
Okuda Hiroko, la Japonaise qui se cache derrière la création du rythme révolutionnaire du reggae « Sleng Teng »
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Ainsi naquit le Sleng Teng
À peine a-t-elle rejoint l’entreprise que la création des sources sonores prédéfinies lui a été confiée. Il s’agissait de créer six motifs différents (rock, pop, samba, etc.), trois lignes de basse suivant des accords majeurs, mineurs et de septième, et deux fill-ins supplémentaires pour modifier la tonalité.
Sleng Teng est la séquence labellisée « rock ». Pourquoi a-t-il été adopté dans l’univers du reggae ? Okuda Hiroko a une explication : « Je n’y ai pas pensé comme à un rythme reggae, mais à cette époque, mon esprit était entièrement tourné vers le reggae. Je suppose que même en pensant à un rythme rock, c’est un motif lié au reggae qui m’est venu naturellement à l’esprit. »
En raison du nombre limité de fonctions et de sons à cette époque, une séquence preset ne pouvait être constituée que d’une batterie et d’une ligne de basse sur deux mesures maximum. Et la batterie était difficilement modifiable en tonalité. Donc en fait, tout reposait sur la ligne de basse.
« Pour ne pas surcharger le motif, j’ai simplifié au maximum. Ça l’a rendu plus facile à arranger, et particulièrement pour la progression harmonique spécifique du reggae. »
Commandes des rythmes préréglés du MT-40. C’est le rythme « rock » qui a donné le riddim Sleng Teng.
Le boom Sleng Teng
La division Instruments de musique de Casio a connu un démarrage sur les chapeaux de roues, et chaque nouveau modèle se vendait comme des petits pains dans le monde entier. Okuda Hiroko était bien entendu impliquée dans le développement de multiples projets, et par la force des choses, s’est de plus en plus éloignée du reggae. Lorsque le service commercial lui a appris que le MT-40 était particulièrement populaire en Amérique latine, elle était loin de se douter du poids que représentait la Jamaïque dans ce succès.
C’est en août 1986 que la développeuse, feuilletant le dernier numéro de Music Magazine, a été attirée par un article qui faisait état d’une « inondation Sleng Teng » et parlait d’un « riddim de Casiotone qu’on entend du matin au soir ». Le rythme était transcrit en toutes lettres : « dodododo dodododo dodododo do-do. » Cette fois, elle a immédiatement reconnu le rythme « rock » qu’elle avait créé.
Elle a couru acheter le disque Under Mi Sleng Teng de Wayne Smith. « C’était exactement le preset du Casiotone. Je n’en revenais pas qu’ils aient utilisé le motif tel quel pendant toute l’intro de la chanson. »
Okuda Hiroko, à l’époque où elle a découvert l’existence du boom Sleng Teng, au Centre technique Hamura où elle travaillait (photo personnelle).
Pour que tout le monde ait accès à la joie de faire de la musique
La découverte de la fabuleuse popularité qu’avait généré son motif n’a pas changé sa vie professionnelle pour autant. Au sein de Casio, la division Instruments de musique n’était qu’une section secondaire, et la révolution musicale qui avait été créée y est passé inaperçue. Okuda Hiroko elle-même était tellement occupée par d’autres projets qu’elle n’avait pas le temps de se préoccuper de ces choses. Il n’empêche qu’elle était secrètement assez fière chaque fois qu’elle tombait sur un article à propos du riddim Sleng Teng.
Même chose concernant les droits d’auteur. Que le Casiotone devienne connu et soit utilisé par le plus possible de musiciens suffisait à son bonheur. Du moment qu’est indiqué « avec la source originale du MT-40 », c’est tout ce qu’elle demande. « Je suis heureuse si j’ai pu modestement rendre quelque chose à tout ce que m’a donné le reggae », répète-t-elle.
L’actuel Casiotone Mini Keyboard SA-76 intègre le MT-40 Riddim (photo fournie par Casio).
Actuellement, Okuda Hiroko travaille sur le développement du concept de « Music tapestry ». Il s’agit d’une technologie qui convertit en temps réel la dynamique et le mode d’une musique interprétée sur un instrument connecté en image, et créer une œuvre visuelle. La philosophie du fondateur de l’entreprise, « pour que tout le monde ait accès à la joie de faire de la musique » vit toujours en elle.
Œuvre d’art créée par une version de démonstration de Music Tapestry. Diverses réalisations par cette technologie peuvent être vues sur le compte officiel Instagram (photo fournie par Casio).
« J’écoutais du reggae tout le temps, j’ai écrit mon mémoire de diplôme sur le reggae. Puis les gens de la Jamaïque, qui vivent intimement avec le reggae, ont remarqué ce petit motif que j’avais composé, et l’ont reconnu comme leur. Mais tout a commencé parce qu’une société qui recherchait un profit commercial à l’international a donné ce travail important à une jeune employée et lui a fait confiance. Tout cela était peut-être inévitable. »
(Reportage, interview et texte de Hashino Yukinori, de Nippon.com. Photos et vidéos de Nippon.com, sauf mentions contraires)
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