Le Nouvel An : pourquoi les trois premiers jours de l’année sont-ils si spéciaux pour les Japonais ?
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La célébration du début d’une nouvelle année est un événement important sur toute la surface du globe. Le 1er janvier est un jour férié dans bien des pays, mais au Japon, gantan (le jour du Nouvel An) inaugure une période de trois jours de célébration connue sous le nom de shôgatsu.
La tradition japonaise du Nouvel An prend son origine en Chine, dont les idéogrammes (kanji), la philosophie confucéenne, la religion bouddhiste et un ensemble de codes juridiques et éthiques ont profondément influencé les sociétés voisines. Au cours des VIe et VIIe siècles notamment, La dynastie Sui a contribué à diffuser l’idée que le Nouvel An était une fête importante dans toute la sphère culturelle est-asiatique et au-delà.
Dans la sphère chinoise, le Nouvel An était un moment où l’on attendait des sujets qu’ils rendent fidèlement hommage à l’empereur, le manquement à cette règle étant considéré comme un acte de rébellion contre le souverain. Face au nord, direction du siège impérial, les sujets présentaient leurs salutations de Nouvel An à l’empereur, symbolisé par l’étoile polaire. L’empereur, en retour, abaissait le regard sur ses sujets assemblés au sud, ce qui explique pourquoi des palais traditionnels comme ceux de Chang’an, la capitale de la dynastie Tang (618-907), les palais impériaux de Nara et Kyoto, le château de Shuri à Okinawa et les palais des différents royaumes coréens étaient dotés de cours situées au sud des bâtiments.
La cérémonie du Nouvel An, appelée chôga en japonais, était suivie d’un grand banquet. Sous la dynastie Tang, les dirigeants du Japon accordaient suffisamment d’importance à ce rituel pour envoyer des réprésentants traverser la mer de Chine orientale au plus fort de la saison des typhons pour aller rendre hommage à l’empereur de Chine et participer aux célébrations du Nouvel An.
À partir de la seconde moitié du VIIe siècle, toutefois, les dignitaires de la cour japonaise ont commencé à célébrer les chôga dans l’Archipel. Cette coutume s’est répandue dans les provinces, où, plutôt que d’adresser leur déférence au lointain souverain de la Chine, les représentants régionaux du gouvernement central faisaient face au palais impérial de Nara ou Kyoto pour présenter leurs vœux de Nouvel An à l’empereur du Japon, avant de prendre place au banquet coutumier.
Les vœux du Nouvel An
Le temps passant, ce rituel saisonnier s’est répandu dans les villages et les foyers du Japon tout entier. Au Nouvel An, les membres des collectivités se rassemblaient dans la maison du chef de village et les membres des familles chez leur patriarche pour échanger des vœux et festoyer. La coutume voulait que les résidences soient nettoyées de fond en comble à l’approche des festivités et que les décorations du Nouvel An soient accrochées. On attendait aussi des hôtes qu’ils offrent à leurs invités toute une gamme de plats festifs, et il allait de soi que tous les participants à cet important événement soient en tenue de cérémonie.
C’est ainsi que les fêtes du Nouvel An sont peu à peu devenues pour les gens l’événement annuel le plus important dans leur vie. De nos jours, le Japon célèbre le shôgatsu en conformité avec le calendrier grégorien plutôt qu’avec la version lunaire traditionnelle, en vigueur en Chine et en Corée du Sud, mais en dépit de ce changement de date, le Nouvel An reste une période de congés et une période de pointe pour les voyages, puisque les gens sont censés converger vers les maisons de leurs ancêtres. Tout cela est très différent de ce qu’on observe dans les pays occidentaux, où le Nouvel An marque en général la fin des vacances de Noël et le début du retour à la normale.
Le Man’yôshû, la plus vieille anthologie japonaise de poésie waka, compilée au VIIIe siècle, se termine par un poème inspiré à Ôtomo no Yakamochi par un banquet de Nouvel An auquel participaient des gouverneurs de district de la province d’Inaba, dans l’actuelle préfecture de Tottori. Ôtomo, qui avait été nommé gouverneur de cette lointaine province par la cour impériale en 758, composa ce poème à l’issue du premier chôga auquel il avait participé depuis son entrée en fonction, chôga qui s’était déroulé sous la neige.
Puissent les choses joyeuses
S’empiler de plus en plus haut
Comme la première neige
Qui tombe aujourd’hui
Au début de la nouvelle année
En voyant dans la neige qui s’accumule un présage de prospérité pour l’année à venir, Ôtomo reste fidèle à l’humeur cérémonielle de la saison. Aujourd’hui, 1 300 ans après la composition de ce poème, le shôgatsu au Japon reste une occasion spéciale pour renouer les liens et prendre un bon départ pour la nouvelle année.
(Photo de titre : Pixta)