
Exploration de l’histoire japonaise
Un mystère de l’histoire japonaise résolu : le samouraï Kondô Isami retrouve son casque et son armure
Histoire Visiter le Japon- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
Le temple bouddhique Kokutai-ji, dans la ville de Takaoka (préfecture de Toyama, au centre-ouest du pays), où j’habite, est connu comme l’une des quinze branches de l’école Rinzai du bouddhisme zen au Japon. Bien que niché au cœur des montagnes, ce modeste temple bénéficie du même statut que des centres zen bien plus importants, tels que les temples Myôshin-ji et Tenryû-ji à Kyoto. De nombreux personnages historiques se sont intéressés au temple Kokutai-ji, tels que le philosophe Nishida Kitarô (1870–1945) et le professeur Suzuki Daisetsu (1870–1966), connu en Occident sous le nom de D. T. Suzuki. Tous deux ont passé une partie de leur jeunesse dans ce temple et y ont étudié le zen.
La porte Sanmon au temple Kokutai-ji (© Pixta)
Plus récemment, le temple Kokutai-ji a fait parler de lui suite à la découverte du casque et de l’armure de Kondô Isami (1834–1868), jadis à la tête du Shinsen-gumi, le fameux groupe d’élite de samouraïs de l’époque d’Edo (1603–1868). Cet équipement aurait été offert au temple par Yamaoka Tesshû (1836–1888), un influent vassal lors du shogunat Tokugawa. Cette armure amène un regard nouveau et interroge sur les liens qui unissaient Kondô Isami et Yamaoka Tesshû, et la raison pour laquelle des reliques de cette valeur ont pu être conservées dans un temple reculé, aux confins de la région du Hokuriku.
Kondô Isami et le Shinsen-gumi
Confronté à une résistance accrue des forces loyales à l’empereur, en 1863, le régime Tokugawa a formé une garde chargée de la protection du 14e shogun, Tokugawa Iemochi (1859–1866), pendant son séjour à Kyoto. Le groupe Rôshi-gumi était composé de quelque 230 rônin (samouraïs sans chef). La seule condition était qu’ils soient capables de manier une épée. Kondô Isami, pour qui cette pratique n’avait plus aucun secret, comptait parmi les membres de cette garde. Le shogunat désigna Yamaoka, lui aussi grand maître en la matière, responsable de la supervision de la garde dans sa totalité. Kondô Isami et Yamaoka Tesshû se seraient pour la première fois rencontrés parce qu’ils faisaient tous deux partie du Rôshi-gumi.
La garde fut dissoute peu de temps après sa formation et ses membres furent rappelés dans la capitale Edo (l’ancienne Tokyo). Kondô Isami, et quelques autres dissidents, choisirent de rester à Kyoto. Il se fit ensuite connaître en tant que commandant du Shinsen-gumi, une police du shogunat composée des autres membres du Rôshi-gumi qui s’étaient battus contre les soldats loyaux à l’empereur, qui cherchaient à renverser le gouvernement féodal. Des lettres qui auraient écrites de la main de Kondô Isami permettent de comprendre qu’il a continué de correspondre avec Yamaoka, même après son départ du Rôshi-gumi.
Kondô Isami finira par payer de sa vie son allégeance au shogunat. En janvier 1868, lors de la bataille de Toba-Fushimi, sur les pourtours de Kyoto, laquelle marque le début de la guerre civile de Boshin, les forces du nouveau gouvernement Meiji mené par les domaines Chôshû et Satsuma font battre en retraite les forces du shogunat Tokugawa. Alors que le conflit prend de l’ampleur, les pertes sont de plus en plus importantes pour le Shinsen-gumi, entraînant un dispersement de ses membres. Capturé près de la capitale Edo, considéré comme un traître, Kondô Isami sera décapité à l’âge de 35 ans.
Une vie au service du shogunat
Yamaoka servira le shogunat jusqu’au bout, et en 1868 il sera notamment le médiateur pour la restitution pacifique du château d’Edo aux forces menées par Saigô Takamori (1828–1877). Il deviendra un proche collaborateur de l’empereur Meiji (1852–1912) sur ordre de son ancien ennemi Saigô, au service du jeune monarque pendant dix ans et participant à son éducation tant morale que scolaire. En fait, de l’avis d’un grand nombre de personnes, Yamaoka, qui a parfois reproché à sa charge royale ses nombreuses soirées arrosées, aurait contribué à mettre l’empereur Meiji sur la voie éthique qui définira son long règne sur le trône du Chrysanthème.
Après s’être retiré de ses fonctions, Yamaoka fondera le temple zen Zenshôan, dans l’arrondissement tokyoïte de Yanaka, un moyen pour lui de rendre hommage aux soldats tombés au service du gouvernement féodal. Ce temple bénéficiera plus tard du mécénat d’éminents personnages politiques tels que les anciens premiers ministres Nakasone Yasuhiro et Abe Shinzô, qui venaient y pratiquer la méditation zazen.
La décision de Yamaoka de faire don de l’armure de Kondô à un temple isolé de la ville de Toyama s’explique probablement par son souhait de rendre hommage à ce combattant sans risquer de s’attirer les foudres du gouvernement Meiji, pour qui Kondô n’était plus qu’un renégat. Le gouvernement Meiji se serait sans doute opposé à tout hommage posthume public. Selon Matsuyama Mitsuhiro, conservateur en chef du musée Shinminato de la ville d’Imizu, qui a lui-même mené des recherches sur l’histoire de cette armure, Yamaoka a tenu à conserver les objets jusqu’à ce que les événements de la guerre civile de Boshin s’estompent d’eux-mêmes de la conscience publique et politique. Il a ensuite choisi le temple Kokutai-ji pour son lien avec la famille Tokugawa, que Kondô a longtemps servie.
Tags
temple zen bouddhisme histoire culture Edo samouraï Meiji Toyama