Aoki Isao, le premier golfeur japonais de classe mondiale

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Takino Yûsaku [Profil]

La légende japonaise du golf Aoki Isao porte un regard en arrière sur sa longue carrière, et s’interroge sur les nombreux changements spectaculaires que son sport a connus au cours des six décennies qu’il a passées sur les fairways. Il a reçu le prix de la personne de mérite culturel (bunka kôrôsha) le 3 novembre 2024.

Aoki Isao AOKI Isao

Golfeur professionnel. Né en 1942 à Abiko, préfecture de Chiba. Est devenu pro en 1964. Il est le premier joueur japonais à avoir remporté un championnat US PGA, l’Open de Hawaï de 1983. Au cours de sa carrière il a remporté 85 tournois et s’est classé cinq fois en tête dans les tournois nationaux japonais. En 2015, il a reçu l’Ordre du Soleil levant, Rayon d’Or avec Rosette.

Une force sur le tour

Aoki, qui est devenu l’un des plus grands joueurs du Japon, a pris place aux côtés d’Ozaki à la tête de ce qu’on appelle l’« ère AO ». Il s’est aussi fait un nom en jouant à l’étranger, où il a affronté certains des golfeurs les plus talentueux. Il a fait sa première incursion à l’étranger à l’âge de 26 ans, sur le Asia Golf Circuit (Circuit de golf asiatique). Mais c’est à l’issue de sa saison faste de 1973, au cours de laquelle il a remporté six titres dont le Championnat PGA du Japon, qu’il a commencé à être régulièrement invité à des grands tournois à l’étranger tels que les Masters.

Aoki allait passer plusieurs saisons à jouer principalement en dehors de l’Archipel, ce qu’il dit avoir commencé d’envisager après sa victoire de 1978 au World Matchplay Championship (Championnat mondial de matchplay), en Angleterre. « L’attribution de ce titre m’a fait penser que je pouvais aussi gagner le tour américain. » Sa conviction s’est encore renforcée l’année suivante, quand il s’est classé en deuxième place au même championnat. Ses exploits ont culminé en 1980 avec son extraordinaire performance au US Open.

À l’occasion de sa seconde participation à ce grand événement, Aoki est arrivé au sommet du tableau de classement pour se retrouver à égalité avec Jack Nicklaus pour le quatrième et dernier round. Il a laissé le golfeur américain en position dominante tout en maintenant la pression jusqu’au trou final. Son classement en seconde position était le plus élevé obtenu jusque-là par un joueur japonais dans un grand tournoi de golf aux États-Unis, et son affrontement avec Nicklaus l’a fait entrer dans l’histoire mouvementée du tournoi.

Trois années plus tard, en 1983, sa victoire à l’Open de Hawaï a été un autre triomphe, et elle a constitué le second titre remporté par un golfeur japonais lors d’un championnat de l’US tour.

Aoki accompagné de son épouse Chie lors d’une conférence de presse donnée à Tokyo le 17 juin 1980, après son arrivée en deuxième place au US Open. (Jiji)
Aoki accompagné de son épouse Chie lors d’une conférence de presse donnée à Tokyo le 17 juin 1980, après son arrivée en deuxième place au US Open. (Jiji)

Contrairement à ce qui avait motivé sa décision de devenir pro, Aoki insiste sur le fait que l’appât du gain n’était pas le principal facteur de sa détermination à jouer outre-mer. « Dans les années 1980, le tournoi japonais de golf professionnel était l’un des plus grands événements de ce genre dans le monde », explique-t-il. « Le golfeur espagnol Severiano Ballesteros m’a même demandé un jour pourquoi je jouais dans le US tour alors que je pouvais faire un malheur au Japon. » Il se trouve toutefois que les gros paiements n’étaient pas la principale préoccupation d’Aoki. « Je voulais être un pionnier. »

Mais ces allers et retours entre le Japon et les événements internationaux n’étaient pas sans inconvénients. Il raconte les problèmes que posaient les voyages à l’étranger à partir du Japon. « J’étais toujours en train de courir pour attraper un vol de correspondance. La salubrité de mon régime alimentaire au cours de mes voyages constituait elle aussi un problème. Et puis il me fallait convaincre mes sponsors au Japon de me laisser partir. Je ne pouvais non plus me permettre de décevoir mes fans, et je voulais donc toujours finir dans les dix premières places. Ce qui continuait de me motiver, c’était le désir de prouver que je pouvais y arriver quelque soit l’endroit où je jouais. »

Béni par le golf

Tournant son attention vers la jeune génération des golfeurs japonais, Aoki dit qu’elle a perdu l’appétit de prendre le monde à bras le corps qu’elle avait à son époque. « Au cours des dix dernières années, on a vu un certain nombre d’excellents joueurs japonais faire leur apparition sur le circuit international », dit-il. « Mais Matsuyama Hideki a été le seul d’entre eux à faire montre de résilience. »

Il souligne le caractère décevant de leurs performances lors de l’US Open de 2024 et se lamente de l’impact réduit que les meilleurs joueurs du Japon ont eu sur le tour PGA des États-Unis. « Je sais que c’est un circuit compétitif », explique-t-il. « Mais c’était déjà le cas à mon époque. Si vous voulez faire le poids face aux meilleurs joueurs, vous devez vous préoccuper avant tout d’améliorer certains aspects spécifiques de votre jeu — vos tirs de putting ou de bunker ou quoi que ce soit d’autre. Mais il est encore plus important d’avoir l’état d’esprit adéquat. Vous ne pouvez pas vous congratuler pour avoir été qualifié pour un tournoi et vous contenter ensuite de gesticuler. Vous devez avoir la volonté de gagner. »

Lorsqu’il se retourne pour contempler sa carrière, Aoki dit que le golf lui a permis de se frotter les coudes avec des gens riches et célèbres, au nombre desquels figurent des présidents des États-Unis allant de Gerald Ford à Bill Clinton et Donald Trump. « Lorsque le Premier ministre Abe m’a demandé de jouer en trio avec le président Trump, c’était un signe de respect pour ce que j’avais accompli en tant que golfeur professionnel », dit-il, débordant de fierté.

« Le golf a été ma vocation », ajoute Aoki. « J’ai toujours préféré la compagnie à la solitude, et le golf m’a permis de partager tant de choses avec tant de gens. Même maintenant, à chaque fois que je joue, avant de poser la balle sur le tee je remercie silencieusement les puissances en place pour avoir créé le golf. Tout ce que j’éprouve, c’est la plus profonde gratitude. »

(Les photos d’interview : Nippon.com)

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Takino YûsakuArticles de l'auteur

Critique littéraire. Né dans la préfecture d'Osaka. Diplômé de droit à l'université Keiô, il travaille pendant 30 ans pour les magazines d'une grande maison d'édition, en tant qu'éditeur des feuilletons écrits par des romanciers à succès comme Matsumoto Seichō. Il a aussi beaucoup écrit sur le monde de la politique et de la diplomatie.

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