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Le succès des « gacha-gacha » : les objets en capsules s’adaptent aux âges et aux époques

Divertissement Design

Les distributeurs automatiques de jouets en capsules gacha-gacha sont apparus pour la première fois au Japon en 1965 devant les magasins de bonbons de quartiers, attirant alors des foules de jeunes. Plus récemment, ces machines ont commencé à proposer des produits destinés à toutes les tranches d’âge, et ce sont près de 300 nouveaux objets qui sortent tous les mois. Quelles sont donc les raisons qui poussent petits et grands à tourner la manivelle des distributeurs de gacha ?

Des figurines farfelues créées par une petite société

Le siège principal de Kitan Club, à Tokyo, ressemble davantage à une boutique de jouets qu’à un bureau d’entreprise. Les visiteurs sont tout d’abord accueillis à l’entrée principale par une statue taille réelle d’un bec-en-sabot et d’un gorille, avant de se retrouver cernés par la multitude de produits de toutes tailles et de toutes formes parsemant les pièces.

Cela fait sens, étant donné l’accent mis par la compagnie sur la production des petits objets dispensés dans les distributeurs appelés communément gacha. Ces machines nécessitent d’insérer quelques pièces de monnaie puis de tourner une manivelle pour enfin obtenir une capsule en plastique contenant un petit jouet aléatoire. Elles ont une variété de noms, tous des onomatopées des sons produits en tournant la manivelle : gacha, gacha-gacha, ou encore gashapon.

Les étagères en bois près de l’entrée de Kitan Club exhibent les jouets distribués par la compagnie au cours de ses 15 ans d’histoire, et l’incroyable variété des formes et des configurations de ces objets attire immanquablement le regard. Parmi elles, vous trouverez le produit phare de la compagnie : la série Koppu no Fuchiko (« Fuchiko au bord d’une tasse »). Elle est composée de petites figurines d’une jeune femme appelée Fuchiko (un jeu de mot avec fuchi, qui désigne en japonais le bord d’une tasse) prenant différentes poses, et fabriquées pour tenir en équilibre sur toutes sortes de récipients à boissons. Ces modèles amusants et d’une grande variété ne pouvaient que susciter l’intérêt des collectionneurs. Les figurines ont rapidement connu le succès sur les réseaux sociaux suite à leur lancement en 2012, en particulier auprès des jeunes femmes, mais leur popularité s’est étendue à toutes les générations. Avec la série « Sports », lancée en juillet 2021, les ventes de ces produits ont dépassé les 20 millions d’unités.

Kitan Club produit également toutes sortes de figurines de chats. Voici quelques uns des félins grincheux de la série Kamibukuro ni haitta neko (« Chats dans un sac en papier ») à gauche et des aimants Neko jita take (« Langues de chat champignons ») à droite.
Kitan Club produit également toutes sortes de figurines de chats. Voici à gauche quelques-uns des félins grincheux de la série Kamibukuro ni haitta neko (« Chats dans un sac en papier »), et à droite, des aimants Neko jita take (« Langues de chat champignons »).

La première génération de Koppu no Fuchiko à gauche et « Soccer Fuchiko », de la série « Sports », à droite. (© Tanaka Katsuki/Kitan Club)
La première génération de Koppu no Fuchiko à gauche et « Soccer Fuchiko », de la série « Sports », à droite. (© Tanaka Katsuki/Kitan Club)

« Nous avons développé Fuchiko avec le mangaka Tanaka Katsuki », déclare le président de Kitan Club, Furuya Daiki. « Nous travaillons également avec le sculpteur Hashimoto Mio, mais certaines de nos idées proviennent de nos réunions de planification mensuelles. Nous avons une vingtaine d’employés maintenant, et chacun peut exprimer ses propres opinions. Si ça ne semble pas suffisamment intéressant dès le départ, nous laissons tomber, mais si tout le monde est emballé, nous poursuivons le projet. »

« L’une de nos forces en tant que petite compagnie est notre capacité à pouvoir rapidement passer du stade d’idée au produit fini. Pour les grandes entreprises, le processus de planification prend beaucoup plus de temps. »

Les figurines du sculpteur sur bois Hashimoto Mio pour la série « Aquarium et Zoo ». (© Hashimoto Mio, pour le site Kitan Club)
Les figurines du sculpteur sur bois Hashimoto Mio pour la série « Aquarium et Zoo ». (© Hashimoto Mio, pour le site Kitan Club)

Des jouets pour les adultes

Tous les mois, l’entreprise met entre 4 et 8 nouvelles variétés sur le marché. Leur dernier succès ? « Onigiringu », un nom formé par un jeu de mot entre onigiri, les fameuses boulettes de riz japonaises, gu, ou garniture, et ringu, la prononciation japonaise de l’anglais ring (« anneau »). Le premier produit est sorti en 2019, puis est devenu une série, avec une quatrième sortie durant l’été 2021. Les jouets sont présentés dans un étui en forme de boulette de riz dont le joyau a la forme d’une garniture traditionnelle d’onigiri (prunes fermentées umeboshi, lamelles de saumon, œufs de saumon…).

« Les jeunes postent leurs photos sur Instagram pour les montrer à leurs amis, comme pour Koppu no Fuchiko », dit Furuya. « Malgré l’engouement des collectionneurs autour des figurines de Fuchiko, je ne pensais pas qu’on parviendrait à vendre autant d’Onigiringu. »

La popularité des jouets en capsules peut se montrer imprévisible. D’après Furuya, « les chats, les grenouilles et les champignons » connaissent en général un certain succès, mais il est difficile de déterminer quels seront les produits à provoquer une véritable frénésie chez les collectionneurs. Il semblerait cependant que le buzz sur les réseaux sociaux soit un des éléments clés.

La feuille d’idée originale de l’employé. Deux produits distincts ont fini par sortir : Ika to wata bôru chên tsuki figyua (« Calamar et viscères sur une chaîne à bille ») et Onigiringu.
La toute première ébauche de l’idée originale de l’employé (gauche). Deux produits distincts ont fini par sortir : Ika to wata bôru chên tsuki figure (« Calamar et viscères sur une chaîne à bille ») et Onigiringu, à droite.

À gauche, le président Furuya tient une figurine Onigiringu. À droite, des chaînettes pour téléphone en forme de salarymen ou de grenouilles fantaisistes.
À gauche, le président Furuya Daiki tient une figurine Onigiringu. À droite, des chaînettes pour téléphone en forme de salarymen ou de grenouilles fantaisistes.

Furuya avait quitté son job au sein du fabricant de jouets en capsules Yûjin (aujourd’hui appelé Takara Tomy Arts) avant de commencer une carrière solo en 2006, à l’âge de 30 ans. Il fait partie de la génération qui collectionnait les gommes à effacer Kinnikuman. Ces petites reproductions en caoutchouc des personnages de cet anime de catch populaire étaient alors vendues dans les machines gacha devant les boutiques de friandises. Pour sa propre entreprise, il avait cependant décidé de s’intéresser à un nouveau marché, plutôt orienté vers les adultes.

« Je savais qu’avec la baisse du taux de natalité au Japon, il y aurait de moins en moins d’enfants intéressés par nos produits, et j’ai donc décidé dès le début de m’orienter vers les adultes. Nous étions tout d’abord dans le rouge, puisque nous voulions absolument fabriquer des produits de la meilleure qualité possible, mais à partir du moment où nous avons sorti Fuchiko, nos ventes se sont envolées. Les cinq dernières années ont cependant vu une croissance rapide de la concurrence. »

Onoo Katsuhiko, dirigeant de la Japan Gachagacha Association, a également travaillé à Yûjin avant que Furuya ne rejoigne cette société. Aujourd’hui, il travaille en tant que consultant et organisateur d’évènements autour des gacha. D’après Onoo, le marché des jouets en capsules vaut annuellement près de 40 milliards de yens (293 millions d’euros), avec une augmentation de 50 % en dix ans. Des acteurs majeurs tels que Bandai ou Takara Tomy Arts tiennent environ 60 % du marché, mais les nouvelles compagnies ont réussi à se tailler une place de choix depuis quelques années. Aujourd’hui, il y a environ 30 petites entreprises de gacha qui ciblent les adultes. Près de 300 nouveaux produits sont mis sur le marché chaque mois, vendus dans près de 600 000 machines partout dans le pays. Ces objets sont principalement compris dans une fourchette de prix entre 300 et 500 yens (entre 2 et 3,5 euros), et ces tarifs raisonnables aident ces produits à gagner en popularité.

Suite > Une idée américaine qui séduit les enfants japonais

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