
L’évolution des repas scolaires au Japon
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Le tout premier repas scolaire
Le premier repas scolaire au Japon aurait été servi en 1889 dans une école du temple Daitoku-ji, dans l’actuelle ville de Tsuruoka (préfecture de Yamagata). Il s’agissait d’une initiative des prêtres à l’attention des enfants qui n’avaient pas les moyens de fréquenter d’autres écoles. Gratuit, ce repas complet se composait de boulettes de riz salé, de saumon salé et de légumes verts marinés. Il était financé par l’argent collecté par les prêtres lors de l’aumône.
Un monument à la mémoire des premiers repas scolaires servis au Japon, ville de Tsuruoka, préfecture de Yamagata. (© Musée de l’histoire des repas scolaires)
À Tsuruoka se trouvait l’ancien domaine de Shônai. L’entente y était cordiale et les habitants de la ville étaient toujours prêts à se rendre service les uns les autres. Mais Tsuruoka, c’était aussi une culture gastronomique riche, de sorte que le riz et le saumon pour le repas étaient de production locale, en parfaite adéquation avec l’esprit de bienveillance des prêtres. Dans ces repas, il y a toujours eu cette idée altruiste d’apporter un soutien aux enfants défavorisés sans leur donner un sentiment d’infériorité.
Reconstitution du premier repas scolaire avec des boulettes de riz salé, du saumon salé et des légumes verts marinés. (© Japan Sport Council)
L’initiative du temple Daitoku-ji a fait des émules, et bientôt d’autres régions se sont également mises à proposer des repas dans les établissements scolaires. Ils étaient financés par les gouvernements locaux ou par des dons effectués par des particuliers. Des catastrophes comme le Grand séisme du Kantô en 1923 et les grandes famines du Tôhoku (nord-est) dans les années 1930 ont également contribué à la diffusion de ces repas pour les enfants privés de nourriture. Dès les années 1930, le pays a mis en place de réelles politiques de distribution de repas dans les écoles.
Alors que le Japon intensifiait son invasion de la Chine et que sa société accordait de plus en plus la priorité à la guerre, le gouvernement a non seulement fourni de la nourriture aux enfants qui ne mangeaient pas à leur faim, mais il a également encouragé la distribution de repas scolaires afin d’améliorer leur nutrition et leur condition physique. Cependant, alors que le Japon se trouvait dans une position de plus en plus délicate, la plupart de ces programmes alimentaires durent être interrompus pendant le conflit en raison de pénuries de vivres. Celle-ci se poursuivit pendant et après la guerre, entraînant une malnutrition des enfants, qui avaient une condition physique moins bonne que leurs pairs avant le conflit. Selon une enquête d’après-guerre menée par le gouvernement de Tokyo, 40 % des enfants ne mangeaient que très peu chaque jour et le même pourcentage ne prenaient qu’un seul repas.
Les repas scolaires au Japon : les dates importantes
1889 Premier repas scolaire à Tsuruoka, préfecture de Yamagata.
1923 Grand tremblement de terre du Kantô
Pendant la guerre Interruption du service de restauration scolaire à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
1945 Fin de la Seconde Guerre mondiale
À partir de 1946 Avec l’aide des États-Unis notamment, des rations de pain et de lait écrémé en poudre sont fournis pour les repas scolaires.
1949 L’UNICEF soutient les programmes de repas scolaires.
1950 Le gouvernement américain et le programme de secours dans les zones occupées (GARIOA) soutiennent les programmes de repas scolaires.
1951 Interruption du soutien de GARIOA lorsque le Japon retrouve sa souveraineté.
1954 Promulgation de la Loi sur les programmes de repas scolaires.
1960 Passage du lait en poudre au lait frais.
1976 Introduction officielle du riz dans les repas.
2005 Promulgation de la Loi sur l’éducation alimentaire et nutritionnelle.
2008 Amendement de la Loi sur les programmes de repas scolaires afin de stimuler l’importance de l’éveil à l’alimentation et à la nutrition.
Source : liste créé par Nippon.com à partir d’informations émanant notamment du ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie.
Alimentation et éducation
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Quartier général du commandement suprême des forces alliées (GHQ), qui dirigeait le Japon occupé, souhaite trouver une solution à la crise alimentaire dans le pays, y voyant la menace de possibles troubles sociaux. Sur ordre du président américain Harry Truman, une délégation dirigée par son prédécesseur Herbert Hoover arrive au Japon et demande au chef du GHQ, le général Douglas MacArthur, de reprendre le service de restauration scolaire, insistant sur la nécessité d’importer de la nourriture.
Avec le soutien du GHQ, le jour de la veille de Noël 1946, des repas scolaires à l’attention de 250 000 enfants sont distribués dans les préfectures de Tokyo, Kanagawa et Chiba. Le programme reposait sur des dons provenant du groupement d’organisations caritatives privées américaines Licensed Agencies for Relief in Asia (Agences de secours pour l’Asie). Harry Truman aurait ajouté le mot « licensed » pour insister sur la pleine approbation par le président et le soutien américain à ce programme.
Reconstitution du premier repas scolaire de l’après-guerre, composé d’un ragoût de tomates et de lait en poudre reconstitué. (© Japan Sport Council)
Le premier repas scolaire était frugal et n’était composé que de ragoût de tomates et de lait écrémé en poudre, mais il constituait un apport nutritionnel précieux pour les enfants qui ne savaient pas toujours quand serait leur prochain repas. L’aide sous forme de marchandises en provenance de l’étranger est restée importante et, dans le cadre de la politique d’occupation américaine, une aide supplémentaire a été apportée par l’intermédiaire du Government and Relief in Occupied Areas fund (Fonds du gouvernement et de secours dans les zones occupées). Il faudra attendre 1950 pour voir une réelle évolution des repas scolaires : ils se composent désormais de pain, de lait et de plats d’accompagnement et sont servis deux fois par semaine à 1,3 million d’écoliers de Tokyo, Yokohama, Nagoya, Kyoto, Osaka, Kobe, Hiroshima et Fukuoka.
Cependant, lorsque que le Japon a retrouvé sa souveraineté, après la signature du traité de paix de San Francisco en 1951, le financement de la GARIOA a pris fin. La charge incombait désormais aux familles, d’où le lancement d’une campagne nationale visant à rétablir le programme de repas scolaires financé par le gouvernement. En 1952, le gouvernement subventionnait la moitié du prix de la farine, et le service de repas scolaires a peu à peu été proposé dans tout le pays.
En 1946, les vice-ministres de l’Éducation, de la Santé et de l’Agriculture publient une directive sur la politique de promotion de l’adoption de programmes de repas scolaires pour la santé et le développement des enfants. Le texte fait valoir son impact positif sur l’enseignement des enfants, sous la forme de dix catégories, allant des connaissances en matière d’hygiène et de nutrition aux bonnes manières et à la diffusion de la pensée démocratique.
La Loi sur les programmes de repas scolaires est promulguée en 1954. Elle apporte avec elle des changements notoires ; les repas scolaires ne sont plus un simple apport nutritionnel mais contribuent désormais à l’éducation des enfants. La mise en place d’un cadre juridique permet une voie unique de développement au Japon, alors même que le pays dépend toujours des importations de denrées alimentaires étrangères. Le texte désignait les quatre objectifs fondamentaux suivants :
- Sensibiliser au rôle de l’alimentation dans la vie quotidienne et transmettre les bonnes habitudes à prendre.
- Enrichir la vie scolaire et favoriser les interactions entre les élèves.
- Mettre en place des habitudes alimentaires régulières chez les enfants et améliorer la nutrition et la santé.
- Donner des pistes pour comprendre les processus de production, de distribution et de consommation des denrées alimentaires.
Ces quatre objectifs ainsi que les avantages éducatifs décrits dans la directive des vice-ministres sont toujours d’actualité.