Entreprises made in Nippon

De l’art et de la mécanique : rencontre avec un grand nom du moto custom, Nakajima Shirô

Technologie Personnages

Kôno Tadashii [Profil]

Nakajima Shirô fabrique des motos pas comme les autres. C’est le moins qu’on puisse dire puisque chaque engin est unique, répondant aux besoins de ses clients aficionados des deux roues. Et son souci minutieux pour le détail a fait de lui l’un des meilleurs artisans dans son domaine. Nous lui avons rendu visite dans son atelier 46works, dans la campagne de la préfecture de Yamanashi, l’occasion pour lui de nous parler de l’esthétique des motos qu’il crée. Fonctionnelles, bien sûr, mais également d’une beauté exquise.

Des modèles uniques

Dans le milieu des motos personnalisées, plus besoin de présenter Nakajima Shirô. Depuis son entrée dans cet univers très fermé, sa réputation en tant qu’artisan dans la transformation de deux roues venant d’Europe l’a propulsé au sommet de son domaine. Dans son atelier 46works, au pied de la chaîne de montagnes Yatsugatake dans la préfecture de Yamanashi, il s’adonne à sa passion, loin du brouhaha urbain, passant des mois entier à assembler et à entretenir ses mille et une créations.

Vous êtes intéressé ? Alors envoyez-lui tout simplement un e-mail (il faut savoir que le numéro de téléphone et l’adresse sont gardés secret afin de minimaliser les distractions). Mais attention, Nakajima Shirô ne fait pas de réparations d’ordre général. Non, il réserve son expertise et sa créativité pour des projets de plus grande envergure. Il n’est certes pas la personne la plus facile à joindre, loin de là. Mais cela ne l’a pas empêché d’organiser une exposition offrant une vue de première main sur son savoir-faire. Pendant dix jours, l’exposition Zenkai ka ina ka (Plein gaz ou rien), qui a eu lieu dans une galerie à Tokyo, a attiré plus de 2 000 visiteurs venus des quatre coins de l’Archipel. Ils ont pu admirer cinq de ses créations.

L'exposition présentait des motos issues d’une collection privée fabriquées de toutes pièces par Nakajima Shirô.
L’exposition présentait des motos issues d’une collection privée fabriquées de toutes pièces par Nakajima Shirô.

Ce qui a d’abord fait connaître Nakajima Shirô, c’est Ritmo-Sereno, un atelier de personnalisation de motos qu’il a créé à Tokyo en 2001. Lui et toute son équipe fabriquaient et vendaient des pièces d’origine et travaillaient sur des commandes semi-personnalisées, tout en proposant des services de mécanique générale. Cependant, au fur et à mesure que l’atelier se développait, Nakajima Shirô a compris qu’il ne pouvait pas jouer sur tous les tableaux. Les affaires exigeaient une plus grande concentration de sa part, ce qui lui laissait de moins en moins de temps pour construire des motos. « J’ai dû m’arrêter et me demander ce que je voulais vraiment faire » confie Nakajima Shirô. « C’est là que j’ai décidé de me concentrer sur le custom. »

Il laisse donc son atelier entre les mains non moins expertes de son personnel et raccroche sa blouse 2014... Oh mais pas pour longtemps. Il ouvre un nouvel atelier, préférant cette fois-ci le calme de la campagne de Yamanashi, loin des bruits de la ville.

L'atelier 46works de Nakajima Shirô à l'ombre du massif de Yatsugatake. À droite, une Alpha Romeo datant de 1970, l'un de ses nombreux autres projets de personnalisation (© Fuchi Takayuki)
L’atelier 46works de Nakajima Shirô à l’ombre du massif de Yatsugatake. À droite, une Alpha Romeo datant de 1970, l’un de ses nombreux autres projets de personnalisation (© Fuchi Takayuki)

Des pièces et des outils soigneusement collectés par Nakajima Shirô au fil des ans tapissent coins et recoins de l'atelier (© Fuchi Takayuki)
Des pièces et des outils soigneusement collectés par Nakajima Shirô au fil des ans tapissent coins et recoins de l’atelier (© Fuchi Takayuki)

Bousculer les codes

Lorsque Nakajima Shirô s’est lancé dans la fabrication de motos, pour les jeunes, la personnalisation de tels engins allait à l’encontre de la culture. Non, c’était l’époque des Harley-Davidson « choppers », rendues célèbres par le film Easy Rider, des motos de fabrication britannique et des scooters italiens d’époque appréciés par les Mods et les Rockers de Quadrophenia.

Nakajima Shirô a pourtant choisi de s’intéresser aux constructeurs européens, plus particulièrement les modèles classiques BMW et Moto Guzzi des années 1970 et 1980. En utilisant des techniques et des matériaux, eux bien contemporains, il a construit des machines qui offraient vitesse, confort et performances. Bien sûr, tout en préservant leur aspect rétro et la sensation qu’ils dégagent une fois en selle. Cette nouvelle combinaison alliant rétro et nouveau a fermement établi Nakajima Shirô dans le monde du moto custom.

La BMW R100RS Café Racer 1991, avec la touche personnelle de Nakajima Shirô. (©Nakajima Shirô)
La BMW R100RS Café Racer 1991, avec la touche personnelle de Nakajima Shirô (©Nakajima Shirô)

La Moto Guzzi Le Mans 1000 de 1987 customisée par Nakajima Shirô (© Nakajima Shirô)
La Moto Guzzi Le Mans 1000 de 1987 customisée par Nakajima Shirô (© Nakajima Shirô)

Nakajima Shirô est véritablement adulé par les fans de motos quels qu’ils soient, ses « œuvres » faisant régulièrement le buzz sur Internet et les réseaux sociaux. Des constructeurs eux-mêmes comme BMW, qui s’est intéressé à lui, pour lui proposer un projet spécial afin de marquer le 90e anniversaire de la division moto du constructeur allemand, Motorrad. Rien que ça !

L’entreprise a réuni Nakajima et d’autres grands noms du moto custom japonais pour donner une nouvelle vie au roadster R nineT classique de la marque allemande, et le projet a eu un impact énorme dans le secteur. Nakajima en a impressionné plus d’un avec sa contribution : le « Club Racer » version léger et fonctionnel.

Le « Clubman Racer » de Nakajima Shirô brille par sa simplicité. (© Takayanagi Ken/BMW Motorrad)
Le « Clubman Racer » de Nakajima Shirô brille par sa simplicité. (© Takayanagi Ken/BMW Motorrad)

Nakajima Shirô confie avoir d’abord été attiré par les modèles BMW et Moto Guzzi pour leurs performances et leurs conceptions de moteurs uniques. « Ce sont d’excellents engins avec lesquels travailler » explique-t-il. « Je ne fais que construire sur de la qualité qui existe déjà. » Il s’agit généralement d’augmenter les performances du moteur, de remplacer les composants extérieurs lourds par des matières plus modernes et plus légères (un engin léger sera toujours plus facile à conduire) et d’améliorer le confort et la sécurité avec une suspension haute performance et un système de freinage lui aussi amélioré. Mais il insiste sur le fait que dans le cas de la fabrication d’une moto, c’est-à-dire depuis le début, cela n’a jamais été son style d’ajouter des éléments dans le but de « rouler des mécaniques ». Au contraire, il a toujours à cœur de « donner un résultat qui corresponde aux demandes et aux attentes de la personne qui commande la moto », ajoutant qu’une « moto customisée dans son atelier 46works est toujours une machine unique ».

Lui-même coureur expérimenté ayant remporté plusieurs titres, Nakajima Shirô a perfectionné sa technique autant sur les pistes que dans son atelier. L’asphalte, c’est justement l’endroit où il teste ses nouvelles idées tout comme les machines qu’il construit. Il affirme qu’en moto custom, il n’y a pas de bonnes réponses. Ce sont les performances de la machine sur la piste qui vous diront si oui ou non, ce que vous avez fait tiendra la route. Comme le dit lui-même Nakajima Shirô, gagner, « c’est la seule preuve dont vous avez besoin ».

Nakajima Shirô sur une moto BMW qu'il a lui-même customisée lors d’une course de moto rétro. (© Nakajima Shirô).
Nakajima Shirô sur une moto BMW qu’il a lui-même customisée lors d’une course de moto rétro. (© Nakajima Shirô)

Cette BMW R80 Racer construite par Nakajima en 2006 alors qu'il travaillait à Ritmo-Sereno a été la première à utiliser des pièces modernes. L’engin a fait couler beaucoup d’encre dans le monde du moto custom, tant par sa beauté que sa vitesse. (© Nakajima Shirô)
Cette BMW R80 Racer construite par Nakajima en 2006 alors qu’il travaillait à Ritmo-Sereno a été la première à utiliser des pièces modernes. L’engin a fait couler beaucoup d’encre dans le monde du moto custom, tant par sa beauté que sa vitesse. (© Nakajima Shirô)

Suite > De passion en passion, jusqu’à la moto

Tags

technologie transport entreprise personnalité entreprenariat Yamanashi moto

Kôno TadashiiArticles de l'auteur

Rédacteur indépendant. Il a travaillé dans le service d’édition d’un magazine de moto. Actuellement, il écrit pour des magazines de mode et d’information, ainsi que pour plusieurs supports papier consacrés aux motos. Toujours à l’affût des dernières tendances, il se rend régulièrement à des salons et écrit fréquemment des articles sur les motos customisées au Japon et à l’étranger.

Autres articles de ce dossier