Avec Hokusai, « La Grande Vague de Kanagawa » a déferlé sur le monde

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Fujiwara Tomoyuki [Profil]

La Grande vague de Kanagawa, de Hokusai, est une estampe issue de la production de masse qui, dans le Japon du XIXe siècle, a commencé à circuler en tant qu’élément d’une série à succès représentant le mont Fuji. Elle a été reconnue comme un chef-d'œuvre par les artistes et les collectionneurs occidentaux, et aujourd’hui, la voici qui figure sur le nouveau billet de banque japonais de 1 000 yens.

Les racines internationales de La Grande vague de Kanagawa

Pourquoi cette peinture particulière a-t-elle connu une telle popularité en dehors du Japon ? « L’une des raisons que l’on peut avancer réside peut-être dans le fait que Hokusai lui-même a été influencé par l’art non japonais », dit Okuda Atsuko, conservatrice en chef du Sumida Hokusai Museum, à Tokyo. Okuda a récemment participé à l’organisation d’une grande exposition consacrée à la Grande vague : L’impact de la Grande vague de Hokusai, qui est ouverte jusqu’au 25 août 2024.

À gauche : le Musée Hokusai de Sumida, situé à proximité du lieu de naissance de l'artiste, attire des visiteurs venus du monde entier ; (Nippon.com). À droite : Affiche de l'exposition la Grande vague, qui se déroule du 18 juin au 28 août (avec l'aimable autorisation du Sumida Hokusai Museum).
À gauche : le Musée Hokusai de Sumida, situé à proximité du lieu de naissance de l’artiste, attire des visiteurs venus du monde entier ; (Nippon.com). À droite : Affiche de l’exposition la Grande vague, qui se déroule du 18 juin au 28 août (avec l’aimable autorisation du Sumida Hokusai Museum).

Peut-être l’aspect le plus frappant de la gravure réside-t-il dans l’usage étonnant du bleu vif. Il s’agit en l’occurrence du « bleu de Prusse », inventé en Allemagne au XVIIIe siècle. Au Japon, ce pigment était connu sous le nom de « Bero-ai » (Bero pour Berlin, ai signifiant indigo), et cette nouvelle importation a permis à Hokusai de produire des bleus plus frais et plus attrayants que tout ce qu’on avait vu jusque-là.

Les estampes de Hokusai représentant le Fuji faisaient aussi appel à la perspective à l’occidentale. Dans la fameuse image de la vague, le cadre est habilement composé de façon à naturellement détourner l'œil de la vague, en position dominante à l’avant du tableau, pour l’attirer vers le mont Fuji représenté à l’arrière-plan. Okuda compare la célèbre gravure à une autre version du même sujet, produite quelque 30 ans auparavant, représentant une vue de la mer au large de Honmoku, à Kanagawa. « Cette œuvre plus précoce montre des signes suggérant l’apparition de ce sens de la profondeur et de la perspective », dit-elle.

 La mer au large de Honmoku à Kanagawa, le « prototype » de la fameuse image de la vague (1804-07). (Avec l'aimable autorisation du Sumida Hokusai Museum)
La mer au large de Honmoku à Kanagawa, le « prototype » de la fameuse image de la vague (1804-07). (Avec l’aimable autorisation du Sumida Hokusai Museum)

La représentation précise et détaillée de vagues était l’une des cartes de visite de l’école de peinture Rinpa à laquelle Hokusai appartenait dans les premières années de sa carrière. Cette école a joué un rôle important dans le développement du style yamato-e, brillant et coloré, de la peinture japonaise, qui empruntait souvent ses sujets à la nature. Hokusai a également tiré parti du réalisme des peintures chinoises représentant des oiseaux et des fleurs (huaniao-hua), et utilisé ces techniques pour saisir la fragile crête d’une vague sur le point de se disperser en embruns.

Hokusai a dédié sa vie à son art. Au cours de ses 88 années d’existence, il a déménagé à 93 reprises, créant sans relâche partout où il allait. À sa mort, il laissait derrière lui plus de 30 000 œuvres. Il se qualifiait lui-même de « démon de la peinture », et c’est peut-être la voracité de cet appétit démoniaque qui lui a permis de s’approprier des techniques provenant des traditions japonaises, chinoises et occidentales, et de les combiner pour produire des œuvres empreintes d’un équilibre remarquable entre réalisme et exagération visant à un effet.

En tout, Hokusai a produit 102 images du mont Fuji. Le Fuji au-dessus de la mer (1834), tiré des Cent vues du mont Fuji, exposé au Sumida Hokusai Museum et visible tout au long de l'exposition. (Avec l'aimable autorisation du Sumida Hokusai Museum)
En tout, Hokusai a produit 102 images du mont Fuji. Le Fuji au-dessus de la mer (1834), tiré des Cent vues du mont Fuji, exposé au Sumida Hokusai Museum et visible tout au long de l’exposition. (Avec l’aimable autorisation du Sumida Hokusai Museum)

 Utagawa Hiroshige, La mer à Satta, province de Suruga (1858), un hommage tardif fait par un maître graveur à son grand prédécesseur. (Avec l'aimable autorisation du British Museum)
Utagawa Hiroshige, La mer à Satta, province de Suruga (1858), un hommage tardif fait par un maître graveur à son grand prédécesseur. (Avec l’aimable autorisation du British Museum)

La Vague de Hokusai est devenue un classique qui a inspiré d’innombrables hommages et parodies. Aujourd’hui encore, les artistes continuent à s’inspirer de son style et de sa composition. Il y eut un temps où les œuvres de Hokusai étaient traitées comme des morceaux de papier sans valeur. Un siècle et demi plus tard, elles se vendent pour des millions de dollars. Et désormais, son image la plus célèbre a été imprimée sur la devise nationale, où des millions de personnes la voient tous les jours. Comme l’artiste serait content de constater l’impact qu’a eu sa grande vague, qui, aussi changeante que la mer, captive l’imagination de tant de gens partout dans le monde !

Sur les lieux de l'exposition au Sumida Hokusai Museum (Nippon.com)
Sur les lieux de l’exposition au Sumida Hokusai Museum (Nippon.com)

(Photo de titre : l’assemblage des images a été réalisé par Nippon.com. [au centre] Le verso du nouveau billet de 1 000 yens © Stanislav Kogiku / SOPA Images via Reuters Connect. [dans le sens des aiguilles d’une montre depuis le haut gauche] Exposition sur Hokusai au British Museum de Londres le 10 janvier 2017 © Carl Court/Getty Images. Exposition au Caumont Centre d’Art, à Aix-en-Provence, le 6 novembre 2019 © AFP/Jiji. La Vague représentée avec des legos, au Danemark le 28 décembre 2022. © LEGO Group/Cover Images via Reuters Connect.)

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Fujiwara TomoyukiArticles de l'auteur

Après avoir travaillé dans une maison d’édition, il a intégré l’équipe éditoriale de Nippon.com, se spécialisant dans les sujets liés aux voyages et à la culture japonaise.

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