d’insister sur leurs exigences en tant que musulmans, la famille a transmis de simples « souhaits » à l’école, et elle s’est tenue à la disposition de l’établissement pour trouver des solutions.
« Ma fille aînée est la seule musulmane d’une école primaire de 600 élèves. Je lui ai appris à prier dès le CE1. L’école s’est montrée compréhensive et lui a permis d’utiliser un coin de la salle d’étude. Si elle faisait sa prière après les repas, elle n’avait que 15 minutes pour jouer avec ses amis. Je l’ai laissée libre de choisir et, à ma grande surprise, elle a choisi de prier ».
Dans certaines écoles, les garçons et les filles ne sont pas séparés pour changer leurs vêtements.
Nous avons demandé à l’enseignante de fournir un endroit où ma fille pourrait se changer, à l’écart des garçons, et elle a répondu rapidement et avec respect. Les écoles publiques japonaises respectent toutes les religions et ont toujours été ravies de répondre à nos demandes. Grâce à cela, les enseignements de l’islam ont pris racine dans le cœur des enfants, et leur fierté se reflète dans leurs actions et leurs attitudes.
En dehors de l’école, ils participent à des cours islamiques en ligne pour enfants et socialisent avec d’autres musulmans. Même au sein de la communauté multiculturelle du Japon, les gens peuvent partager le sentiment qu’ils ne sont pas seuls et approfondir leurs liens.