Les nombreuses facettes des relations entre le Japon et la Chine

L’histoire secrète du rétablissement des relations diplomatiques entre le Japon et la Chine, il y a 50 ans

Politique International

Tanaka Kakuei, 85 jours après avoir été nommé Premier ministre, avait réussi l’exploit remarquable de rétablir les relations diplomatiques entre le Japon et la Chine. Le rôle joué par un document strictement confidentiel dans la décision de Tanaka de se rendre en Chine est peu connu. À l’occasion du cinquantenaire de la normalisation des relations bilatérales, le 29 septembre 2022, nous revenons sur les coulisses de ces négociations.

Tanaka décide d’aller à Beijing

Le 4 août 1972.  Takeiri Yoshikatsu (droite), revenu de Chine, s'entretient avec le Premier ministre Tanaka Kakuei dans sa résidence. Le ministre des Affaires étrangères Ôhira Masayoshi est à gauche. (Jiji)
Le 4 août 1972. Takeiri Yoshikatsu (droite), revenu de Chine, s’entretient avec le Premier ministre Tanaka Kakuei dans sa résidence. Le ministre des Affaires étrangères Ôhira Masayoshi est à gauche. (Jiji)

De retour au Japon, Takeiri rencontra Tanaka dans une chambre d’hôtel pour discuter seul à seul avec lui. Le Premier ministre saisit le procès-verbal long de 52 pages des entretiens, et se mit à le lire lentement. Une fois qu’il avait terminé, il le relut et posa une question à Takeiri :

– Tu es sûr que tu es Japonais ?

Il se demandait si Takeiri n’avait pas été trompé par la Chine.

– Qu’est-ce que tu racontes ?

– Ce qui est écrit là est exact ? demanda Tanaka en montrant le document intitulé « Mémorandum Takeiri », pour être sûr qu’il comprenait bien.

– La partie chinoise en a entièrement vérifié le contenu. Ce qui est écrit là est exact, répondit Takeiri.

Tanaka réfléchit quelques instants.

– Bon, je vais aller à Beijing ! déclara-t-il ensuite.

C’est à cet instant que la décision de Tanaka de se rendre en Chine fut prise.

Si ce n’avait pas été ces deux hommes-là…

Hashimoto, qui était alors directeur du département chinois du ministères des Affaires étrangères, reçut de son ministre Ôhira le compte-rendu des entretiens et le mémorandum de l’ébauche japonaise. Jusqu’à ce moment-là, il avait craint les conditions difficiles que ne manquerait d’exiger la Chine pour rétablir les relations entre les deux pays. Mais en lisant le procès-verbal, ses appréhensions disparurent.

Voici ce qu’il m’a confié.

« Les deux points les plus importants de ce document sont que la Chine déclare sans ambiguïté qu’elle reconnaît le traité de sécurité nippo-américain et qu’elle n’exigera pas de dédommagement du Japon. Pour être très clair, je ne m’y attendais pas. Nous avons certes l’intention d’aller en Chine, mais nous ne savions pas du tout comment les choses se dérouleraient là-bas. Après l’avoir lu, j’ai commencé à penser que tout pourrait bien se passer. »

Le rétablissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Japon a été favorisé par la situation internationale qui voyait le président Nixon et son conseiller Kissinger à la recherche d’une réconciliation entre les États-Unis et la Chine. Puisque les États-Unis se rapprochaient de la Chine, le Japon aligné sur eux pouvait rétablir des relations avec la Chine. De plus, la puissance économique japonaise était attractive pour la Chine. De fait, après le rétablissement des relations diplomatiques, le Japon a fourni à la Chine un solide soutien économique. Mais que le Premier ministre ait été Tanaka a aussi eu une grande importance.

Kiuchi Akitane, ancien ambassadeur du Japon en France, qui a accompagné Tanaka en Chine en tant que secrétaire du premier ministre, m’a dit ceci :

« M. Tanaka n’était pas un bon connaisseur de la Chine. Mais à partir du moment où il a rencontré Zhou Enlai, il a eu le sentiment qu’avec lui, cela pourrait fonctionner. Les deux hommes se sont immédiatement compris. Cela a été une chance pour le Japon que le hasard ait voulu qu’ils soient chefs de gouvernement à ce moment-là. »

Aujourd’hui les États-Unis et la Chine sont à nouveau dans une relation d’opposition. Le Japon continue à s’aligner sur les États-Unis. Cinquante ans se sont écoulés depuis la normalisation des relations entre la Chine et le Japon. Comparéé à la lune de miel que les deux pays ont ensuite connue, la distance actuelle entre Xi Jinping et les dirigeants japonais est trop vaste.

(Photo de titre : le Premier ministre Tanaka Kakuei [gauche] échange des documents avec le premier ministre Zhou Enlai, après la signature de la Déclaration conjointe du Japon et de la Chine au Palais de l’Assemblée du Peuple à Beijing, le 29 septembre 1972. Kyōdō)

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