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L’héritage de Fujiko Fujio A : derrière l’humour noir, le point de vue des faibles

Culture Manga/BD

À ses débuts, Fujiko Fujio A, l’un des deux mangakas du célèbre duo « Fujiko Fujio », a signé de nombreux titres parmi les plus célèbres de l’âge classique du manga. Suivons les traces de son héritage, composé entre autres d’humour noir et d’histoires tragi-comiques qui entrent en résonnance avec les lecteurs.

Le point de vue des faibles provoque la sympathie

L’humour noir et le « goût bizarre » ne sont pas restés cantonnés dans le seinen, le manga pour jeunes adultes. Le shônen, le manga pour jeunes garçons, qui avait toujours été la prédilection de Fujiko Fujio A, se mit aussi à s’intéresser aux histoires de monstres. Fujiko Fujio A sentit venir cette tendance et créa Matarô ga kuru ! (« Mataro arrive ! »), l’histoire d’un enfant maltraité qui revient se venger.

Urami Matarô, le personnage principal de Matarô ga kuru !! est élève du collège. Il est souvent victime des manœuvres d’intimidation des garçons plus costauds que lui, à cause de son petit gabarit et de son caractère timide. Mais il a un secret : il pratique le satanisme et a développé des pouvoirs mystérieux. Et ceux qui le harcèlent un peu trop pourraient bien le regretter.

Fujiko Fujio A a parlé de cette œuvre.

« Pendant ma scolarité primaire, j’ai souvent été victime de brimades, et j’étais très complexé par ma petite taille. Les grands me prenaient mes livres. Les brimés sont très nombreux dans le monde des enfants. Et j’ai pensé qu’il serait intéressant de dessiner du point de vue des martyrisés, de voir les choses du côté des faibles. » (cité par Ishinomori Shôtarô dans Manga chô-shinkaron (« L’ultra-théorie de l’évolution des mangas »), éd. Kawade Bunko)

Et certainement, c’est ce point de vue des faibles qui est le grand attrait des mangas de Fujiko Fujio A De nombreux lecteurs y ont trouvé de quoi vibrer.

Prenons l’exemple de Warau Salesman. Le schéma récurrent de l’histoire est le suivant : un individu lambda, insatisfait avec sa situation actuelle ou l’état de la société se voit proposer un service douteux par un mystérieux représentant de commerce nommé Moguro Fukuzô. Au début, tout marche sur des roulettes et le bonheur semble à portée de main. Mais le client finit toujours par exiger un tout petit peu plus de sa nouvelle situation et c’est la ruine instantanée.

L’extraordinaire succès de ce manga tient essentiellement à l’extraordinaire cohérence du personnage un peu rentre-dedans de Moguro Fukuzô, et aussi au fait qu’un personnage qui a tenté de s’élever au-dessus de sa condition se trouve détruit à la fin.

L’avertissement n’a rien de caressant en soi, mais la raison pour laquelle il trouve un écho auprès des lecteurs vient du fait qu’ils se sont identifiés avec lui et ont sympathisé avec son problème ou son grief dès le début. Autrement dit, ici encore, c’est le « point de vue du faible » qui donne un vrai poids à cette fable pour adultes.

La force de connaître ses faiblesses

Dans Manga michi (« La Voie du Manga »), un manga à caractère autobiographique, Abiko raconte sa rencontre avec Fujimoto et comment tous les deux sont devenus des mangakas professionnels. Cette fois encore, Fujiko Fujio A place son regard du point de vue du plus faible : dans ce récit, lui-même se nomme Maga Michio (ce qui fait jeu de mot avec un terme qui signifie « le débile »), alors que Fujimoto est représenté par un personnage nommé Saino Shigeru (ce qui signifie « le génie buissonnant »). D’entrée de jeu, on a une description très réaliste des brimades que les costauds infligent à Maga Michio. Mais le plus remarquable est la façon dont Maga Michio est attiré irrésistiblement par Saino Shigeru.

Maga sait qu’il n’a pas le talent de Saino, et sa frustration réelle transparaît ici et là dans le récit. Mais on peut dire que la force de connaître sa faiblesse est la force véritable de Maga Michio, autrement dit de Fujiko Fujio A. Il a de plus une confiance absolue dans son ami, et fait de son mieux pour faire ce qu’il peut faire, de sa manière propre. Cette façon de parler de lui-même pour un mangaka à succès a touché de nombreux lecteurs.

Avec son acolyte Fujiko Fujio F, décédé en 1996, Fujiko Fujio A aura brillamment suivi la Voie du Manga.

(Photo de titre : Fujiko Fujio A © Fujiko Studio)

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