Les « gakkô no kaidan » : comment les histoires d’horreur se sont diffusées dans les écoles du Japon

Société

Des récits de fantômes et de monstres associés aux écoles au Japon, il y en a toujours eu. Mais la popularité du genre est fermement établie avec la parution en 1990 d’un livre présentant notamment le personnage de Hanako, qui apparaît dans les toilettes des établissements scolaires... Comment ces histoires effrayantes, appelées gakkô no kaidan, ont-elles évolué au fil des années et qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Yoshioka Kazushi YOSHIOKA Kazushi

Professeur associé à l’université préfectorale de Yamaguchi. Né en 1981. Il étudie la culture enfantine, notamment les kaidan (histoires effrayantes) à l’école. Son article « Dépasser l’éloge de l’autonomie des enfants : enseignants, élèves et les histoires effrayantes dans les écoles » (Kodomo no shutaisei raisan o koete : Gakkô no kaidan o meguru kyôshi to kodomo) est paru dans « Perspectives sur les enfants : nouvelles recherches sur la sociétés et les enfants » (Kodomo e no shikaku : Atarashii kodomo shakai kenkyû).

Le genre littéraire du kaidan

Les enfants japonais sont friands de récits d’effroi, appelés kaidan, qui se déroulent à l’école, et le genre est même souvent cité dans la culture littéraire japonaise. L’un des personnages les plus connus est celui de Hanako, tirée de l’histoire « Hanako dans les toilettes », bien connue de tous les Japonais depuis les années 1990 .

« Quand le kaidan à l’école est devenu un genre à succès, je n’étais qu’un enfant. J’ai grandi avec ces hstoires d’horreur. Il y avait beaucoup de livres sur le sujet à la bibliothèque de l’école » explique Yoshioka Kazushi, spécialiste en sociologie de l’éducation. « J’ai été invité dans un groupe qui voulait justement vérifier si Hanako était vraiment dans les toilettes ou non... Nous avons parlé de la “Murasaki Babâ”, une sorcière habillée tout en violet et qui apparaissait elle aussi dans les toilettes. »

Le spécialiste se pose la question : « Pourquoi les enfants aiment-ils les histoires qui leur font peur ? ».

« Les recherches sur la culture enfantine s’intéressent rarement au genre du kaidan à l’école, considéré comme peu sérieux. C’est justement ce qui m’a poussé à étudier plus en profondeur la signification de ce type d’histoires pour enfants. »

Yoshioka Kazushi explique que les kaidan à l’école, ou gakkô no kaidan, et les domaines auxquels ils peuvent être reliés se sont peu à peu répandus depuis le Rescrit sur l’éducation de 1872, à l’origine de l’avènement de l’école moderne telle que nous la connaissons aujourd’hui dans tout le Japon. Toutefois, il faudra attendre 1990, avec la publication d’un livre de Tsunemitsu Tôru, spécialiste du folklore japonais, qui établira fermement le genre des kaidan à l’école.

Tsunemitsu Tôru enseignait au collège. Chaque jour, après les cours, il interrogeait ses élèves sur les histoires et les rumeurs qui se répandaient entre eux. Le sujet des gakkô no kaidan revenait fréquemment. C’est ainsi que Tsunemitsu Tôru a commencé à publier une série de livres pour enfants où il présentait Hanako ainsi que d’autres personnages. Les livres rencontrèrent un grand succès, suscitant un nouvel engouement pour le genre.

Hanako dans les toilettes

Dans les toilettes, une voix de femme se fait entendre : Tu veux le papier rouge ou le papier bleu ? Choisis le rouge et tu mourras dans le sang, choisis le bleu et tu mourras avec le visage bleu.

Il s’agit d’un autre célèbre kaidan à l’école. Il en existe de nombreuses versions, telles que celle où la voix demande à ceux qui utilisent imprudemment les toilettes s’ils veulent porter un hanten rouge (sorte de veste). À peine ont-ils le temps de réagir que leurs vêtements se trouvent subitement trempés de leur propre sang.

« Les histoires avec des mains qui sortent des toilettes, il y en a depuis longtemps » explique le professeur Yoshioka. « Et il existe des versions basées sur cette variété particulière, avec des contes où des visages surgissent dans l’eau des toilettes à la japonaise (toilettes où il faut s’accroupir) ou apparaissent lorsque les utilisateurs des toilettes de style occidentale regardent au-dessus d’eux. »

Il semblerait que l’histoire de Hanako ait initialement été dans le style de celles où il est question d’une « main qui sort des toilettes ». L’histoire suivante aurait notamment été contée vers 1948 dans la préfecture d’Iwate (nord-est du Japon).

Dans le gymnase d’une école primaire, un enfant se rend dans la cabine de toilettes numéro 3. « Hanako toilettes numéro 3 » dit une voix. Une main blanche sort alors des toilettes.

Représentation typique du personnage de Hanako (© Pixta)
Représentation typique du personnage de Hanako (© Pixta)

Présentée à l’origine sous la forme d’une simple voix, Hanako a peu à peu pris une apparence bien définie dans les livres pour enfants, les mangas et les animes : une fille avec une coupe au bol, chemise blanche et jupe rouge.

S’il existe de nombreuses versions différentes sur ce que fait exactement Hanako, dans la version originale, quelqu’un frappe trois fois à la porte des toilettes et dit « Hanako-san, tu veux jouer avec moi ? » Elle répond : « D’accord. » et apparaît, entraînant avec elle la personne bien mal avisée dans les toilettes.

Certains enfants qui ont choisi de relever un défi ajoutent des détails basés sur leur propre expérience. « Par exemple, au moment où ils appellent Hanako, on peut entendre un bruit assourdissant d’eau qui coule dans la cuvette ou le grincement lugubre d’une porte. Tout autant d’éléments donnent lieu à de nouveaux changements dans l’histoire » explique Yoshioka Kazushi.

En août 2023, un décor de maison hantée a été recréé de toutes pièces dans une école primaire fermée à Aritagawa, dans la préfecture de Wakayama. Les participants avaient pour mission de récupérer un livre des mains de Hanako et de le rendre à la bibliothèque de l'école. (Photo avec l'aimable autorisation de la ville d'Aritagawa ; affiche de l'auteur de livres pour enfants Yamamoto Takashi)
En août 2023, un décor de maison hantée a été recréé de toutes pièces dans une école primaire fermée à Aritagawa, dans la préfecture de Wakayama. Les participants avaient pour mission de récupérer un livre des mains de Hanako et de le rendre à la bibliothèque de l’école. (Photo avec l’aimable autorisation de la ville d’Aritagawa ; affiche de l’auteur de livres pour enfants Yamamoto Takashi)

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