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« Sengoku », un manga pour se plonger dans le Japon de la série « Shogun »
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Une histoire de samouraïs qui passionne le monde entier
Le drame historique Shogun, produit par FX, affilié à Disney, a connu un succès mondial. Lors de 76e cérémonie des Emmy awards, la série a remporté 18 prix dont celui du meilleur film, et son acteur principal, Sanada Hiroyuki, celui du meilleur acteur.
Basé sur le roman du même nom publié en 1975 par l’auteur britannique James Clavell, l’histoire se déroule au Japon en 1600 et dépeint la lutte féroce pour le pouvoir entre les seigneurs de la guerre à travers les yeux de John Blackthorne, un marin anglais dont le bateau s’est échoué sur le rivage.
Blackthorne a rencontré au Japon un seigneur appelé Yoshii Toranaga. Si Toranaga, Blackthorne et son interprète Mariko sont des personnages de fiction, les modèles sont des personnes réelles et l’histoire dépeint de nombreux faits historiques.
Plutôt l’honneur que la loyauté
Depuis son origine, le Japon était gouverné par des empereurs. Cependant, au début du Moyen-Âge, une classe d’individus appelés samouraïs a émergé de la classe des défenseurs des frontières. Leur chef, sous le titre de shôgun, s’est emparé du pouvoir à la fin du XIIe siècle.
L’empereur a tenté à deux reprises de riposter et a réussi à reprendre le pouvoir au XIVe siècle. Cependant, le guerrier Ashikaga Takauji sur lequel il s’était appuyé pour la restauration impériale a fait défection est lui-même devenu le nouveau « shôgun », consolidant le régime des samouraïs.
Cependant, le shogunat (gouvernement militaire) des Ashikaga a vite été en proie à des conflits internes et la guerre civile s’est étendue tout au long du XVe siècle, conduisant finalement à l’établissement de petits royaumes de seigneurs féodaux dans la majorité des régions du Japon perpétuellement en guerre les uns contre les autres. C’est la période des « Provinces combattantes », ou Sengoku (戦国).
La saison 1 de la série télévisée Shogun se déroule à la fin de cette époque. Elle dépeint Toranaga initiant une nouvelle dynastie de shôgun qui ramène la paix en regroupant la totalité du pays sous son autorité. S’il est un personnage fictif, il est fortement inspiré de Tokugawa Ieyasu qui a effectivement assumé ce rôle.
Dans Shogun, la valeur suprême des samouraïs est la loyauté. Ils juraient fidélité absolue à leur seigneur. L’idée sous-jacente est celle du « destin ». Chaque personne a un destin mais si celui-ci impose de provoquer une destruction, il est possible de résister en choississant soi-même la mort. Telle est la base morale derrière le rituel appelé seppuku.
Cependant, si les samouraïs de Shogun sont des êtres artificiels créés par l’idée de ce que doivent être des guerriers, ceux qui ont réellement vécu pendant l’époque Sengoku étaient beaucoup plus rudimentaires et naturels. Ils étaient plus fidèles à leurs désirs et, en réalité, la « loyauté » n’était pas un principe absolu. Il était normal pour un samouraï d’abandonner son seigneur s’il pensait que celui-ci n’estimait pas son travail à sa juste valeur ou que son seigneur était incompétent. Ce qui comptait, c’était l’honneur, et un lieu où ses compétences pouvaient être reconnues.
Autrement dit, les samouraïs de la période des Provinces combattantes étaient des gens au sang chaud et extrêmement exigeants sur la vie. Le manga Sengoku de Miyashita Hideki, sorti en série dans le magazine de pré-publication Weekly Young Magazine à partir de 2004, est une épopée historique qui décrit cette époque de façon très réaliste.
Comment survivre dans la période des Provinces combattantes
Le protagoniste est Sengoku Gonbei Hidehisa, né dans la province de Mino (actuelle préfecture de Gifu). Ce seigneur féodal a réellement existé et le récit respecte les faits historiques.
Gonbei n’a jamais joué un rôle de premier plan dans les grandes batailles, ni de rôle politique majeur. C’était un homme courageux sur le terrain, mais il commettait de nombreuses « erreurs d’inattentions », notamment quand « il ne comprenait pas » les ordres des généraux supérieurs. Si nous étions au XVIIe siècle, il aurait été blâmé pour ses premiers échecs et aurait certainement été contraint à se donner la mort par seppuku. Mais nous sommes au XVIe siècle, à l’acmé de la période des Provinces combattantes.
Malgré ses fautes, Gonbei n’a jamais renoncé à la vie et a fait de son mieux, quelle que soit la situation dans laquelle il se trouvait. Il s’est surpassé et s’est finalement élevé au rang de seigneur féodal, devenant « l’homme qui s’est le mieux remis de ses échecs » de l’histoire japonaise.
D’abord vassal de la famille Saitô, il est découvert par le général ennemi Oda Nobunaga ['Kuroda Nobuhisa’ dans la série Shogun] et affecté, conformément à la réalité historique, à l’unité de Kinoshita Tôkichirô ['Taikô’ dans la série], l’un des hommes de Nobunaga.
Tôkichirô n’appartenait pas à la classe des samouraïs, mais à celle des paysans. Ses capacités ont néanmoins été reconnues par Nobunaga et il est devenu l’un des chefs de guerre de la famille Oda. Celle-ci n’était pas d’un rang élevé. Nobunaga lui-même était un homme qui avait gagné des territoires par ses propres moyens et s’était élevé jusqu’au rang de seigneur de guerre. Le rang n’était pas tout, les incompétents, même d’un rang élevé, étaient éliminés et remplacés par des personnes compétentes. C’est le mouvement connu sous le nom de Gekokujô, « ce qui était dessous passe par-dessus », véritable moteur de l’action des samouraïs de l’époque.
Le drame de Tadaoki et Gracia
Le Nobunaga historique était un homme qui visait à réunifier le Japon en guerre perpétuelle. Sa personnalité était complexe, peut-être comparable à celle de l’empereur du Saint-Empire romain germanique Frédéric II. Il s’est empressé d’introduire de nouvelles armes telles que les fusils et a encouragé la séparation des soldats et des fermiers. Il excelle également dans la politique économique et a une vision internationale. Il a également fait preuve d’une grande sensibilité artistique et a utilisé le « soft power » du « thé » pour son propre projet d’unification du Japon.
C’était aussi un rationaliste qui n’était pas lié par les superstitions médiévales. Le missionnaire Luis Frois, qui est entré en contact avec lui, a écrit à propos de Nobunaga qu’il « ne croyait pas à l’immortalité de l’âme, ni au jugement après la mort ».
Il n’avait aucune considération pour les autorités traditionnelles, fussent-elles empereurs, généraux et ou les religions, il n’hésitait pas à bannir les généraux qu’il avait autrefois utilisés et réduisait en cendres toutes les forces religieuses qui s’opposaient à lui, y compris l’école à laquelle sa famille était affiliée.
Dans Sengoku, Nobunaga est dépeint comme un personnage d’un grand charisme, mais en même temps comme un « personnage maladroit » incapable d’appréhender les relations humaines avec sensibilité.
Le commandant militaire qui s’est rebellé contre Nobunaga était Akechi Mitsuhide ['Akechi Jinsai’ dans la série]. Lui non plus n’était pas un samouraï depuis des générations, mais un général très apprécié pour ses capacités. Il a soudainement attaqué et tué Nobunaga à qui il devait pourtant sa carrière. Pour cette action, Mitsuhide est devenu le rebelle et « régicide » le plus célèbre de l’histoire du Japon.
La fille de Mitsuhide est Hosokawa Tama [Mariko’ dans la série]. Son mari était un seigneur de guerre appelé Hosokawa Tadaoki [Toda Hirokatsu’ dans la série], un soldat compétent et une figure culturelle exceptionnelle, mais leur « destin » bifurque radicalement lorsque le père de Tama tue Nobunaga.
Le droit d’un samouraï de changer de seigneur était reconnu, tout comme la possibilité d’avoir plus d’un seigneur. Il était cependant déshonorant, même à cette époque, de trahir un seigneur avec lequel on avait une relation contractuelle. Et ce que Mitsuhide trahit ici, c’est une grande figure charismatique qui a les capacités d’unifier le Japon. Tadaoki, gendre du traître Mitsuhide, n’a en principe pas d’autre choix que de tuer Tama pour sauver sa vie. Mais il choisit de l’épargner en la retenant prisonnière au fin fond des montagnes.
La complexité psychologique de la position dans laquelle un tel acte le place a néanmoins raison de sa santé mentale, et ses rapports avec la femme qu’il aime se détériorent. Il tue le jardinier qui l’a aperçue et lui montre sa tête. Tama, disent les documents historiques, n’en est aucunement dérangée et poursuit son repas... Ils n’avaient plus aucune relation de couple. Cherche-t-elle à sortir de cette situation ? Tama se convertit au christianisme, se fait baptiser en secret et prend le nom de Gracia. Plus tard, elle est retenue en otage au château d’Osaka, mais, sur ordre de Tadaoki, elle n’est pas autorisée à s’échapper et choisit de se donner la mort.
Le maître d’une ère de batailles continuelles
C’est en définitive le suzerain de Gonbei, Kinoshita Tôkichirô, le futur Toyotomi Hideyoshi, qui a remporté la « guerre de succession » après la mort de Nobunaga et a réalisé l’unification du Japon.
Nobunaga était un génie aux idées originales. Hideyoshi, de son côté, avait le génie de comprendre et de développer les concepts de Nobunaga.
Quel genre de personne était donc Tokugawa Ieyasu (= Toranaga Yoshii) ? Dans le manga Sengoku, le jeune Ieyasu apparaît comme un « joueur » qui ose prendre des risques. Il finit par devenir si habile qu’il bat Hideyoshi dans une bataille en terrain ouvert, mais il considère également le talent de Hideyoshi comme supérieur au sien et fait preuve d’une volonté d’apprendre toujours plus.
Ieyasu n’avait peut-être pas l’originalité de Nobunaga ou de Hideyoshi, mais il avait la capacité d’apprendre et, surtout, la patience de rechercher les opportunités en attendant son heure. Comme le montre Sengoku, il suffit de posséder ces qualités pour être le vainqueur final et devenir « shôgun ».
La production des saisons 2 et 3 de Shogun a déjà été annoncée. Une série d’autant plus passionnante que l’on en connaîtra les bases historiques.
(Photo de titre : Sengoku a été publié en, 15 tomes. Photo de Nippon.com)