« Les Cinquante-trois stations du Tôkaidô » : l’art de la grand-route, par Hiroshige

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L'œuvre d’Utagawa Hiroshige intitulée Les Cinquante-trois stations du Tôkaidô témoigne du charme des promenades sur les routes du Japon du XIXe siècle ; via des estampes lyriques représentant des voyageurs se rendant en divers endroits, par des temps variés et en toutes saisons.

Un guide du gourmet sur la route du Tôkaidô

La dégustation des spécialités locales est l’une des joies du voyage, et il en allait de même à l’époque d’Edo. Des mets fameux figurent aussi dans Les Cinquante-trois stations.

La carte « gourmande » du Tôkaidô

Pour prendre un exemple, l’estampe de Kusatsu montre un relais de poste où sont vendus des mochi ubaga, ou « mochi de nourrice », qui sont des mochi en forme de poitrine enveloppés de pâte de haricots anko. On dit que cette friandise remonte à 1569, quand une nourrice de l’arrière-petit-fils d’un daimyô (seigneur) vaincu a caché l’enfant à Kusatsu, sa ville natale, et a gagné de l’argent pour l’élever en confectionnant des casse-croûte à base de mochi qu’elle vendait dans la rue.

L’estampe de Kusatsu des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige (avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)
L’estampe de Kusatsu des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige (avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)

Kusatsu était une plaque tournante, où le Tôkaido et le Nakasendô, une autre route reliant Edo et Kyoto, se croisaient après avoir divergé à Nihonbashi. Au premier plan de l’estampe, quatre hommes, perche à l’épaule, portent un gros colis. Alors qu’ils avancent vers la droite, ils sont croisés par cinq hommes qui se dirigent en toute hâte vers la gauche en portant une litière, dont l’occupant s’accroche pour ne pas tomber.

L’estampe suivante est consacrée à Ôtsu, la dernière des cinquante-trois stations avant Kyoto, et, en l’occurence, des mochi hashirii sont en vente. Le mot hashirii, qui veut dire « eau printanière bouillonnante », aurait, dit-on, été utilisé dès l’invention de la spécialité en 1764. Ces fins gâteaux de riz remplis d’une douce pâte de haricots sont façonnés en forme d’épée, en hommage à un célèbre forgeron du temps jadis.

Sur l’estampe de Mariko, deux hommes, dont l’apparence suggère qu’ils pourraient être les personnages comiques du livre À pied sur le Tôkaidô, dégustent le plat local de soupe tororo (igname râpée) accompagné de saké. Peut-être Hiroshige a-t-il puisé une partie de son inspiration dans le roman à succès.

Ubaga mochi (à gauche ; avec l’aimable autorisation d’Ubaga Mochiya) et hashirii mochi (à droite ; avec l’aimable autorisation de Hashirii Mochi Rôho)
Ubaga mochi (à gauche ; avec l’aimable autorisation d’Ubaga Mochiya) et hashirii mochi (à droite ; avec l’aimable autorisation de Hashirii Mochi Rôho)

Á gauche, l’estampe de Mariko des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige (avec l’aimable autorisation de la New York Public Library) ; à droite, le Chôjiya de Mariko, fondé en 1596, qui figure dans les estampes de Hiroshige, est toujours en activité aujourd’hui. (Pixta)
Á gauche, l’estampe de Mariko des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige (avec l’aimable autorisation de la New York Public Library) ; à droite, le Chôjiya de Mariko, fondé en 1596, qui figure dans les estampes de Hiroshige, est toujours en activité aujourd’hui. (Pixta)

D’autres produits locaux apparaissent aussi dans les estampes. Dans la représentation qu’il donne de la station Narumi (située dans l’actuelle Nagoya), Hiroshige place une boutique vendant des tissus teints d’Arimatsu. Des matériaux aux riches couleurs sont empilés derrière le rideau et il semble qu’un client soit en train de marchander avec le tenancier. À l’extérieur de la boutique, une femme vêtue d’un élégant kimono descend la colline transportée dans un palanquin. Peut-être a-t-elle acheté des tissus. L’estampe témoigne de la façon dont le réalisme de Hiroshige peut inciter ceux qui regardent ses œuvres à imaginer leurs propres scénarios.

« Leurs qualités esthétiques mises à part, Les Cinquante-trois stations servaient aussi de guide », dit Inagaki. « C’est sans doute l’une des grandes raisons de leur succès. »

L’estampe de Narumi des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige (avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)
L’estampe de Narumi des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige (avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)

Outre les 55 estampes des Cinquante-trois stations du Tôkaidô, l’exposition du Musée d’art d’Okada présente aussi de nombreuses œuvres célèbres liées au Tôkaidô, créées principalement par des artistes et des écrivains d’Edo et de Kyoto. Parmi les grands noms figurent le potier Ogata Kenzan, les artistes d’Edo Sakai Hôitsu et Suzuki Kiitsu, et les peintres de Kyoto Itô Jakuchû et Maruyama Ôkyo.

L’exposition se déroulera en deux parties, la première allant du 9 juin au 12 septembre 2024, et la seconde du 13 septembre au 8 décembre. Seule l’une des parties présentera des œuvres originales des Cinquante-trois stations du Tôkaidô, mais des copies seront proposées pour les estampes non exposées.

Le musée possède aussi une peinture du mont Fuji faite en 1926 par le maître du nihonga Yokoyama Taika, peinture qui mesure près d’un mètre de haut sur neuf mètres de large. (avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)
Le musée possède aussi une peinture du mont Fuji faite en 1926 par le maître du nihonga Yokoyama Taika, peinture qui mesure près d’un mètre de haut sur neuf mètres de large. (avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)

(Photo de titre : l’estampe de Kyoto des Cinquante-trois stations du Tôkaidô d’Utagawa Hiroshige. Avec l’aimable autorisation du Musée d’art d’Okada)

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