Scandale sexuel dans le monde de la J-Pop : la BBC aide à lever les tabous

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La diffusion en mars 2023 du documentaire de la BBC intitulé : « Prédateur : le scandale secret de la J-Pop », a mis en lumière les zones cachées de l’industrie japonaise du divertissement : les abus sexuels de jeunes stars de boys bands par le producteur Johnny Kitagawa, que les médias japonais n’ont que très peu évoqués pendant des décennies. Nous nous sommes entretenus avec la réalisatrice Megumi Inman sur la façon dont ce documentaire a été conçu, ainsi que sur les changements qu’il a provoqué au Japon.

« Au Japon, on ne parle pas des abus sexuels entre hommes »

De manière frappante, seule l’un des quatre anciens membres de Johnny and Associates que Megumi a interviewé semble reconnaître que sa relation avec Kitagawa relevait de l’abus sexuel.

« Ce qui est vraiment difficile avec les violences sexuelles sur mineurs, c’est qu’elles vous arrivent alors que vous n’êtes qu’un enfant. Dans le cadre de l’affaire Kitagawa, cela concerne des garçons qui n’avaient jamais eu d’expériences sexuelles auparavant. Au Japon, on ne discute pas vraiment des viols, et encore moins des abus sur enfants. Je pense qu’il devient donc très difficile de reconnaître ou de comprendre l’expérience d’une victime. »

Les abus sexuels entre hommes sont, selon ses dires, particulièrement peu abordés au Japon. « Je pense que certains Japonais ne savent même pas que cela peut arriver, ce qui est un peu fou. Mais je crois que cela montre surtout à quel point le pays est en retard sur les questions LGBT. La société japonaise étant encore très homophobe, les hommes subissant des abus ne sont pas reconnus comme des victimes de quelque manière que ce soit. Les gens ne parviennent pas à en parler parce que c’est vu comme quelque chose de honteux. »

Les médias japonais ont fermé les yeux

Comme le souligne Megumi, les médias japonais savaient bien qu’il y avait eu un procès en diffamation affirmant que Johnny Kitagawa abusait sexuellement de garçons, mais ils ont choisi de fermer les yeux. Bien que certaines grandes organisations médiatiques japonaises aient désormais rapporté les témoignages des victimes, il n’y a pas eu la tempête médiatique que l’on aurait pu attendre, compte tenu du profil de l’entreprise Johnny and Associates.

« Les médias n’ont rien fait à ce sujet pendant plus de 20 ans. Mais ils font également partie de cette histoire, n’est-ce pas ? Et c’est une critique que nous avons beaucoup retrouvée sur les réseaux sociaux : pourquoi les médias japonais n’en ont-ils pas parlé ? Pourquoi a-t-il fallu qu’un média étranger en parle ? »

Megumi se félicite que Julie Fujishima ait communiqué publiquement sur la situation et salue les reportages réalisés par Shûkan Bunshun à la suite de la diffusion du documentaire ce printemps. « Nous avons réussi à maintenir cette histoire en vie dans la discussion publique. Je suis tellement reconnaissante et fière des jeunes hommes qui ont parlé depuis. Le résultat aurait bien pu n’être qu’un silence assourdissant, comme en 1999. Je suis vraiment heureuse que les choses aient tourné différemment cette fois.

Cela a conduit à une situation où l’on parle de changer les lois sur la protection de l’enfance. Le terme « grooming » fait désormais partie du débat public. Ce n’était pas un mot qui existait dans la langue japonaise, mais c’est maintenant quelque chose que les gens essaient d’appréhender... pour mieux comprendre comment les prédateurs manipulent et contrôlent leurs victimes. »

Le Japon n’en est toutefois, à son avis, qu’à ses débuts : « Il y a encore tellement de travail à faire. Il est nécessaire de faire une investigation indépendante sur Johnny and Associates, mais aussi sur toutes les relations entre les médias qui ont entouré et protégé cette agence pendant des décennies. »

(Photo de titre : Okamoto Kauan, à droite, et Hashida Yasushi, deux anciens membres de l’agence d’idoles masculines Johnny and Associates, s’expriment au parlement japonais après une audience avec des membres du Parti démocrate constitutionnel du Japon, le 16 mai 2023. Jiji)

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