Le taux d’autosuffisance alimentaire à son niveau le plus bas, une crise pour le Japon

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La faiblesse du taux d’autosuffisance alimentaire du Japon est un problème non résolu depuis longtemps. Il n’a cessé de baisser pour atteindre pendant l’exercice 2020 son niveau le plus faible depuis qu’il est calculé. Un spécialiste tire la sonnette d’alarme dans un contexte où une détérioration des récoltes, en raison du changement climatique, et une stagnation des échanges, en lien avec l’invasion russe en Ukraine, sont à craindre.

Le danger de réfléchir à court-terme pour le Japon

Les propositions formulées dans le rapport intitulé « Une stratégie pour garantir la sécurité économique », publié par le Parti libéral-démocrate (PLD, au pouvoir) en décembre 2020, ont fourni la base du discours de politique générale. L’une d’entre elles est « renforcer la garantie de la sécurité alimentaire », mais les mots « améliorer le taux d’autosuffisance alimentaire » n’y figurent pas. On peut en déduire qu’il ne s’agit que de réfléchir à comment approvisionner le pays dans le contexte de l’économie internationale.

Cela revient à estimer qu’il suffit d’être prêt à dépenser ce qu’il faudra pour acheter ce dont on a besoin, et que cela garantit efficacement la sécurité, au coût le plus bas. Mais aujourd’hui, nous sommes indiscutablement confrontés à une situation où cela ne sera sans doute plus possible. Discuter de la garantie de sécurité sans en tenir compte est inconcevable.

L’argument selon lequel on peut s’appuyer sur les importations de denrées alimentaires tout en poursuivant la libéralisation des échanges pour garantir la sécurité économique a le défaut de ne pas être fondé sur une perspective globale et à long terme. Même si maintenir une production alimentaire nationale coûte plus cher à court terme qu’importer des denrées, c’est en réalité moins cher à long terme, si l’on tient compte du coût de situations imprévues dans lesquelles il serait impossible d’acheter des denrées même en étant prêt à payer. Dans le domaine de l’énergie, l’accident irréversible d’une centrale nucléaire a appris au Japon les dangers du court-termisme et de la recherche des coûts les plus bas en privilégiant le nucléaire.

De plus, faire confiance à la concurrence du marché sur la seule base de l’efficience économique au sens étroit comporte un risque important, celui de ne pas dépenser ce qu’il faut pour garantir des produits sains et non nocifs. Et si la garantie de sûreté relative à l’approvisionnement quantitatif en denrées s’effondre, particulièrement dans un pays comme le Japon dont le taux d’autosuffisance alimentaire n’est que de 37 %, il faudra se résigner à importer des produits dont la sûreté n’est pas assurée. Dans une telle situation, il est à craindre que la garantie de la sûreté qualitative s’effondre elle aussi.

Aucune conscience des risques qu’implique une baisse de la production de lait ou de riz

À un moment où il ne fait aucun doute que le risque d’une crise alimentaire augmente, le gouvernement exige une diminution de la production de riz et de lait, qui serait excédentaire. Pourquoi une telle diminution, alors qu’il est de plus en plus possible que le Japon ne puisse plus se procurer les denrées dont il a besoin ?

Les revenus des Japonais diminuent en réalité depuis près de 30 ans, et leur consommation de produits alimentaires connaît une baisse continue. La crise sanitaire a accentué cela. Le nombre de gens qui ne peuvent manger ce qu’ils voudraient augmente, et cela n’est pas dû à des excédents parce que la demande a baissé, mais à une offre insuffisante de ce qui devrait être offert. Il faut aujourd’hui se préparer à la crise alimentaire qui s’approche, en augmentant la production pour offrir une aide humanitaire, secourir les consommateurs, et ainsi faire diminuer les stocks et aider les producteurs.

Suite > L’agriculture japonaise est la plus protégée au monde : c’est faux

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