
La modernité de l’esthétique traditionnelle
Le charme de la véranda japonaise « engawa » : la sélection d’une passionnée
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L’engawa est une véranda japonaise en bois séparant l’espace de vie intérieur de l’extérieur, une sorte de plateforme intermédiaire entre le dedans et le dehors. Son origine remonte à l’époque de Heian (794-1185), elle permettait aux nobles de se déplacer d’un bâtiment à l’autre tout en restant abrités. Son histoire en tant qu’élément commun dans les maisons ne commence néanmoins il n’y a qu’un siècle environ.
On distingue généralement deux types d’engawa : nure-en, ouverte sur l’extérieur, et kure-en, pour la version fermée. Elles présentent toute les deux des similarités avec un couloir, et c’est cette utilisation ambiguë qui est à l’origine de leur déclin ; les constructeurs leur préférant des éléments plus pratiques.
Durant la croissance économique rapide d’après-guerre, le prix du terrain a augmenté et les logements tels que les condominiums se sont multipliés, réduisant la taille des maisons individuelles. L’espace de vie diminuant, la maison familiale a dû faire la part des choses et utiliser le peu de place disponible pour l’essentiel tel que la cuisine, le salon ou encore la salle de bain et les toilettes. La nécessité de la présence d’une engawa, par contre, posait question. Elles ont finalement vu leur nombre chuter depuis, pour progressivement disparaitre de la conception des maisons japonaises.
Je suis née pendant l’ère Heisei (1989-2019) et j’ai grandi dans un appartement à Tokyo, je n’ai donc eu que peu d’occasions de voir des engawa en étant enfant. Pour moi, elles étaient des reliques du XXe siècle, une architecture qu’on pouvait retrouver dans une œuvre des studios Ghibli ou encore dans un épisode du dessin animé Sazae-san.
C’est une visite dans l’un des trois plus beaux jardins du Japon, le Kairaku-en, à Mito, qui a fait de moi une amoureuse de cet élément traditionnel, plus précisément au moment où je me suis assise sur l’engawa du Kôbuntei, la villa de vacances du seigneur local d’antan, Tokugawa Nariaki, contemplant la vue d’ensemble du jardin. Et ma passion pour les engawa n’a jamais cessé depuis !
L’engawa du Kôbuntei, au sein du jardin Kairaku-en (Pixta)
À la recherche des engawa
J’ai commencé ma quête des engawa le week-end en me promenant, me concentrant d’abord sur les endroits susceptibles d’en accueillir comme par exemple les résidences préservées en tant que Biens culturels qui appartenaient à des familles fortunées ou des politiciens. Mais j’ai aussi cherché du côté des hôtels historiques et des maisons traditionnelles japonaises (kominka) reconverties en cafés. Je voulais trouver des engawa où je pouvais m’installer, mais j’ai été à déçue plus d’une fois quand j’ai découvert que nombre d’entre elles avaient été recouvertes de moquette, et qu’il été donc impossible de s’y asseoir. Je pensais également que les bâtiments de l’époque d’Edo (1603-1868) disposeraient de cette architecture, mais j’ai vite compris que ce n’était pas toujours le cas.
J’ai lancé le site web Engawa Navi en juillet 2013, quand j’avais 23 ans, avec l’idée de partager des informations sur les engawa que j’ai visité. J’ai demandé de l’aide à mes amis, et en un rien de temps je me suis retrouvée à me déplacer dans le Japon entier.
Du plaisir, tout au long de l’année
Ma passion m’a poussée à construire ma propre maison à Kamakura, avec, bien sûr, une engawa.
Aller voir des cerisiers dans un lieu connu, oui c’est génial, mais pour moi rien n’est comparable au plaisir de profiter tranquillement de ses propres cerisiers depuis sa véranda en écoutant le chant des fauvettes.
En été, l’engawa est l’endroit idéal quand le soleil tombe. Vous pouvez vous y installer avec vos amis, des pizzas et des bières. Pas besoin d’air conditionné quand l’air frais de la soirée vous rafraïchit alors que vous observez les étoiles...
Un moment de détente entre amis
En automne, régalez-vous de sanma (balaou du Pacifique) sans vous soucier de l’odeur tenace de poisson.
Des sanma (balaous du Pacifique) , un incontournable de l’automne japonais, grillés sur un petit poêle à charbon.
En hiver, le soleil, étant plus bas, illumine la véranda un peu plus longtemps encore, réchauffant l’atmosphère. Les gens d’autrefois profitaient sûrement de l’énergie du soleil de cette façon pour étendre leurs futons et oreillers. Et les chiens et chats sont eux aussi complétement charmés par l’engawa, pour l’air frais et l’ensoleillement qu’elle procure.
Les trois années de pandémie, avec les restrictions de sortie et la généralisation du télétravail, ont forcé les gens à passer plus de temps chez eux. Pour séparer mon espace de travail et mon temps personnel, il me suffisait de m’éloigner de mon ordinateur et d’aller prendre l’air sur la véranda le temps d’un déjeuner ou d’une petite pause. S’asseoir au soleil libère une hormone appelée sérotonine qui aide à la relaxation. Je suis persuadée qu’un bain de soleil sur l’engawa ne peut avoir que des effets positifs sur les employés travaillant à distance.
Il peut être difficile de trouver une maison avec une engawa, en particulier en ville, mais il y a une multitude de kominka réaménagées en café ou auberge de jeunesse qui en proposent. Mon but est d’encourager les gens à aller voir par eux-mêmes ce qui fait le charme de ces structures si particulières. J’en ai visité personnellement plus de 180. Je vais vous présenter ici celles que je recommande le plus.