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« Tora ni Tsubasa » : le succès d’une série télé matinale pour l’égalité femme-homme

Divertissement Genre

Takahori Fuyuhiko [Profil]

Le feuilleton matinal de la NHK Tora ni Tsubasa (Les ailes du tigre) a été très bien accueilli. L’héroïne est inspirée de Mibuchi Yoshiko (1914-1984), première femme avocate dans le Japon d’avant-guerre et juge après la guerre. Le film décrit son évolution en tant qu’avocate, confrontée à la discrimination à une époque où il était considéré comme acquis que les femmes devaient se marier et rester à la maison. Pourquoi cette série a-t-elle trouvé un écho auprès des spectateurs ?

Parité des artistes-interprètes de la série

Il ne s’agit pas seulement d’une histoire de femmes, car les barrières entre Tomoko et les étudiants masculins tombent également. Ceux-ci, au début agressif avec les étudiantes, finissent eux aussi par changer. L’un d’entre eux, Hanaoka, déprimé de n’avoir pas réussi à entrer à l’université impériale de Tokyo, son premier choix, s’excuse de son comportement passé.

« J’ai délibérément maltraité les femmes parce que je ne voulais pas être critiqué par mes pairs. Je ne suis pas censé être ce genre d’individu. »

Après s’être ressaisi, Hanaoka réussira le concours des fonctions judiciaires et deviendra juge.

L’esprit de l’égalité de genre est en action dans la production même de cette série TV. En effet, il est labellisé « Fifty-fifty, The Equality project », programme auquel participe la NHK depuis 2021, et qui vise à la parité entre actrices et acteurs dans les productions télévisuelles. Il s’agit d’un programme initié par la BBC, la NHK est la seule japonaise à avoir signé la charte.

Bien que désireux d’épouser Tomoko, Hanaoka la quitte sans déclarer ses sentiments, pour rejoindre son affectation comme juge en province.
Bien que désireux d’épouser Tomoko, Hanaoka la quitte sans déclarer ses sentiments, pour rejoindre son affectation comme juge en province.

Le scénario, qui mêle des développements sérieux à des éléments comiques, et l’actrice principale, Itô Sairi, sont remarquables. À 30 ans, elle est une actrice accomplie, douée pour le jeu sérieux comme pour le jeu comique, comme Kiki Kirin, aujourd’hui décédée, dont elle est une fervente admiratrice (elle a joué par exemple dans Une affaire de famille, de Kore-eda Hirokazu, en 2018).

Bien que devenue avocate, Tomoko ne se voit confier aucune affaire sérieuse, parce qu'elle est une femme. Elle envisage de se marier afin d'acquérir un statut social.
Bien que devenue avocate, Tomoko ne se voit confier aucune affaire sérieuse, parce qu’elle est une femme. Elle envisage de se marier afin d’acquérir un statut social.

Ce qui en fait un chef-d'œuvre de portée historique

Mibuchi Yoshiko, qui est le modèle sur lequel se base le personnage de Tomoko, est une personnalité respectée. Diplômée de la faculté de droit de l’université Meiji, Mibuchi est devenue la première femme avocate et, après la guerre, la deuxième femme juge.

Mibuchi Yoshiko lors de sa nomination à la tête du tribunal des affaires familiales de Niigata. Elle a été la première femme à diriger ce tribunal, le 14 juin 1972. (Jiji Press)
Mibuchi Yoshiko lors de sa nomination à la tête du tribunal des affaires familiales de Niigata. Elle a été la première femme à diriger ce tribunal, le 14 juin 1972. (Jiji Press)

Nommée juge assesseur de la division civile du tribunal d’instance de Tokyo en 1949, elle a été une charnière essentielle dans une décision historique en 1963, touchant les victimes des bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki qui demandaient une indemnisation à l’État. La demande des plaignants fut rejetée, mais le largage des bombes atomiques fut pour la première fois jugé une violation du droit international. À une époque où l’influence des États-Unis sur le Japon était beaucoup plus lourde qu’aujourd’hui, ce jugement n’a considéré aucune inégalité de traitement entre les états. Cette décision a marqué le début d’un effort massif du gouvernement pour venir en aide aux irradiés de la bombe.

L’esprit de Mibuchi Yoshiko est illustré par une phrase qu’elle avait prononcée alors qu’elle était à la tête du tribunal des affaires familiales de Niigata, poste qu’elle avait occupé à partir de 1972 :

« Au tribunal des affaires familiales, on ne traite pas des affaires, on s’occupe de personnes ».

Un personnage historique respecté interprété par l’une des meilleures actrices de sa génération. Je pense que cette série est un chef-d’œuvre et qu’elle marquera l’histoire.

(Toutes les images sont avec l’aimable autorisation de la NHK, sauf mentions contraires.)

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Takahori FuyuhikoArticles de l'auteur

Chroniqueur d’émissions et journaliste. Après avoir rejoint Sports Nippon Shimbun en 1990, il a travaillé comme reporter au département Culture et Société, rédigeant des chroniques généralistes, des critiques de pièces de théâtre et des interviews ; après son départ en 2010, il a travaillé comme rédacteur en chef adjoint du Sunday Mainichi (Mainichi Shimbun Publishing Company). Devient indépendant en 2019.

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