L'histoire du whisky japonais

Une nouvelle vague du whisky japonais lancée par le tout premier embouteilleur indépendant du Japon

Gastronomie Visiter le Japon

L’engouement pour le whisky japonais est sans précédent en ce moment, au Japon comme à l’étranger. Les exportations ont augmenté de 70 % en 2021, dépassant celles du saké deux années de suite. Mais se lancer dans le whisky n’est pas sans risques. L’investissement initial pour la construction d’une distillerie est considérable, et la maturation des produits avant la commercialisation fait que la rentabilité met du temps à venir. Nous avons rendu visite à un embouteilleur indépendant qui cherche à changer cette donne.

Les grandes attentes des embouteilleurs 

Le financement de base pour l’entreprise a été fait par le biais d’une cagnotte. Le but était de récupérer 10 million de yens (74 000 euros), mais finalement, ils ont dépassé les 40 millions. De grandes attentes des professionnels du whisky ainsi que des passionnés ont contribué au succès de la cagnotte.

Les deux fondateurs de T&T Toyama ont sillonné le Japon à la recherche de distilleries artisanales, pour parler de leur projet et trouver du distillat à se procurer. Ils ont été globalement très bien reçus et on fini par acheter du distillat venant de six distilleries dans cinq préfectures.

Le premier projet d’embouteillage s’appelle Breath of Japan (le souffle du Japon). Pour ramener de l’originalité aux fûts de bourbon, ils ont commencé par racler la partie brulée (charring) à l’intérieur et puis ont lentement grillé l’intérieur à basse température, créant leur propre version d’un « charred bourbon barrel » (fût de bourbon grillé). Ils pensent que le goût plus souple et arrondi obtenu grâce à ce procédé correspond davantage au style de whisky qu’ils cherchent à créer à base de leurs distillats.

Inagaki (droite) et Shimono (gauche) devant le chai en travaux. Tous les deux sont convaincus que toute l’industrie devrait travailler à l’amélioration continue du whisky japonais.
Inagaki Takahiko (droite) et Shimono Tadaaki (gauche) devant le chai en travaux. Tous les deux sont convaincus que toute l’industrie devrait travailler à l’amélioration continue du whisky japonais.

Je leur ai demandé de me faire visiter le nouveau chai de vieillissement en construction dans la ville de Nanto, pas loin de Tonami. Avec un paysage ondulé en arrière-plan, la structure inachevée en bois, entourée d’échafaudage, fait penser à une cathédrale. Des grues s’afféraient à transporter d’énormes matériaux de construction.

« La superficie est de 887 mères carrés. Les murs sont construits en bois CLT, un matériau qui vient d’Europe » explique Inagaki. C’est un matériau très solide qui peut même être utilisé pour les grandes tours, et ses propriétés d’isolation sont excellentes. Son autre avantage, qui a particulièrement intéressé nos investisseurs, est qu’il maintient une humidité stable. Un taux élevé d’humidité à l’intérieur du chai peut provoquer de la condensation qui, à son tour, provoque la moisissure. Par contre, si l’humidité est trop basse, cela peut changer l’impact du goût d’origine du fût. À côté des chais traditionnels construits d’armature d’acier et d’ardoise, ce bâtiment devrait être plus stable au niveau de la température, ce qui permettrait un vieillissement plus délicat.

Nous sommes ensuite retournés à la distillerie, et j’ai gouté à quelques uns des distillats utilisés dans Breath of Japan. Le distillat de Kanosuke avait un goût de fruits exotiques, tandis que celui d’Ontake était bien équilibré, avec des notes florales, et semblait déjà prêt à la commercialisation. Le distillat de Saburômaru était particulièrement tourbé, mais on y décelait aussi un arôme fruité. J’ai été étonné de la différence sensible de caractère, même à ce stade précoce du vieillissement.

Breath of Japan arrivera à maturité et sera commercialisé en 2025. Chacune des distilleries mettra aussi en vente ses embouteillages officiels de l’année à la même période. Ce sera un vrai plaisir de faire la comparaison entre les produits des distillateurs et ceux des embouteilleurs indépendants, à partir des mêmes distillats.

Il recommençait à neiger quand j’ai pris le chemin du retour. J’avais vraiment l’impression d’avoir fait un voyage dans le pays des neiges. Cela m’a fait penser à l’expert en whisky qui avait remarqué qu’avec sa topographie montagneuse, ses îles et sa côte, le Japon proposait un environnement pour le vieillissement du whisky bien plus varié que l’Écosse, ce qui est de bon augure pour l’avenir du whisky japonais. Voyons voir ce qu’il nous réserve.

(Photo de titre : les distillats de Breath of Japan mis en bouteille come échantillons avant la maturation. L’alcool transparent prendra une couleur ambrée avec le temps. Seules 500 bouteilles seront commercialisées, ce qui en fera sans doute un whisky rare. Toutes les photos : © Ukita Yasuyuki.)

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