De la lumière verte pour accélérer la croissance des poissons : la technologie prometteuse d’une équipe japonaise

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Urushihara Jirô [Profil]

Une université japonaise a mis au point une technique d'« élevage à la lumière » qui augmente de 60 % la vitesse de croissance d’espèces de poissons plats telles que le flétan et le flet. Nous sommes allés voir comment l’équipe de recherche est parvenue à inventer cette technologie révolutionnaire.

Takahashi Akiyoshi TAKAHASHI Akiyoshi

Professeur à l’École supérieure de biosciences marines de l’Université Kitasato, spécialiste en endocrinologie des poissons. Né en 1957 dans la préfecture d’Iwate. Il est titulaire d’une licence et d’un doctorat en science de la pêche de l’Université Kitasato. Avant d’occuper son poste actuel, il était chercheur associé à la Société japonaise pour la promotion de la science et chargé de cours à l’Université Kitasato. La Société japonaise pour la recherche pituitaire lui a décerné le prix Yoshimura en 2021, et il a occupé les fonctions de directeur à la Société japonaise pour le recherche pituitaire et à la Société japonaise d’endocrinologie comparée.

Le processus reste un mystère

Dans le même temps, sa curiosité scientifique reste insatisfaite. « En termes de technologie, nous avons certes réussi à inventer une méthode d’élevage à la lumière. Mais, scientifiquement parlant, la question de la raison de l’efficacité de la lumière verte n’a toujours pas reçu de réponse pleinement satisfaisante. »

Takahashi s’intéresse depuis longtemps au rôle joué par l’hormone de concentration de la mélanine (HCM) en tant qu’agent de croissance chez les poissons plats. Le HCM a été identifié en 1983 comme facteur de pigmentation, et en 1996 comme stimulant de l’appétit chez les souris. C’est alors qu’il travaillait sur la question, évoquée plus haut, du noircissement des flets que Takahashi a constaté que la sécrétion de HCM par les flets élevés en cuves blanches atteignait des niveaux bien supérieurs à celle de leurs homologues élevés en cuves noires ou jaunes.

« Il m’est venu à l’esprit qu’il était possible que les HCM aient l’effet conjoint de blanchir les poissons et de stimuler leur appétit », déclare-t-il.

Toutefois, Takahashi dit que des avancées récentes l’ont contraint à revoir son projet de recherche, après qu’il s’était aperçu que l’injection de HCM dans le liquide céphalo-rachidien des flétans tachetés provoquait en fait une diminution de leur ingestion de nourriture.

« Cela pourrait signifier que les HCM jouent bel et bien un rôle d’agent de croissance chez les poissons plats, mais que ce rôle n’est pas nécessairement majeur. J’étudie maintenant cette question sous une diversité d’angles. »

La compréhension du processus qui lie l’exposition à la lumière à la stimulation de la croissance fera progresser la science. Dans le même temps, elle nous donnera un éclairage sur les types de poissons pour lesquels l’élevage à la lumière est adéquat, et sur les environnements les mieux adaptés à cette approche. Si la technique continue de se répandre, elle peut contribuer à la résolution de questions telles que le déclin des prises et celui de l’autosuffisance alimentaire.

Éclairage LED dans une installation de la société Tôwa Suisan. (Avec l’aimable autorisation du Centre préfectoral d’Ôita pour la recherche sur l’agriculture, la sylviculture et la pêche)
Éclairage LED dans une installation de la société Tôwa Suisan. (Avec l’aimable autorisation du Centre préfectoral d’Ôita pour la recherche sur l’agriculture, la sylviculture et la pêche)

Investissons dans un laboratoire !

Outre l’élevage à la lumière, un certain nombre d’autres approches visant à stimuler la croissance sont à l’essai sur un large éventail de poissons d’élevage. L’une d’entre elle consiste à modifier la composition de l’alimentation elle-même. Les approches qui utilisent le séquençage du génome (une technique qui cible des paires de base spécifiques de l’ADN d’un organisme) ont également donné lieu à des avancées, telles que l’autorisation de mise sur le marché en 2021 d’une espèce de daurade plus charnue, génétiquement modifiée, et les tentatives en vue de mettre à contribution le séquençage du génome pour stimuler la croissance des poissons-globes.

Takahashi Akiyoshi considère que ce domaine est prometteur, mais qu’il reste beaucoup à faire. (© Yamamoto Raita)
Takahashi Akiyoshi considère que ce domaine est prometteur, mais qu’il reste beaucoup à faire. (© Yamamoto Raita)

On voit donc que la stimulation de la croissance est devenue le théâtre d’une sorte de compétition. Qu’en pense Takahashi ?

« La marche à suivre consiste à trouver quelle approche fonctionne le mieux pour chaque type de poisson, pour ensuite concentrer nos efforts sur cette approche. Les éleveurs de daurades et de limandes à queue jaune utilisent d’ores et déjà des aliments qui stimulent la croissance », observe-t-il.

En ce qui concerne la famille des poissons plats, le flet japonais reste un acteur de second plan, puisqu’il ne compte que pour 1 % dans l’ensemble de la production piscicole. Mais le bon côté des choses, selon Takahashi, c’est que le potentiel de croissance est plus élevé. Il dresse une liste des obstacles qui doivent être surmontés pour que l’élevage à la lumière puisse prendre son essor.

« Le coût des appareils à LED vertes est un problème. Contrairement aux appareils à lumière blanche, ils sont exclusivement fabriqués sur commande, et ils doivent être imperméabilisés et protégés contre la corrosion. Sans compter qu’on ne peut guère prétendre que l’énergie utilisée pour l’alimentation des LED soit respectueuse de l’environnement. Nous devons nous convertir à l’usage de formes d’énergie provenant de sources renouvelables. »

Le thon « modernisé » de l’Université Kindai est un exemple bien connu de poisson labellisé mis au point par des chercheurs universitaires. Si l’on parvient à surmonter les obstacles évoqués par Takahashi, il se peut que nous assistions à l’apparition d’un nouveau poisson labellisé issu des recherches effectuées à l’Université Kitasato.

En ce qui concerne la recherche sur les processus à l’œuvre dans le développement de la croissance, Takahashi déclare avoir des objectifs qu’il veut réaliser pour obtenir des avancées en ce domaine.

« Après que le laboratoire Sanriku de l’École supérieure de biosciences marines de l’Université Kitasato, situé à Ôfunato, préfecture d’Iwate, eût été endommagé en 2011 par le Grand tremblement de terre de l’Est du Japon et le tsunami qui l’a suivi, il a été transféré sur le campus Sagamihara de l’université, dans la préfecture de Kanagawa. Pour procéder à des expérimentations sur de gros poissons comme le flet et autres poissons plats, il faut disposer d’une installation de taille raisonnable. À l’heure actuelle, nous utilisons le laboratoire d’un partenaire de recherche, la branche de Miyako de l’Agence japonaise de la pêche et de l’éducation, mais j’espère trouver à l’avenir un sponsor, pour que nos expérimentations puissent avoir lieu sur le campus Sagamihara », dit-il.

Que ce soit en termes de théorie ou de pratique, on continue d’enregistrer des avancées qui ont le potentiel de transformer l’avenir de l’aquiculture.

(Photo de titre : Flet éclairé par des LED vertes. Avec l’aimable autorisation du Centre préfectoral d’Ôita pour la recherche sur l’agriculture, la sylviculture et la pêche)

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Urushihara JirôArticles de l'auteur

Écrivain free-lance. Il a passé huit ans à diriger la publication de textes techniques pour une maison d’édition avant de se lancer dans une carrière de journaliste et rédacteur free-lance. Il écrit à propos de science, de technologie et de médecine dans des revues scientifiques et médicales et sur des sites d’information en ligne. Il a suivi le Waseda University’s Master of Arts Program for Journalist Education in Science and Technology (MAJESTY, Programme de maîtrise de l’Université Waseda pour la formation des journalistes en science et en technologie). Membre de l’Association japonaise des journalistes en science et en technologie.

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