Le bilan du Mondial 2022 : que faut-il au Japon pour arracher sa place en quarts de finale ?
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L’essor du Japon a surpris tout le monde
Six équipes de la Confédération asiatique de football (AFC), dont celle du pays hôte, le Qatar, ont participé à la phase finale de la Coupe du monde. Du jamais vu.
Trois de ces équipes — le Japon, la Corée du Sud et l’Australie — ont survécu à la phase de groupe, un remarquable exploit dans la mesure où aucune équipe de l’AFC n’était restée en lice après les matchs de groupe au Brésil en 2014, et seulement le Japon en Russie en 2018. Cette fois, en battant l’Allemagne et l’Espagne, le Japon a émerveillé le monde entier, de même que la Corée du Sud en battant le Portugal et l’Arabie saoudite gagnant face à l’Argentine.
Malheureusement, le miracle s’est arrêté là, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie ont tous été éliminés en huitième de finale, ne laissant aucune nation de l’AFC se faire une place parmi les huit meilleures du monde en cinq tournois consécutifs depuis que la Corée du Sud avait s’était maintenu dans les quatre dernières places du tournoi organisé conjointement par elle-même et le Japon en 2002. Le Maroc est le seul pays hors Europe et Amérique du Sud à atteindre les quarts de finale cette fois-ci (il n’en restait aucun lors du précédent tournoi en Russie). En d’autres termes, pas de changement majeur dans la structure du pouvoir footballistique mondial et les barrières au-dessus des pays les plus forts sont toujours hautes.
Le nombre de pays participant à la Coupe du monde sera porté à 48 équipes à partir de la prochaine édition, en 2026, qui sera organisée conjointement par les États-Unis, le Canada et le Mexique. 4 équipes asiatiques supplémentaires, soit « 8,5 », participeront à la phase de groupe. Que faudra-t-il faire pour que la puissance asiatique émergente fasse une percée et se fasse un nom en huitième de finale ?
Encore une fois, le Japon a la clé en main. il s’agit de la première équipe asiatique à atteindre les huitièmes de finale dans deux tournois consécutifs, en Russie et au Qatar. La première fois, il s’était déjà incliné 2-0 face à la Belgique. Cette fois, il a été éliminé par la Croatie à l’issue des tirs au but, après 120 minutes de jeu sur le score de 1-1. On peut le dire, l’équipe des « Samuraï Blue » se rapproche clairement d’une qualification historique en quart de finale.
Les joueurs japonais sur la grande scène européenne
L’un des facteurs à l’origine de cette évolution est la multiplication du nombre de joueurs jouant au sein des grandes équipes européennes. Sur les 26 membres sélectionnés dans l’équipe nationale cette année, 19 évoluent en Europe, dans des équipes au top niveau des championnat anglais, espagnol, allemand, belge, français et écossais. 80% ont l’expérience du football européen.
Rappelons-nous qu’en 2010, lors du tournoi en Afrique du Sud, seuls 4 joueurs sur les 23 qui avaient fait le déplacement évoluaient en Europe. Mais la performance de l’équipe nippone qui s’est qualifiée pour les huitièmes de finale généra un intérêt accru des jeunes joueurs japonais, ce qui est à l’origine de la progression actuelle.
Dans le passé, lorsque l’équipe nationale était principalement une sélection de joueurs évoluant au Japon même, les rencontres étaient fréquentes. Mais ces dernières années, les opportunités se sont tellement limitées que l’expérience individuelle de chaque joueur au sein de son équipe d’appartenance est cruciale.
Par exemple, pour ne parler que de l’équipe qui est allée à Doha, Kamada Daichi, Morita Hidemasa et Maeda Daizen ont l’expérience de la compétition en Ligue des Champions européenne, tandis que Minamino Takumi, Dôan Ritsu, Tomiyasu Takehiro et Kubo Takefusa ont joué en coupe de l’UEFA. C’est cette expérience quotidienne qui a rendu possible les victoires sur l’Allemagne et l’Espagne. (Voir notre article : Le profil des 26 joueurs sélectionnés de l’équipe du Japon pour la Coupe du monde au Qatar)
Bien entendu, l’expérience en championnat national local est également importante. Taniguchi Shôgo, le maître de la défense à trois arrières défensifs dans son club des Kawasaki Frontale a réussi à empêcher l’Espagne de creuser le score grâce à sa solide défense. Performance remarquable en soi, mais qui a surtout montré le savoir-faire et la fierté d’un joueur de haut-niveau de la J-League.
La J-League a fait parler d’elle quand un grand nom du football mondial, en la personne d’Andres Iniesta, ancien international espagnol a signé pour un club japonais, le Vissel Kobe. Jusqu’à récemment, la plupart des joueurs étrangers venaient du Brésil. Mais des joueurs de diverses nations européennes, notamment de l’Espagne, du Danemark, de la Suisse, viennent désormais grossir les rangs. En Europe comme au Japon, l’important est de disposer d’un environnement où un footballeur de haut niveau peut s’épanouir dans sa vie personnelle au sein de son club. Pour les joueurs japonais en tout cas, c’est le cas.
Une stratégie qui repose sur la règle des 5 remplaçants
L’aspect le plus intéressant de la direction suivie par l’équipe japonaise au Qatar est la fluidité des titulaires.
Pendant cette Coupe du monde, l’entraîneur Moriyasu Hajime a fait jouer 22 des 26 joueurs sélectionnés en 3 matchs. Le choix d’opérer la totalité des 5 changements autorisés au cours de match a sans doute été prise en amont du second match, contre le Costa Rica, pour ménager l’équipe qui s’était investie à plus de 100 % lors du premier match contre l’Allemagne, et compte tenu que la possession du ballon par le Costa Rica est généralement faible.
Difficile de dire que ce fut une stratégie payante. Le Japon a eu une meilleure maîtrise du ballon que le Costa Rica, certes, mais la première mi-temps s’est terminée sans une option claire sur la stratégie : fallait-il briser la défense adverse par des attaques massives, ou se concentrer sur des contres, comme nous l’avions fait contre l’Allemagne ? C’est finalement le Costa Rica qui a su imposer son rythme en seconde période, et le Japon s’est incliné 0-1.
Mais, d’un autre côté, si ce choix était resté ponctuel, la stratégie aurait été un peu courte. Or, contre l’Espagne, le match suivant, Itô Junya, Tanaka Ao, Kubo Takefusa et Maeda Daizen, qui n’étaient pas titulaires contre le Costa Rica, étaient tous en bonne condition et ont marqué deux fois en seconde mi-temps pour prendre les trois points, il y a donc clairement quelque chose à dire sur la stratégie de permutation des titulaires sur ces trois matchs.
De nombreuses autres équipes, comme l’équipe nationale croate, ont limité au maximum les remaniements d’effectifs, malgré le même calendrier serré. La Coupe du monde est un tournoi intense et court, puis qu’il n’y a que 7 matchs jusqu’à la finale. Il est plus facile d’obtenir la cohésion de l’équipe en multipliant le nombre de joueurs que de renforcer les liens à long terme.
Lors du huitième de finale entre le Japon et la Croatie, les Japonais ont semblé évoluer de façon plus dynamique que leurs adversaires. Et même si les Croates ont habilement analysé la dynamique de l’équipe japonaise, les Japonais n’ont pas été sans occasions. Le Japon s’est finalement incliné après la séance de tirs au but, mais le match a été âpre. Si les Samuraï Blue n’ont pas atteint leur objectif de se qualifier pour les quarts de finale, leur progression est néanmoins appréciable par le fait d’avoir combattu jusqu’au bout à armes égales.
L’équipe asiatique la mieux classée selon les critères de la FIFA est l’Iran (20e), mais lorsqu’il s’agit de la Coupe du monde, tous les adversaires sont d’un calibre supérieur. Il faut être toujours en meilleure condition que l’adversaire pour briser la forteresse des équipes objectivement plus fortes. Le minimum que l’on puisse exiger d’une équipe est de maintenir une condition physique et une intensité de jeu qui l’amène à se donner à plus de 100 %, ce qui se réalise en utilisant tous les remplaçants auxquels elle a droit. L’équipe japonaise l’a prouvé.
Les défis qui attendent les joueurs asiatiques sont clairs
Se qualifier pour les huitièmes de finale en état de fatigue physique après avoir épuisé ses forces en phase de groupes, c’est se faire laminer sans gloire par les nations plus aguerries, qui passeront alors à la vitesse supérieure. La règle des 5 remplaçants par match perdurera-t-elle ? Personne ne peut le dire. Cette règle a été instituée dans le cadre des modifications réglementaires qui ont suivi la crise sanitaire du Covid. Ce que nous savons, c’est que le Japon ne pouvait pas garantir sa qualification en quart de finale sans un effort intense. La gestion de ce paramètre n’a pas été mauvaise, même si l’on peut dire qu’il a manqué un petit quelque chose pour atteindre cet objectif. Il s’agit maintenant de réfléchir aux dispositions à prendre.
En termes de tactique sur le terrain, la défense compacte, organisée et imbriquée contre un adversaire qui possède le ballon a été parfaitement payante contre l’Allemagne et l’Espagne. Contre la Croatie aussi : le but encaissé l’a été sur coup de pied arrêté.
En revanche, comment faire craquer l’adversaire quand nous sommes en possession du ballon est une question qui reste toujours en suspens. Augmenter la variabilité tactique est un must. Améliorer la dangerosité de l’attaque pour trouver la défaillance de l’adversaire par une plus grande circulation du ballon, sans affaiblir la défense, l’est aussi. Les pays asiatiques font encore figure d’outsiders dans une Coupe du monde de football, et le Japon pas moins que les autres. Pour espérer un jour passer dans le groupe des têtes de série, il faut commencer par se préparer.
Les défis qui restent à relever sont devenus visibles. Pour les équipes asiatiques, comme pour le Japon, il n’y a pas lieu d’être déçu des résultats de la Coupe du monde 2022, au contraire, ce fut un événement qui a donné espoir en l’avenir.
(Photo de titre : les joueurs du Japon célèbrent leur victoire sur l’Espagne et leur qualification après la phase de groupes. À Doha, le 1er décembre 2022. Jiji Press)