Exploration de l’histoire japonaise

« Seppuku » : le sang-froid du guerrier devant la mort, ou une esthétique de l’honneur ?

Histoire Tradition

Le rituel fatal du seppuku, ou le suicide par éventration, est un acte bien connu qu’accomplissaient les samouraïs. Après une bataille, les vaincus choisissaient parfois de se tuer pour montrer leur sang-froid devant la mort. Même sur ordre, il y avait un point d’honneur à accepter de s’ouvrir le ventre de son plein gré. Mais derrière l’image classique du seppuku se cache une vérité que les gens d’aujourd’hui ne connaissent pas.

Les raisons qui conduisent au seppuku ont évolué au fil du temps

Des missionnaires chrétiens hollandais de l’époque ont constaté cette pratique du seppuku pour « prendre la responsabilité ». Ainsi, quand ils décrivent la société japonaise dans leur pays, ils rapportent : « Ils s’ouvrent souvent le ventre d’une manière terrible et un courage rare, et [les gens] ont la plus grande sympathie envers eux ». (Extrait de L’Histoire du Japon de Montanus, publié aux Pays-Bas en 1669)

Le suicide étant proscrit dans le christianisme, en particulier dans le catholicisme, les Européens de l’époque ne pouvaient pas comprendre que les Japonais honorent ceux qui se suicidaient et montrent de la sympathie à leur égard.

Encore à la fin de l’époque d’Edo, en 1868, 11 membres du clan Tosa ont commis le seppuku pour le meurtre d’un marin français. L’officier supérieur commandant du détachement de l’armée française a assisté à la scène. Il a jugé cette coutume grotesque.

L’Occident a critiqué ce qu’il nommait « hara-kiri » (autre appelation plus familière et moins usitée que seppuku ; les deux expressions voulant littéralement dire « se couper le ventre »). Nitobe Inazô a réfuté ces critiques. Dans son livre Bushido, la voie du samouraï, il souligne que c’est un honneur pour un guerrier japonais « d’expier ses fautes, de s’excuser pour ses erreurs, de s’épargner la honte, de racheter ses alliés ou de prouver son intégrité ».

Cependant, il faut reconnaître que la pratique du seppuku avait évolué depuis la fin de la période des Provinces combattantes et l’avènement d’un monde plus pacifique. Ce n’était plus une vertu ou un honneur.

Voyons comment les choses ont évolué.

Au début de l’époque d’Edo (début du XVIIe siècle), le seppuku était considéré comme une forme de jugement kenka ryôseibai, c’est-à-dire « dans une bagarre, les deux sont coupables ». Par exemple, si deux membres de deux clans différents se disputaient et que l’un tirait son sabre et blessait l’autre, les deux étaient également coupables et on leur ordonnait à tous les deux de se faire seppuku.

En clair, autant celui qui porte atteinte à l’intégrité physique d’un samouraï sans discernement que celui qui porte la honte d’avoir été blessé sont condamnables. Le professeur Yamamoto Hirofumi affirme qu’à partir de cette époque, le seppuku visait essentiellement à « maintenir la fiction du guerrier-combattant ».

Puis cette règle est devenue floue.

Un subordonné dit du mal de son supérieur ? Ce dernier s’en plaint au metsuke (un « surveillant », qui fait office de juge des litiges éthiques entre samouraïs). Le service du metsuke examine la plainte et condamne le subordonné fautif, et lui seul, au suicide par seppuku. Cet incident s’est produit en 1623 dans le Kojunin-gumi, l’unité de garde du château shogunal d’Edo.

En fonction de leur grade, les guerriers qui pénétraient dans certaines zones de ce château devaient descendre de cheval et avancer à pied. Or des samouraïs qui ont négligé de descendre de cheval tout à fait involontairement, par ignorance des limites de la zone, ont été contraints de se faire seppuku.

Autrement dit, le seppuku a de plus en plus été utilisé comme outil de maintien de l’ordre et plus du tout comme règle d’honneur.

Sans doute l’éthique japonaise qui consiste à ne pas demander de comptes à ceux qui se suicident et à ceux qui meurent leur évitait la stigmatisation posthume. Cependant, on les a contraints à la mort pour une simple mauvaise parole, pour le fait qu’ils soient descendus ou non de leur cheval. Était-ce vraiment une question d’honneur, comme le dit Nitobe ?

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