Le manga et l'anime deviennent des marques

« Golden Kamui », le phénomène du manga qui sonde les profondeurs des désirs humains

Manga/BD

En juillet 2022 est paru le volume final de Golden Kamui, le célèbre manga dessiné et écrit par Noda Satoru dont l’histoire se situe à Hokkaidô et à Sakhaline au début du XXe siècle. Avec une sortie en langue française chez l’éditeur Ki-oon, ainsi qu’une adaptation en anime, l’œuvre suscite la passion de nombreux fans à travers le monde. Nous revenons sur les secrets de son impressionnante popularité.

Un succès mondial qui incarne l’essence du manga

Originellement publiée chaque semaine dans le magazine Young Jump, le manga Golden Kamui, écrit et dessiné par Noda Satoru, s’est vendu à 19 millions d’exemplaires au total pour l’ensemble de ses 31 volumes reliés, et une adaptation cinématographique en prise de vue réelle est également en préparation.

En 2019, la série est également devenue la « tête d’affiche » de la culture manga, en étant affichée sur les visuels de promotion d’une exposition de grande ampleur autour des bandes dessinées japonaises au British Museum de Londres (voir notre article lié). On peut même dire que Golden Kamui répond à une question quintessentielle : « Qu’est-ce que les mangas cherchent à exprimer ? » La réponse est : « la perversion ». Ou, si ce terme porte à confusion, on peut aussi dire que les mangas parlent de l’énergie primitive qu’on peut appeler « le désir humain ».

L’histoire débute à Hokkaidô peu après la fin de la guerre russo-japonaise (1904-1905). Cette île, ayant à peu près la taille de l’Autriche actuelle, se situe à la « tête » métaphorique de l’archipel japonais. Et au nord, à une petite distance du détroit de Sôya, se situe l’île de Sakhaline, ancien lieu frontalier entre le Japon et la Russie. Le soldat Sugimoto Saichi, un des personnages centraux de cette histoire, retourne à Hokkaidô juste après la guerre dans l’espoir de faire fortune suite à la ruée vers l’or en cours dans ce territoire.

Les choses ne se déroulent pas comme prévu pour Sugimoto qui entend rapidement parler d’une réserve d’or amassée par le peuple des Aïnous natif de Hokkaidô durant leur résistance à l’expansion du territoire japonais. Une rumeur dit qu’un homme aurait tué plusieurs Aïnous et caché un trésor avant d’être capturé et envoyé dans la prison d’Abashiri. C’est en détention que l’homme aurait tatouée une carte codée répartie sur les corps de 24 autres prisonniers, qui ont ensuite réussi à s’échapper après avoir occis des soldats qui les avaient transportés dans l’espoir de déchiffrer leur secret.

« Celui qui saura réunir ces tatouages et déchiffrer le code pourra trouver l’or. » En entendant ces mots d’un camarade prospecteur, Sugimoto décide de ne pas le considérer au sérieux, les prenant pour les divagations d’un vieil ivrogne. Mais l’attitude amicale de cette homme change rapidement, et il finit par pointer un pistolet sur Sugimoto, en insistant sur le fait qu’il en aurait trop dit.

Une bagarre s’ensuit. Sugimoto prend le dessus et poursuit son assaillant. Il rencontre alors une jeune Aïnoue nommée Asirpa, une chasseuse émérite ayant une profonde connaissance de la nature sauvage des lieux, et la paire décide de faire équipe afin de trouver le trésor caché.

Mais nos deux héros ne sont pas les seuls sur la piste, et ils se retrouvent impliqués dans une bataille pour l’or au sein des forêts du nord qui les dresse contre les motivations et les désirs déviants de leurs rivaux. Parmi eux, nos héros devront faire face à la 7e division d’élite, que l’on dit être la plus puissante unité de combat de l’armée impériale japonaise, ainsi que les criminels de haut niveau qui forment le gang des 24 évadés.

Durant l’été 2019, le personnage d’Asirpa a occupé le devant de la scène sur les visuels pour la promotion de l’exposition « Manga » qui s’est tenue au British Museum de Londres. (©︎ Jiji)
Durant l’été 2019, le personnage d’Asirpa a occupé le devant de la scène sur les visuels pour la promotion de l’exposition « Manga » qui s’est tenue au British Museum de Londres. (©︎ Jiji)

Une époque de marginalité pour les minorités au Japon

De différentes manières, tous ceux engagés dans cette ruée vers l’or peuvent être décrits comme des parias de la société traditionnelle. Les troupes de la 7e division, par exemple, ont été abandonnés par leur gouvernement.

Au milieu du XIXe siècle, le Japon féodal a connu une vague d’expansionnisme colonial venue des puissances occidentales. En réponse à cette époque de changements, la Restauration de Meiji a été une période de modernisation intensive durant laquelle le premier parlement civil japonais a été formé. Et en matière de sécurité nationale, l’approche du nouveau gouvernement a été d’entrer en guerre totale avec deux pays voisins : la dynastie chinoise Qing, et la Russie impériale. Des paysans aux artisans, des milliers de civils ont été envoyés au front, et bien que le Japon ait finalement triomphé dans les deux conflits, nombre d’entre eux ont perdu la vie sur des rives étrangères dans la brutalité sans précédent des guerres modernes. Dans Golden Kamui, la 7e division est dirigée par Tsurumi Tokushirô, un lieutenant devenu défiguré et mentalement dérangé à cause d’une blessure de guerre. Sa quête de l’or caché est motivée par le désir de s’assurer que la mort de ses camarades n’a pas été en vain, en usant des richesses pour instaurer un gouvernement militaire à Hokkaidô. Malgré son comportement anormal, Tsurumi est doté d’un intellect effrayant ainsi que d’un charisme presque mystique. Et sous ses ordres se trouve une équipe de choc constituée de combattants d’élite tout juste sortis de la guerre.

Un second groupe de parias est constitué des laissés pour compte de l’histoire : les prisonniers évadés, menés par le « dernier samouraï », le bien connu Hijikata Toshizô, librement inspiré du personnage historique du même nom.

Avant la Restauration de Meiji et la naissance du gouvernement civil, le Japon féodal était dirigé par la classe des samouraïs. Le véritable Hijikata avait dû se battre contre les forces gouvernementales du côté du shogunat renversé, avant de trouver la mort sur le champ de bataille en essayant de faire de Hokkaidô un état indépendant.

Mais dans Golden Kamui, Hijikata n’est pas décédé. Il a en réalité été emprisonné à Abashiri, où il est devenu l’un des 24 prisonniers tatoués avec des fragments de la carte au trésor. Malgré son âge avancé, il n’a rien perdu de son esprit combatif, de son habileté à l’épée, de son acuité tactique, et de son aspiration à l’indépendance de Hokkaidô.

Dans sa quête de l’or, la faction de Hijikata, composée d’autres évadés d’Abashiri, inclut de nombreux combattants terrifiants, dont notamment un combattant suprême de judo, un tireur d’élite aveugle, ainsi que d’autres samouraïs ayant survécus.

La première saison de l’adaptation en anime de Golden Kamui a été diffusée pour la première fois en 2018, et la quatrième saison est attendue pour octobre 2022. Tous les épisodes peuvent êtres visionnés à la demande au Japon sur le service en ligne FOD. (©︎ Fuji TV)
La première saison de l’adaptation en anime de Golden Kamui a été diffusée pour la première fois en 2018, et la quatrième saison est attendue pour octobre 2022. Tous les épisodes peuvent êtres visionnés à la demande au Japon sur le service en ligne FOD. (©︎ Fuji TV)

Suite > La vision du monde des Aïnous au cœur de l’histoire

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manga Russie Hokkaidô minorité Aïnou

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