Derrière le mystère des momies « ningyo », les sirènes japonaises

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Des documents historiques au Japon et des récits ont recensé durant plusieurs siècles des apparitions de ningyo, des créatures marines mythologiques mi-humain, mi-poisson, qui ont inspirés de nombreux artistes. Penchons-nous sur les vérités et mythes autour de ces « sirènes japonaises », dont des momies existent encore aujourd’hui dans certains sanctuaires et temples. L’une d’entre elles est actuellement soumise à une analyse pointue.

Analyse d’une momie de sirène

L’université des sciences et des arts de Kurashiki (préfecture d’Okayama) est actuellement en train d’analyser la momie ningyo du temple Enjuin d’Asakuchi, situé dans la même région. Kinoshita dit avoir souhaité étudier cette momie après avoir vu un négatif pris par le naturaliste Satô Kiyoaki (1905-1998), lui aussi originaire d’Okayama, parmi ses documents. Satô avait notamment publié le premier dictionnaire des yôkai (créatures folkloriques japonaises) en 1935. L’université a donc mis sur pied une équipe de recherche afin d’aider Kinoshita dans son étude via le Musée d’histoire naturelle de Kurashiki.

« J’ai enfin pu voir la momie après avoir effectué une requête auprès du temple. Elle est dans le “style Munch”, avec une hauteur d’environ 30 centimètres. Ma première impression est qu’elle était bien petite par rapport aux autres momies que j’avais pu observer auparavant », commente Kinoshita.

La note expliquant l'histoire de la momie (avec l'aimable autorisation de l'université des sciences et des arts de Kurashiki).
La note expliquant l’histoire de la momie (Avec l’aimable autorisation de l’Université des sciences et des arts de Kurashiki)

La boîte contenant la momie comprend une note intitulée : « ningyo séché ». « Cette note explique que cette sirène a été capturée dans la mer au large de Tosa (aujourd’hui préfecture de Kôchi) pendant l’époque Genbun (1736-1741), et, parce que c’était inhabituel, elle a été séchée et amenée à Osaka. La famille Kojima de la ville de Fukuyama (préfecture de Hiroshima), l’avait alors achetée et conservée de génération en génération. Elle est ensuite arrivée à Enjuin, mais on ne sait pas par quel moyen. »

D’après le rapport provisoire publié en avril, les cheveux, les sourcils, les oreilles, les bras et les mains ainsi que les cinq doigts et les ongles plats ressemblent à ceux des primates. Les dents pourraient cependant bien appartenir à un poisson carnivore. Il y a également des écailles de la partie haute qui différeraient de celles de la partie basse. Le rapport final, incluant notamment l’enquête sur le folklore, est prévu pour cet automne.

La momie du temple Enjuin (à gauche) et Kuida Kôzen, le supérieur du temple, observant un scanner. Le ningyo sera exhibé au Musée d'histoire naturelle de Kurashiki cet été. (Photo avec l'aimable autorisation de l'université des sciences et des arts de Kurashiki)
La momie du temple Enjuin (à gauche) et Kuida Kôzen, le supérieur du temple, observant un scanner. Le ningyo sera exhibé au Musée d’histoire naturelle de Kurashiki cet été. (Photo avec l’aimable autorisation de l’université des sciences et des arts de Kurashiki)

Kinoshita commente : « L’université utilisera les analyses ADN afin de trouver à quel poisson ressemble le ningyo et la datation au carbone afin de déterminer sa période. En combinant ces nouveaux éléments avec mon approche historique et ethnographique, nous avons hâte de faire de nouvelles découvertes sur ces momies. »

Depuis l’ère Meiji, il y a eu de nombreuses théories sur ce que les observateurs avaient bien pu apercevoir lors des prétendues apparitions de ningyo. Etait-ce des salamandres, des dugongs, des lamantins, des lions de mer, des phoques ou encore des régalecs ? Quelle que soit la vérité, la croyance en l’existence des ningyo en tant que vraies créatures s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’époque d’Edo. Les momies sont alors devenues des objets de foi, considérées comme procurant de nombreux bienfaits. Les nombreux matériaux liés, et les momies diverses et variées qui ont été soigneusement préservées jusqu’à ce jour, montrent aujourd’hui encore à quel point les ningyo étaient dans le cœur des Japonais bien plus que de simples créatures imaginaires.

(Reportage et texte d’Itakura Kimie, de Nippon.com. Photo de titre : [gauche] le détail d’un charme d’offrande ningyo trouvé sur le site archéologique Suzaki. Avec l’aimable autorisation du conseil éducatif de la préfecture d’Akita. Jiji ; [droite] la momie ningyo du temple Enjuin. Avec l’aimable autorisation de l’université de la science et des arts de Kurashiki)

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