
La culture pop nippone se mondialise
Otome Road, le lieu « sacro-saint » pour les femmes passionnées de pop culture japonaise
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Le plus grand magasin de produits liés aux animes dans le monde
Lors d’un beau dimanche après-midi en été, de jeunes femmes japonaises, tirant derrière elles des valises à roulettes, débarquent les unes après les autres depuis la sortie est de la gare d’Ikebukuro pour se diriger vers le centre commercial Sunshine City, tout proche. Leurs bagages, s’ils ne sont pas déjà remplis de vêtements de cosplay, sont laissés vides en prévision des virées shopping dans les nombreuses boutiques spécialisées du quartier.
À cinq minutes de la gare, une enseigne bleu ciel présente la succursale principale d’Animate, une boutique spécialisée connue dans tout le Japon pour ses articles d’animes et de mangas. Avec neuf étages et deux sous-sols, ainsi qu’un cinéma et un café, c’est le plus grand magasin de produits liés aux animes dans le monde.
Animate se targue de compter environ 120 boutiques à l’heure actuelle Japon, mais celle d’Ikebukuro a ouvert en premier. Construite en 1983, elle se trouve dans une zone d’Ikebukuro aujourd’hui connue sous le nom d’Otome Road (« la route des demoiselles ») en raison de son association avec les jeunes femmes fans d’animes. Son ouverture a coïncidé avec la diffusion télévisée de deux séries animées majeures, Captain Tsubasa (Olive et Tom) et Magical Angel Creamy Mami, et le magasin s’est progressivement agrandi à mesure que les dessins animés ont gagné en popularité. Animate a déménagé à son emplacement actuel en 2012 et a célébré son quarantième anniversaire en 2023 avec une grande cérémonie d’ouverture à la suite de des travaux de rénovation.
Le magasin Animate d’Ikebukuro, récemment rénové. De nombreux clients impatients choisissent d’ouvrir leurs nouveaux achats dans le parc Naka-Ikebukuro, que l’on peut voir en arrière-plan.
Animate se situe dans une partie d’Ikebukuro qui abrite de nombreuses installations culturelles, dont le Toshima Civic Center situé juste à côté. En 2020, Hareza, un bâtiment comprenant huit théâtres où l’on peut voir des spectacles de kabuki, de la revue Takarazuka (célèbre compagnie de théâtre exclusivement composée de femmes célibataires), des films et d’autres spectacles, a ouvert ses portes. L’établissement fait partie d’un projet urbain visant à transformer cette zone en un centre international pour l’art et la culture, réalisé en partenariat entre des entités publiques et privées. Les rénovations du magasin Animate en font partie.
À tout moment de la journée, des femmes de tous âges vêtues de perruques colorées et de tenues de cosplay, portant des sacs à main ita richement décorés avec des boutons et des badges de leurs personnages d’anime préférés se font voir le long des rues du quartier. Le parc Naka-Ikebukuro, qui était autrefois un lieu dans lequel les rabatteurs essayaient d’attirer les clients vers des boutiques peu recommandables, est aujourd’hui devenu un lieu de rassemblement pour les otaku de manga et d’animes qui montrent fièrement leurs derniers achats. Le quartier a radicalement changé au cours des vingt dernières années , et ses habitants disent souvent en plaisantant que « les otaku ont permis de nettoyer Ikebukuro ! ».
Chaque étage d’Animate est dédié à différents types de produits, allant des articles audiovisuels classiques tels que les CD et DVD aux produits dérivés de personnages et aux mangas. La dernière allée à avoir ouvert dans le magasin, située au troisième étage, est l’une des sections les plus populaires parmi la clientèle féminine : près des quatre cinquièmes de l’espace sont occupés par des bandes dessinées et des romans de boys’ love (BL) un genre littéraire dont les intrigues tournent autour de relations homosexuelles masculines et destiné à un lectorat féminin.
Le BL est généralement relégué dans des coins isolés des librairies généralistes, mais chez Animate, ces ouvrages sont fièrement mis en avant, et les clients peuvent parcourir les titres sans se sentir gênés.
Selon une de mes amies, une kifujin autoproclamée (une femme de plus de 30 ans fan de boys’ love), le BL se fait plus « multiculturel » ces dernières années. Les œuvres étrangères ont récemment gagné en popularité au Japon, comme en témoigne l’augmentation de la demande pour certains articles bien particuliers tels que les fanbooks du drama thaïlandais 2gether et les recueils de photographies et les versions animées du roman chinois Mo Dao Zu Shi (« Le Grand maître de la Cultivation Démoniaque : Mo Dao Zu Shi »). La « fièvre BL », qui n’était au départ qu’un plaisir coupable pour les otaku japonaises, est aujourd’hui devenue un véritable pilier du monde du divertissement à travers toute l’Asie.
Les cosplayeurs se fondent dans la masse à la sortie de l’Animate d’Ikebukuro.
Le nuikatsu ? Le nuimama ?
Les otaku se sont longtemps tenus à l’écart de la société, évoluant au sein de leurs propres cercles et développant une culture bien distincte, jusqu’à développer leur propre jargon pour décrire leurs intérêts. Par exemple, les fans de BL de moins de 30 ans s’identifient par le terme péjoratif de fujoshi (littéralement « filles pourries »). Mais tous ces passionnés ont désormais gagné une plus large acceptation dans la société, ce qui leur permet désormais d’afficher ouvertement leur fierté d’être fans de personnages d’animes et d’autres icônes de la culture populaire.
Ces otaku partageant les mêmes centres d’intérêt ont commencé à se rassembler dans des zones de la ville dotées de théâtres et de salles de spectacles, et aujourd’hui, il est courant de voir ces fans exhiber des versions en peluche de leur personnage, idole ou acteur préféré, une pratique connue sous le nom de nuikatsu (contraction de nuigurumi signifiant « peluche », avec le mot katsu qui prend le sens de « activité »). Les nuimama (« mamans de peluche ») sont connues pour prendre des photos avec leurs poupées, qu’elles appellent leurs « enfants », qu’elles publient ensuite sur les réseaux sociaux afin de créer un historique des différents endroits qu’elles ont visités ensemble.
De nombreux otaku apprécient ces scènes amusantes où les nuimama se blottissent contre leurs poupées comme si elles étaient en rendez-vous. Saisissant cette tendance, les établissements ayant trait à la culture pop ont commencé à accueillir les visiteurs pour des événements de nui-dori, des séances photo avec des peluches. Des vêtements et des articles décoratifs conçus pour les poupées sont disponibles dans de nombreux magasins discount à 100 yens, illustrant le marché en plein essor du nuikatsu qui se fait de plus en plus grand public.
La section des peluches du magasin Yuzawa (dédié à l’artisanat et aux hobbies) situé au sein du centre commercial Wacca d’Ikebukuro. Une large sélection de tissus et de costumes permet aux fans de recréer fidèlement le style de leurs personnages préférés.
Ayant appris que le magasin Yuzawa, dédié à l’artisanat et aux hobbies, était l’endroit à visiter pour le nuikatsu à Ikebukuro, je me suis rendu à Wacca, un centre commercial situé en face de l’Animate Ikebukuro. Au troisième étage, près de l’ascenseur, on peut voir un panneau indiquant « les peluches préférées des fans ». J’ai vu une grande variété d’objets en vente : des tissus colorés appelés nui pour la confection de costumes et de peluches, des yeux en plastique et d’autres éléments pour le visage, ainsi que des livres sur les techniques de couture et de fabrication. Tout ce dont les otaku ont besoin afin de matérialiser leur amour pour leur personnage préféré sous la forme d’une petite poupée mignonne est ici à leur disposition.
Les costumes de différents personnages célèbres sont présentés à côté des tissus et des autres outils nécessaires à la fabrication d’une grande variété d’accessoires.
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