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Dans les coulisses de la série « Tokyo Vice », avec Watanabe Ken et Ansel Elgort

Société Cinéma

La série policière Tokyo Vice, inspirée du livre du même nom et qui présente un portrait saisissant du monde criminel japonais, a reçu la ferveur du public et a été encensée par la critique. La deuxième saison, déjà sortie, semble être à la hauteur de la première. Nous avons rencontré ses deux acteurs principaux Ansel Elgort et Watanabe Ken pour en savoir un peu plus sur leurs personnages et sur le monde dans lequel ils évoluent : Tokyo à la fin des années 1990.

Ansel Elgort Ansel ELGORT

Acteur né en 1994 à New York. Il fait ses débuts en 2013 dans le remake de Carrie de Kimberly Peirce. Il joue également dans le film Nos étoiles contraires (2014) et dans la trilogie de science-fiction Divergente (2014-2019). Il est nominé pour un Golden Globe en 2017 pour son rôle dans Baby Driver d’Edgar Wright.

Watanabe Ken (Tokyo Vice) WATANABE Ken

Acteur né en 1959 dans la préfecture de Niigata. En 1987, il fait ses débuts au Japon en interprétant le rôle du seigneur de guerre Date Masamune dans la fiction historique de la NHK Dokuganryû Masamune (« Masamune le dragon borgne »). Il se fait connaître à Hollywood avec Le Dernier Samouraï (2003), qui lui vaudra une nomination aux Oscars. On le voit également dans des films à succès à Hollywood tels que Mémoires d’une geisha (2005), Lettres d’Iwo Jima (2006) et Inception (2010). En 2005, il est nominé pour un Tony Award pour son rôle dans la comédie musicale Le Roi et moi. Il a également récemment joué dans Fukushima 50 (2020) ou encore The Creator (2023).

Au cœur des bas-fonds de la capitale japonaise

La série policière Tokyo Vice a gagné le cœur de nombreux fans grâce à ses descriptions saisissantes des bas-fonds de Tokyo. Elle met en scène Ansel Elgort, dans le rôle de Jake, un journaliste américain qui couvre les affaires criminelles pour l’un des principaux quotidiens japonais, et Watanabe Ken, alias Katagiri, un détective tenace qui fait équipe avec la police métropolitaine. Les hommes se retrouvent à former un duo, à la poursuite de redoutables malfaiteurs. S’inspirant des mémoires du journaliste américain Jake Adelstein (2009), la première saison a été diffusée en 2022 et une deuxième vient de sortir.

Les deux hommes entretiennent des relations étroites, puisqu’ils parlent chacun dans la langue de l’autre. Nous avons rencontré ce duo plus qu’improbable. Ils ont évoqué leurs personnages respectifs, la société japonaise dans les années 1990 et l’approche de Ansel Elgort pour apprendre le japonais.

Ansel Elgort, alias Jake (à gauche) et Watanabe Ken, dans le rôle de Katagiri (© James Lisle/WOWOW)
Ansel Elgort, alias Jake (à gauche) et Watanabe Ken, dans le rôle de Katagiri (© James Lisle/WOWOW)

Une deuxième saison longuement attendue

À la fin de la saison 1 de Tokyo Vice, les deux personnages se retrouvent dans une situation délicate. Les destins de leurs personnages laissés en suspens, les deux acteurs avaient hâte de reprendre du service.

WATANABE KEN  La nouvelle saison commence exactement où s’était arrêtée la première. Jake a pris du recul sur la couverture des yakuza et Katagiri, mon rôle, a été dépêché sur une autre mission. La continuité du scénario facilite le passage d’une saison à l’autre. Et pour nous aussi, on a eu aucun mal à se glisser à nouveau dans la peau de nos personnages.

Jake envoyé sur une nouvelle mission (© James Lisle/WOWOW)
Jake envoyé sur une nouvelle mission (© James Lisle/WOWOW)

— Comment s’est déroulé le tournage à Tokyo ?

W.K.  La première saison a été tournée pendant la pandémie, ce qui a fait de nous une équipe réellement soudée. Mais à la saison 2, la production est revenue à la normale. Les répétitions étaient à nouveau régulières, tout comme les occasions de rire et de passer de bons moments.

ANSEL ELGORT  Ken m’a beaucoup aidé dans mon apprentissage du japonais. Je lui ai souvent demandé des conseils pour mon texte.

W.K.  Le dialogue alterne entre le japonais et l’anglais, donc on voulait régler le texte le plus tôt possible afin que tout soit prêt pour les caméras. On relisait le script quand on était ensemble et on s’envoyait même des messages pour se poser des questions ou s’envoyer des suggestions.

Jake aux côtés de sa supérieure, la journaliste d’investigation Maruyama Emi (au centre) interprétée par Kikuchi Rinko. (©James Lisle/WOWOW)
Jake aux côtés de sa supérieure, la journaliste d’investigation Maruyama Emi (au centre) interprétée par Kikuchi Rinko. (©James Lisle/WOWOW)

— Passant d’une langue à une autre, comment avez-vous décidé des lignes à lire en anglais et de celle à lire en japonais ?

W.K.  Le créateur de la série J.T. Rodgers avait fait traduire le script si bien que les deux langues étaient déjà prêtes. Certaines répliques devaient être dites en japonais, mais il n’y avait pas vraiment de règle fixe pour décider de quelle langue utiliser. Nous avons cherché un équilibre en organisant les dialogues en blocs en japonais, d’un côté, et en anglais de l’autre. On évitait de semer la confusion chez les spectateurs en passant de façon trop répétée d’une langue à une autre. Et de cette manière, le spectateur n’a pas non plus besoin de lire les sous-titres trop longtemps. Avec le personnage de Katagiri, j’ai eu tendance à me contenter de répliques en japonais, notamment lorsqu’il évoque son passé ou ses sentiments, parce que je trouvais ça plus naturel.

A.E.  Jake parle couramment le japonais donc je me suis dit qu’il l’utiliserait plutôt pour des discussions professionnelles ou d’autres sujets importants. Pour certaines scènes, Ken m’a suggéré d’utiliser plutôt l’anglais que le japonais mais dans la majeure partie, je me suis contenté du japonais.

W.K.  Ansel a vraiment donné tout ce qu’il avait. S’il insistait pour faire une scène en japonais plutôt qu’en anglais, je m’assurais que sa prononciation et son jeu d’acteur étaient irréprochables.

A.E.  Le studio américain a demandé à ce qu’il y ait davantage de dialogues en anglais, mais moi je n’étais pas d’accord. L’histoire se passe au Japon, non ? Au final, on a fait à peu près moitié-moitié.

Satô, le gangster (Kasamatsu Shô) et Samantha, l'hôtesse (Rachel Keller) dans la saison 2 (© James Lisle/WOWOW)
Satô, le gangster (Kasamatsu Shô) et Samantha, l’hôtesse (Rachel Keller) dans la saison 2 (© James Lisle/WOWOW)

— Comment avez-vous étudié le japonais en préparation de la saison 2 ?

A.E.  Je ne suis pas resté longtemps au Japon entre la saison 1 et la saison 2, donc j’ai pris des cours sur Zoom. Disons que mon apprentissage du japonais vient de commencer.

W.K.  Pour ce qui est des langues, on est dans le même bateau. Certains disent que le japonais est plus dur à apprendre que l’anglais mais de ma propre expérience, je pense que c’est le contraire. Dans la série, les dialogues se font en anglais et en japonais. Chaque groupe (la police, les yakuza et les journalistes) utilisent leur propre jargon. Il y aussi des registres de langues (familier ou soutenu), sans oublier la façon de compter en japonais qui est assez complexe.

Ansel a vraiment travaillé dur. Dès qu’on avait une pause d’une semaine dans le tournage, il voyageait au Japon et il parlait avec les gens qu’il rencontrait. Il parlait aussi en japonais sur le plateau et posait des questions à l’équipe sur les mots qu’il ne comprenait pas ou demandait des explications s’il n’arrivait pas à suivre ce qu’ils disaient.

Peu à peu s’installe entre Jake et Katagiri une relation père-fils. (© James Lisle/WOWOW)
Peu à peu s’installe entre Jake et Katagiri une relation père-fils. (© James Lisle/WOWOW)

A.E.  Avec le recul, je me dis que j’aurais dû étudier plus en préparation de la saison 1. Je ne parlais pas un mot à ce moment-là. Je me suis beaucoup amélioré et j’ai même appris à écrire un certain nombre de kanji.

Je voulais sentir l’expérience de vivre au Japon. À un moment donné, j’ai même pris un appartement. À l’intérieur, ça sentait le tatami, j’adorais cette odeur. Je me mettais à genoux dessus pour la respirer. En hiver, il faisait froid mais j’allais aux bains publics pour me réchauffer. L’appartement était situé juste au-dessus d’un bar izakaya. J’y allais de temps en temps pour me détendre et parler avec les gens. J’essayais de m’immerger dans le Japon et dans sa culture autant que je le pouvais.

Akira (Yamashita Tomohisa), personnage récurrent de la série, travaille dans un bar à hôtesses à Tokyo. (© James Lisle/WOWOW)
Akira (Yamashita Tomohisa), personnage récurrent de la série, travaille dans un bar à hôtesses à Tokyo. (© James Lisle/WOWOW)

Une vision peu reluisante de la capitale japonaise

Tokyo Vice nous montre les recoins les plus sombres du Japon. Vous êtes tous les deux producteurs exécutifs de la série. Quelle image du Japon cherchiez-vous à transmettre ?

W.K.  La série se déroule dans les années 1990. C’est une période assez intéressante, mais aussi difficile pour le Japon. La situation économique n’est pas bonne, la société comme les mentalités sont encore bien ancrées dans le passé, ce qui affecte le pays tout entier. Je pense qu’on peut relier un grand nombre de problèmes d’aujourd’hui à cette époque. À mon avis, c’est à ce moment que le Japon a commencé à dévier.

Au lieu de prendre du recul, il a continué à agir comme si de rien était. Et c’est justement avec ce recul qu’on peut reconnaître les erreurs commises en politique, l’influence des éléments anti-sociaux et les tendances à l’origine de l’émergence de sectes dangereuses. Mais à cette époque-là, il n’y avait aucune volonté réelle de mettre en lumière ces questions. Les séries et les films américains, au contraire, abordent largement des sujets controversés, comme la crise des opioïdes. Mais le Japon préfère éviter d’évoquer les problèmes sociaux. Tokyo Vice est une fiction, bien sûr, mais je pense que la série amène une nouvelle approche dans la manière d’explorer les éléments les plus sombres de la société.

A.E.  Les problèmes abordés ne sont pas propres au Japon. Mais le fait que la série se déroule à Tokyo leur donne un nouvel éclairage. C’était la première fois que je venais dans la capitale mais il ne m’en a pas fallu plus pour savoir que la série allait être géniale. Tokyo ne sert pas seulement de scène à l’histoire, elle est un élément central de la série.

Katagiri, détective dévoué et père de famille (© James Lisle/WOWOW)
Katagiri, détective dévoué et père de famille (© James Lisle/WOWOW)

Rien n’est tout blanc ou tout noir

Des personnages tels que Maruyama Emi, journaliste aguerrie et supérieure de Jake, et le jeune Satô, homme de main yakuza, sont aussi présents dans la saison 2. Il y a aussi Hayama Naoki, un gangster de haut rang, qui est également le supérieur de Satô, et Nagata, un détective qui est de pair avec Katagiri, renforçant une équipe déjà conséquente.

— Jake et Katagiri cherchent à faire face aux situations dans lesquelles ils se trouvent mais au final, ils font souvent des erreurs. Comment vos personnages se développent-ils au fur et à mesure de la série ?

W.K  L’élément décisif d’une histoire, c’est l’élément humain. Les différentes personnalités se révèlent petit à petit. On voit les personnages se battre, confrontés à leurs inquiétudes, on les voit aussi prendre du bon temps, tenant le spectateur en haleine. Un bon script doit être capable de vous emmener dans son univers, de vous émouvoir.

Hayama (Kubozuka Yôsuke), un gangster de haut rang qui vient tout juste de sortir de prison. (© James Lisle/WOWOW)
Hayama (Kubozuka Yôsuke), un gangster de haut rang qui vient tout juste de sortir de prison. (© James Lisle/WOWOW)

Nagata (Maya Miki), une détective déterminée à éradiquer le monde des yakuza. (© James Lisle/WOWOW)
Nagata (Maya Miki), une détective déterminée à éradiquer le monde des yakuza. (© James Lisle/WOWOW)

Série inspirée du livre Tokyo Vice : An American Reporter on the Police Beat in Japan, écrit par Jake Adelstein (traduit en français chez Points sous le titre Tokyo Vice).
Série inspirée du livre Tokyo Vice : An American Reporter on the Police Beat in Japan, écrit par Jake Adelstein (traduit en français chez Points sous le titre Tokyo Vice).

A.E.  Les personnages essaient de faire la part entre leur vie professionnelle et privée mais ils n’y arrivent pas. Jake et Katagiri sont à la poursuite de yakuza mais ils comprennent à leurs dépens qu’ils mettent ainsi la vie de leurs proches en danger.

La série ne présente pas une vision manichéenne. Les gangsters commettent des actes condamnables, mais il y en a qui font ce qu’ils peuvent pour survivre, c’est tout. Jake aussi se trouve dans une zone grise du point de vue de la morale, ce qui lui permet de se frayer un chemin dans le monde impitoyable dans lequel il évolue. Il est confronté à divers défis. J’ai pris beaucoup de plaisir à montrer toute la complexité de son personnage.

W.K.  Les personnages évoluent dans une société dépourvue de corollaires moraux qu’on pourrait qualifier de normaux. Dans la série, on voit que quelque chose qui n’est pas « bien » n’est pas pour autant nécessairement « mauvais ». Katagiri n’a pas le choix, il doit faire avec cette ambiguïté morale. Et c’est justement cette lutte qu’il mène qui rend son personnage si attachant.

— Doit-on s’attendre à de grandes surprises dans la saison 2 ?

W.K.  Je ne veux pas en dévoiler trop mais je vous dirai simplement que nous aussi, on a été choqués à plusieurs reprises la première fois qu’on a lu le script. Je pensais que j’avais relativement bien appréhendé l’histoire et avoir plus ou moins une idée de ce qui allait se passer mais c’est au-delà de ce que je m’imaginais. Je pense que les spectateurs apprécieront les nombreuses péripéties qui attendent les personnages.

A.E.  On ne s’ennuie jamais avec Jake. C’est un rôle très agréable à jouer. Les scénaristes ont vraiment fait du bon travail.

W.K.  Honnêtement, je me suis demandé comment on allait jouer certaines scènes mais tout s’est très bien passé. Je pense que les spectateurs vont se prendre au jeu du suspense et regarderont d’une traite les épisodes de la saison 2.

(Interview et texte de Inagaki Takatoshi. Ansel Elgort est coiffé et maquillé par Kin Sachi, Watanabe Ken par Kurata Masaki. Styliste, JB. Vêtements de Brunello Cucinelli. Toutes les photos © Hanai Tomoko, sauf mentions contraires)

(© James Lisle/WOWOW)
(© James Lisle/WOWOW)

Tokyo Vice, Saison 2

Bande-annonce

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