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Le succès des « gacha-gacha » : les objets en capsules s’adaptent aux âges et aux époques

Divertissement Design

Les distributeurs automatiques de jouets en capsules gacha-gacha sont apparus pour la première fois au Japon en 1965 devant les magasins de bonbons de quartiers, attirant alors des foules de jeunes. Plus récemment, ces machines ont commencé à proposer des produits destinés à toutes les tranches d’âge, et ce sont près de 300 nouveaux objets qui sortent tous les mois. Quelles sont donc les raisons qui poussent petits et grands à tourner la manivelle des distributeurs de gacha ?

Une idée américaine qui séduit les enfants japonais

Onoo, un véritable expert de l’histoire des jouets en capsules, explique que ces produits viennent à l’origine des États-Unis.

« Les États-Unis avaient alors des machines à bonbons, et peu à peu, les fabricants ont commencé à mettre des jouets à l’intérieur. Autour de la période de la Seconde Guerre mondiale, le président de la société commerciale Penny King, L.O. Hardman, est venu au Japon afin d’acheter des jouets en celluloïd pour remplir ces machines. Les premiers distributeurs de jouets sont apparus au Japon en 1965. Cette même année, Hardman a participé à la mise sur pied de la firme japonaise Penny Shôkai, qui a commencé à préparer des machines importées des États-Unis. Les enfants sont rapidement devenus accrocs à ces dernières, et on pouvait souvent les voir faire la queue devant les boutiques de bonbons. Elles étaient alors si populaires que la revue photographique Asahi Graph avait décidé de leur consacrer un dossier spécial en 1966.

À gauche : des jouets en celluloïd fabriqués au Japon puis importés aux États-Unis au lendemain de la guerre. À gauche : un panneau de Penny Shôkai issu de la collection de Onoo Katsuhiko.
À gauche : des jouets en celluloïd fabriqués au Japon puis importés aux États-Unis au lendemain de la guerre. À droite : un panneau de l’entreprise Penny Shôkai, issu de la collection de Onoo Katsuhiko.

Des enfants réunis devant une boutique de bonbons. La plupart des machines faisaient alors payer 10 yens par jouet. (Publication originale dans le Asahi Graph de 1966, issu des archives de Onoo.)
Des enfants réunis devant une boutique de bonbons. La plupart des machines faisaient alors payer 10 yens par jouet. (Publication originale dans l’Asahi Graph de 1966, issu des archives de Onoo Katsuhiko)

« Pour les enfants, c’était une première expérience de “pari” avec leur propre argent de poche », dit Onoo. « Ils prenaient entre 10 et 20 yens dans leur porte-monnaie avant de tourner la poignée. Mais il n’y avait aucune garantie que le jouet que vous souhaitiez obtenir, le “jackpot”, finirait par sortir. C’est un vrai jeu, fait d’espoirs et de déceptions. J’ai désormais 56 ans, et j’ai grandi en faisant tourner ces manivelles devant les boutiques. Aujourd’hui, avec la hausse de la qualité des figurines, l’écart entre gagner et perdre n’est plus aussi important. Mais je continue à aimer ce doute et cette frustration de ne pas savoir ce qu’on va obtenir. »

Dans la quatrième vague du gacha

Bandai est entré sur le marché des jouets en capsules en 1977. L’entreprise a tout d’abord lancé des produits tirés de ses propres personnages et licences à un prix de 100 yens, alors que la plupart des autres jouets coûtaient 20 yens. Les gommes Kinnikuman de Bandai, lancées en 1993, se sont vendues à 180 millions d’exemplaires. La série Gundam a également été à l’origine de nombreux gacha à succès. Onoo appelle cette période « la première vague » de la popularité des gacha : Yûjin est arrivé dans le milieu à ce moment, en 1988.

La deuxième vague est arrivée en 1995, déclenchée par la sortie de Windows 95 et de la nouvelle tendance du blogging. Les gens ont commencé à parler de leur passion pour la collection de jouets gacha sur leurs blogs et peu après, la nouvelle série toute en couleur « HG Ultraman » de Bandai, vendue à 200 yens, a connu un grand succès. Jusqu’alors, tous les jouets étaient monochromatiques. Des figurines de personnages Disney ont commencé à apparaître, et le marché s’est alors étendu des enfants à leurs parents.

Le troisième boom de popularité est arrivé en 2012, avec Koppu no Fuchiko. L’utilisation étendue des smartphones a beaucoup aidé. « L’iPhone est arrivé au Japon en 2008 », déclare Onoo. « En 2012, l’année de la sortie de Fuchiko, le nombre de smartphones avait enfin réussi à surpasser celui des garakei, les anciens téléphones portables japonais avec clapet. Les produits aux finitions détaillées, conçus avec la participation d’artistes, comme Fuchiko, sont parfaits pour les réseaux sociaux, en particulier auprès du public féminin. C’est ce qui a permis à leur popularité de s’étendre. »

Aujourd’hui, nous sommes dans la quatrième vague. « Elle est caractérisée par des boutiques spécialisées qui ciblent spécifiquement les femmes. En 2019, des chaînes telles que Gacha Gacha no Mori se sont répandues dans tous les pays, et près de 60 % de leur clientèle est féminine. »

Une vitrine pour l’expression personnelle des artistes

Les jouets gacha reproduisant des objets de la vie courante sont de plus en plus répandus. Il y a un large éventail de choix de biens de consommation ordinaires, des meubles aux râpes à glace (par ailleurs parfaitement fonctionnelles !), aux fontaines qui distribuent réellement de l’eau fraîche, et enfin, pour une raison étrange, des chaussons de toilettes.

Ces derniers temps, les objets émettant des effets sonores gagnent en popularité. On trouve ainsi des télécommandes pour le bain qui vous disent que l’eau est prête lorsque vous appuyez sur un bouton, ou des boutons d’arrêt du bus, des sonneries de porte, et toutes sortes de produits qui semblent être destinés à satisfaire un désir caché d’appuyer sur des boutons encore et encore...

L’incroyable variété des miniatures issues de la collection de Onoo
L’incroyable variété des objets miniatures issus de la collection de Onoo Katsuhiko

L’augmentation rapide du nombre de produits destinés aux adultes a également permis l’émergence de jeunes créateurs spécialisés dans la planification et la création de jouets gacha. « Avec plus de manufacturiers, les barrières à la commercialisation sont tombées, et certains artistes ont droit à plus d’exposition. Les gacha offrent une chance d’expression personnelle. Par exemple, Zarigani Works est une paire de créateurs qui a trouvé le succès avec leur série Dogeza suru salaryman (« Les extrêmes excuses du salaryman ») composée de chaînettes pour téléphone vendues par Kitan Club, et ils bénéficient désormais d’une exposition beaucoup plus importante. Plus récemment, ils ont pu sortir la série Ishi (“pierre”) avec Bushiroad Creative. »

D’après Onoo, en 2020, la pandémie de Covid-19 a entraîné des baisses de ventes pendant quelques temps dans les magasins de jouets en capsules, mais elles se sont rapidement redressées. En août 2020, Bandai Namco a ouvert le magasin phare Gashapon Department Store dans le quartier tokyoïte d’Ikebukuro. Il comprend près de 3 000 machines et figure désormais dans le Guiness des records en tant que boutique comprenant la plus importante collection de distributeurs de jouets en capsules au monde. En octobre de cette année-là, le long-métrage animé issu de la franchise Demon Slayer a battu tous les records lors de sa sortie dans les salles de cinéma, entraînant dans son sillage une forte augmentation des ventes de gacha.

Les gacha digitaux, l’un des nouveaux pilliers du marché

 Furuya, président du Kitan Club, pense que le nombre de boutiques physiques commencera à diminuer dans un futur proche, et que les gacha en ligne, ciblant la jeune génération des « natifs du numérique », deviendront la nouvelle pierre angulaire du marché.

« Je pense que le contenu deviendra numérique, et que les gacha comprendront de la musique, des vidéos et de l’art. Je souhaite que notre compagnie prenne les devants dans l’ouverture d’un nouveau marché des gacha numériques. »

Furuya fait le lien entre cette idée et la récente actualité autour d’un « gacha de voyages ». La compagnie aérienne low cost Peach Aviation a mis en place un distributeur de voyages tirés au sort. Les capsules de 5 000 yens (37 euros) comprenaient une destination de voyage et une « mission » à accomplir sur place. Le système attribuait ensuite à l’utilisateur un total de 6 000 points qui pouvaient être utilisés pour acheter un billet aller-retour pour cette destination.

« De nombreuses jeunes personnes ont l’envie de voyager de nos jours, mais ne savent pas vraiment où aller, et souhaiteraient bien que cette décision soit prise à leur place. Et certains ne savent pas vraiment non plus quelles sont les musiques qu’ils aimeraient écouter. Je pense qu’il est possible de créer un service permettant d’utiliser le gacha pour aider les gens à découvrir de nouvelles sonorités. J’aimerais donner aux gens ce goût de la découverte. Dans la réalité où dans le monde numérique, c’est ça l’esprit du gacha. »

(Reportage et texte d’Itakura Kimie, de Nippon.com. Photo de titre : Furuya Daiki, président du Kitan Club. Toutes les photos sont de Nippon.com, sauf mentions contraires.)

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