SpoGOMI : le Japon paré pour la Coupe du monde de ramassage de déchets
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Le « plus éco-responsable des sports » peut être pratiqué en famille, de 7 à 77 ans
« Eh, j’ai trouvé un mégot ! »,
s’exclame un petit garçon, content comme s’il venait de déterrer un trésor. Nous étions le 27 mai 2023 aux éliminatoires de la préfecture de Saitama, près de Tokyo, en phase préparatoire du championnat du monde de SpoGOMI.
Le SpoGOMI est une compétition de ramassage de déchets qui a vu le jour au Japon en 2008. Des équipes composées de trois à cinq personnes ramassent des déchets dans une zone donnée, durant un temps imparti. L’événement pouvant avoir lieu en zone urbaine, il est strictement interdit de courir. Une fois le temps écoulé, les déchets sont triés puis pesés et un score est attribué. Il s’agirait du « plus éco-responsable des sports », puisqu’il permet de nettoyer le site de la compétition.
Il faut savoir que les règles peuvent changer légèrement selon les compétitions, et le nombre de joueurs par équipe et le score attribué pour chaque type de déchet notamment sont variables. Pour le championnat du monde, dont les qualifications régionales se déroulent actuellement, les équipes comptent trois personnes et le temps imparti est d’une heure. Les déchets incinérables ou non donnent chacun un score de 10 points par 100 grammes, les bouteilles en verre et canettes 12 points, les bouteilles en plastique 25 points et le score le plus élevé va aux mégots avec 100 points.
Certes, une certaine endurance est nécessaire pour ne pas se relâcher avant la limite de temps, mais un bon score peut facilement être obtenu en étant le plus tacticien, à savoir se concentrer sur les cigarettes et les bouteilles en plastique qui donnent le plus de points.
Le parc d’Ômiya, site choisi pour l’épreuve éliminatoire de Saitama, a surpris les participants tant il était bien entretenu. Il n’y avait pratiquement aucun déchet au sol, et pourtant, la quantité totale ramassée par les 23 équipes a atteint les 37,47 kg !
Les « Clean men B » ont remporté l’édition, cette équipe composée de trois cols blancs a collecté à elle seule 10,71 kg, décrochant un score de 1 130,9 points. Ces trois hommes qui ensemble font souvent du ramassage de déchets dans leur quartier expliquent : « Les détritus se cachent souvent dans des endroits peu visibles. La stratégie consistant à nous concentrer sur des zones plantées d’arbres a fait mouche. »
Ceux qui ont déjà fait du ramassage ne jettent plus à tort et à travers
Le SpoGOMI est une idée de l’association « Initiative sportive » qui organise l’événement depuis 2008. Doubler le ramassage des déchets d’une dimension sportive permet à la fois d’effectuer une activité physique et de sensibiliser au civisme de manière ludique.
Depuis 2019, le SpoGOMI Kôshien (en allusion au grand tournoi de baseball des lycéens) est organisé en collaboration avec le « Sea and Japan Project » de la Nippon Foundation qui travaille à réduire la masse de déchets sur le littoral de l’archipel. Les lycéens qui remportent les épreuves régionales se qualifient pour la compétition nationale très disputée se déroulant à Tokyo. À ce jour, ce championnat a attiré plus de 130 000 participants.
En novembre 2023, la première Coupe du monde de SpoGOMI aura lieu à Tokyo avec des équipes venant de 21 pays. Les épreuves de qualification sont en cours dans 47 préfectures du Japon, ainsi qu’à l’étranger.
Lors de la conférence de presse de février 2023 annonçant la tenue de l’événement, Sasakawa Yôhei, le président de la Nippon Foundation, a expliqué que « 70 à 80 % des déchets du littoral proviennent des villes et voyagent sur les cours d’eau puis en mer avant de s’échouer. ». Il espère que la diffusion du SpoGOMI permettra de résoudre ce problème mondial et réduire le nombre de déchets échoués sur les plages.
Matsuda Takeshi, ancien nageur et ambassadeur de l’événement, déclarait lors de son allocution en soutien à la cause : « J’ai entendu dire que se mettre à ramasser les déchets, faisait qu’on arrête de jeter à tort et à travers. Bien sûr, l’importance du développement durable est maintenant connue de tous, mais on ne sait jamais trop quoi faire concrètement, au quotidien. Ramasser est un premier pas, et puis c’est fédérateur. Tous, sans considération de sexe ou d’âge, peuvent le faire en s’amusant, l’impact est considérable. ».
Quand la plage est brûlante, une bonne stratégie est la clef du succès
Lors des qualifications de Shimane, le 18 juin sur la plage d’Izumo Kirara, l’engouement se lisait sur les visages des concurrents.
Les qualifications d’octobre qui permettront de désigner l’équipe représentant le Japon se dérouleront à Tokyo. Or, chaque équipe ayant remporté un éliminatoire au niveau régional pourra se rendre dans la capitale aux frais des organisateurs. Ainsi, plus les concurrents sont basés loin de la capitale, plus grande est la motivation…
Mais dès que la compétition commence, tous se concentrent et reprennent un air sérieux. La plage, magnifique au premier abord, est jonchée de bouteilles en plastique et d’accessoires de pêche rejetés par la mer. De plus gros déchets, des bidons en PEHD et des caisses en polystyrène se cachent dans les digues, coincés entre les blocs. Le site de la compétition est en plein soleil, une plage de sable d’un kilomètre de long très peu ombragée.
Les membres de chaque équipe doivent travailler de conserve sans s’éloigner de plus de 10 mètres. Plus on s’écarte moins les rivaux sont nombreux, mais les allers et retours après collectes sont épuisants et chronophages. Or, si les concurrents ne peuvent pas revenir au quartier général de l’épreuve dans le temps imparti, ils ont des pénalités. Une bonne stratégie est indispensable pour se hisser aux premières places.
Une plage pourtant si propre au premier coup d’œil...
Les 25 équipes ont sué à grosses gouttes et finalement collecté un total de 210,47 kg de déchets, rien que ça ! Les organisateurs de l’événement ont déclaré : « Comment pourrions-nous seulement nous réjouir qu’autant de déchets aient été ramassés, ce record de plus de 200 kilos est comparable à une collecte au milieu du quartier de Shinjuku. Je pense que les concurrents ont fait du très bon travail sur cette plage qui semblait pourtant si propre au premier coup d’œil. »
Les gagnants sont une équipe d’amis d’enfance originaires de la ville de Matsue, avec plus de 40,86 kg d’écart ils se classent loin devant les deuxièmes. Les trois amis, qui affirment toujours essayer de ne pas jeter n’importe comment racontent : « C’est la première fois que nous faisions du ramassage de déchets, les transporter était difficile et assez pénible. Vraiment, il ne faut pas jeter dans la nature. » « Nous sommes bien déterminés à remporter la compétition nationale à Tokyo, nous voulons représenter Shimane, le Japon et battre les équipes étrangères. »
Dans les éliminatoires à l’international, chaque pays est singulier
À l’étranger également les qualifications ont suscité l’enthousiasme. Les équipes se disputent la chance d’aller à Tokyo, mais chacune voit la compétition à sa manière et selon les pays, les gagnants ont des profils très différents.
Certes, partout dans le monde, on ramasse les déchets, mais les critères de tri des ordures ménagères et les méthodes de collecte diffèrent d’un pays à l’autre. Pour l’équipe du Viêt Nam, où la culture du tri des ordures ménagères n’est pas implantée, la lecture attentive du manuel s’est imposée et les participants se sont habitués au tri à la japonaise. Beaucoup de jeunes ont d’ailleurs déclaré qu’ils ignoraient que nombre de déchets pouvaient être recyclés et que c’était « la première fois » qu’ils apprenaient à regarder les ordures comme des potentielles ressources.
En Indonésie, le nombre de « banques de déchets » a augmenté rapidement ces dernières années. Il s’agit d’un système permettant que les déchets apportés par les citoyens soient vendus à des entreprises de recyclage pour dégager des bénéfices. Les donateurs se voient distribuer un livret bancaire dédié où ils perçoivent d’encourageantes rétributions et les ménages prennent mieux conscience de la nécessité de trier les déchets.
Les trois concurrentes qui ont remporté les qualifications indonésiennes travaillent à la banque des déchets. Pour elles, participer est une « excellente occasion de sensibiliser les populations aux questions environnementales », elles ont mis à profit leur savoir-faire pour remporter la compétition.
Les médias du Brésil, où le football est roi, se réfèrent toujours à un autre sujet lorsqu’ils présentent le championnat du monde de SpoGOMI : ils en profitent pour rappeler l’exemple des supporters japonais collectant les déchets dans les tribunes de la Coupe du monde et des Jeux olympiques. « Participer au SpoGomi, c’est une chance de découvrir ce pan merveilleux de la culture japonaise », arguent-ils pour attirer les concurrents.
L’équipe qui a remporté les qualifications brésiliennes était composée de trois jeunes hommes forts qui s’étaient « entraînés dur pour remporter le SpoGOMI ».
Chaque équipe nationale à ses caractéristiques. Partout les tranches d’âges, la composition par genre et les milieux sociaux diffèrent. Ce défi original permet réellement à tous de participer sans distinction. Comment réagira l’équipe japonaise face à des rivaux si divers ? Rendez-vous en novembre !
(Reportage et texte de Hashino Yukinori, de Nippon.com. Photos de Nippon.com, sauf mentions contraires.)