Kitaguchi Haruka, une lanceuse de javelot encore plus redoutable sous la pression

Sport

Kitaguchi Haruka, première Japonaise à remporter une épreuve d’athlétisme aux Championnats du monde, tentera d’atteindre le sommet lors de ses deuxièmes Jeux olympiques. L’athlète de 26 ans est surtout redoutable pendant les dernières phases d’une compétition.

Victoire surprise dans les six derniers lancers

En août de l’année dernière, Kitaguchi Haruka a effectué un lancer de 66,73 m aux championnats du monde d’athlétisme à Budapest, en Hongrie, devenant ainsi la première athlète japonaise à remporter une médaille d’or aux Mondiaux dans une épreuve d’athlétisme. En septembre, elle est également devenue la première Japonaise à remporter les finales annuelles de la Diamond League (DL), la plus prestigieuse série annuelle.

Kitaguchi s’est fait une spécialité de remporter des concours lors de ses dernières tentatives. « La reine du renversement de situation » (gyakuten no joô), ce surnom lui va comme un gant. Dans cinq épreuves sur les deux dernières saisons, elle a soit décroché la victoire, soit battu un record par une performance exceptionnelle sur son 6e et dernier lancer. En contexte de très forte pression, elle semble indestructible et peut renverser toutes les situations en sa faveur.

« En pratique, si je lance 55 mètres à l’entraînement, c’est que les choses se présentent bien. En compétition, je peux lancer 65 mètres, mais je rentre dans le match sans faire de pronostics. Tant que je n’ai pas lancé mon premier jet, je ne sais pas ce que je vais faire ce jour-là. C’est seulement après le premier essai que je vois ma condition du moment. »

Le sourire éclatant de Kitaguchi Haruka attire de nombreux fans dans le monde entier – ici aux Crampons d’Or d’Ostrava, en République tchèque, le 28 mai 2024. (Reuters)
Le sourire éclatant de Kitaguchi Haruka attire de nombreux fans dans le monde entier – ici aux Crampons d’Or d’Ostrava, en République tchèque, le 28 mai 2024. (Reuters)

Pourquoi fait-elle rarement de très bonnes performances à l’entraînement ?

« Parce que je réfléchis beaucoup quand je lance. Mais vraiment beaucoup » dit-elle.

« S’il y a dix points auxquels je dois faire attention, j’y pense à l’entraînement, mais en match, je les réduis à deux ou trois. De cette façon, je jette tout ce que j’ai sans me poser de questions. »

Les problèmes identifiés lors du premier lancer sont corrigés lors du deuxième lancer, ceux du deuxième lancer sont corrigés lors du troisième lancer, et ainsi de suite. Le processus est répété jusqu’au 6e et dernier lancer de la journée.

Lorsque Kitaguchi a battu le record de son lycée, il s’agissait déjà de son 6e lancer. Quant à son record du Japon établi pour la première fois en mai 2019, il s’agissait de son 5e lancer. Son expérience passée d’améliorer ses records dans la seconde moitié de la compétition lui a donné la confiance. Ces premiers lancers sont moyens ? Ce n’est pas grave, pour les derniers, elle peut se montrer remarquable.

Une confiance acquise en République tchèque

C’est David Sekerak, entraîneur national des jeunes de la République tchèque, grande puissance traditionnelle du lancer du javelot, qui se trouve derrière cet exploit.

Kitaguchi s’est rendue seule en République tchèque en 2019 et a bénéficié d’un coaching continu. Le grand bond en avant réalisé la saison dernière en matière de course d’appel est également le résultat des conseils de Sekerac.

Jusqu’alors en effet, Kitaguchi ralentissait souvent à la fin après avoir accéléré dans la course d’élan, mais la saison dernière, elle a été capable de transmettre la totalité de l’impulsion de la course sur le javelot, grâce à une course d’élan rythmée et rapide.

Et puis, Sekerak lui a également permis de comprendre l’importance de la musculation : obtenir une puissance supplémentaire, et la combiner avec la souplesse, sa spécialité de départ.

Kitaguchi communiquait dans un anglais et un tchèque très sommaire au début, mais elle s’exprime aujourd’hui dans un tchèque fluide et arrive même à exprime ses idées personnelles. « Nous commençons tous les deux à ressembler à une athlète et un entraîneur », plaisante-t-elle.

Au cours de l’hiver dernier, en préparation des Jeux, elle a travaillé à l’amélioration de sa vitesse de course tout en introduisant de nouvelles approches avec le soutien d’un nutritionniste. S’entraîner au sprint avec un partenaire d’entraînement l’a aidée a améliorer sa rapidité, qui implique néanmoins le fait de devoir réadapter sa technique de jet. Pas de souci, Kitaguchi ne lésine pas dans les efforts, procédant par tâtonnements afin d’atteindre son apogée pour les JO. Quoiqu’il en soit, « les compétitions sont le meilleur des entraînements », dit-elle.

Kitaguchi célèbre sa victoire surprise avec son 6e et dernier jet du Golden Grand Prix d'athlétisme cette saison. Verrons-nous aussi ce sourire à Paris ? (Jiji Press)
Kitaguchi célèbre sa victoire surprise avec son 6e et dernier jet du Golden Grand Prix d’athlétisme cette saison. Verrons-nous aussi ce sourire à Paris ? (Jiji Press)

Transformer la pression en puissance

Kitaguchi a poursuivi sur sa lancée depuis le début de la saison, remportant la Diamond League et cinq compétitions sur six depuis sa victoire en Chine, dont une deuxième place au World Athletics Continental Tour à Kuortane en Finlande en juin. Sa grande détermination lui a permis d’enregistrer son meilleur résultat de la saison avec un record de 64,28 mètres.

Depuis les championnats du Japon en juin où elle a retrouvé la première place pour la première fois depuis deux ans, avec une marque à 62,87 m lors de son 2e lancer, elle n’a plus amélioré son record. « Peu mieux faire », déclare cette éternelle insatisfaite. « Honnêtement, je ne me sens pas au mieux de ma forme. C’est un peu la crise en ce moment. »

L’année précédente, lorsqu’elle avait raté sa troisième victoire consécutive aux Championnats du Japon, elle s’était effondrée en larmes : « Je me suis laissée submerger par mes sentiments et je n’ai pas pu mettre en avant mes points forts. J’ai été incapable de donner le meilleur de moi-même. » Mais en fin de compte, c’est cette frustration qui l’a poussée à se dépasser et battre depuis le record du Japon et à remporter les Championnats du monde pour la première fois.

Si elle décroche l’or aux Jeux olympiques de Paris, elle deviendra la première Japonaise à atteindre la plus haute marche du podium dans une épreuve d’athlétisme, comme elle l’a fait aux Championnats du monde de la saison dernière.

« Je veux gagner une médaille, et la plus prestigieuse, évidemment. Ce ne sera pas facile, mais je veux être bien préparée. »

Passée du statut de challenger à celui de favorite à battre depuis qu’elle a remporté l’or aux Championnats du monde, elle doit ressentir une pression sans précédent cette saison. « Je ne m’étais jamais sentie aussi en difficulté depuis des années », avait-elle expliqué après les Mondiaux. « Je ne suis pas au mieux de ma forme mentale. »

Certes, il n’y a au aucun jet vraiment impressionnant cette année. Mais les espoirs sont là pour qu’elle transforme la pression en puissance positive et que son lancer dans le ciel parisien remette les pendules à l’heure.

(Photo de titre : Kitaguchi Haruka vise la plus haute marche du podium aux Jeux Olympiques de Paris. Ici au Stade de Londres, le 20 juillet 2024. Action Images/Reuters)

femme sport JO Athlétisme Paris 2024 Jeux olympiques de Paris 2024 athlètes de Paris 2024