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Pourquoi la G-Shock est incassable : son créateur Ibe Kikuo en parle

Technologie

Les montres G-Shock de Casio sont appréciées dans le monde entier depuis 1983 pour leur robustesse et leur résistance même cas de chute. Nous nous sommes entretenus avec Ibe Kikuo, l’homme qui a fait de la G-Shock un succès de 130 millions d’unités. Il nous explique les difficultés qu’il a rencontrées pendant le développement, ce qui se passait en coulisses pendant que sa montre connaissait une explosion des ventes, et tout ce que représente la G-Shock pour lui.

Quand la valeur de la marque est en hausse

En pleine popularité de la G-Shock, Ibe s’est penché sur la problématique que représentait la soudaine augmentation de la valeur de la marque Casio. Et pour un développeur en marketing qui avait eu du mal à vendre de bonnes montres à bas prix, et qui avait connu 10 ans de mauvaises ventes de la G-Shock entre 10 000 et 20 000 yens (entre 75 et 150 euros), cela représentait un défi qu’il allait relever pour le reste de sa vie professionnelle.

Son premier projet dans cette situation a été le développement d’une G-Shock entièrement métal (série MR-G), destinée aux jeunes désireux de continuer à porter une G-Shock plus « classe » après avoir trouvé un emploi, conforme à leur nouveau statut. Rester dans une gamme de prix moyenne autour de 40 000 yens (305 euros) a représenté un défi. Le passage du plastique au métal rendait difficile le développement d’une structure résistante aux chocs, mais son lancement en 1996 s’est avéré un succès. La montée en valeur de la marque Casio rendait nécessaire de relever de nouveaux défis en dehors du concept G-Shock. C’est ainsi qu’en 2004 est sorti l’OCEANUS OCW-S1000, à l’époque le chronographe à énergie solaire le plus fin du monde, à corps métal techniquement difficile à produire. Ce modèle a fait entrer la marque Casio dans la classe des 60 000 yens (460 euros).

À gauche, le MRG-100 de la série MR-G, lancé en 1996, et à droite, la première OCEANUS Manta, OCW-S1000. Photo Casio
À gauche, le MRG-100 de la série MR-G, lancé en 1996, et à droite, la première OCEANUS Manta, OCW-S1000, lancé en 2007 (photo avec l’aimable autorisation de Casio)

À partir de 2008, Ibe Kikuo prend la parole lors d’événements « Shock the World » dans le monde entier où il raconte l’histoire du développement de la marque Casio. Pour Ibe, « le renforcement de la valeur de la marque passe par la transmission de l’histoire du développement de chacun des produits Casio ». C’est pour cela que, dans quelque pays qu’il intervienne, Ibe s’adresse toujours à son public dans la langue locale.

« J’ai parlé dans plus de 30 pays, et je ne suis pas particulièrement doué en langues, mais maintenant, les fans de G-shock savent que je présente dans la langue locale, il est trop tard pour m’arrêter, maintenant ! Le message que je veux transmettre avec l’histoire du développement de la G-Shock est “N’abandonnez jamais, jamais, jamais”. Et oui, je pense que le message passe mieux si je le dis dans la langue locale de chaque pays. »

Ibe jette sa G-Shock de toutes ses forces contre un cible, puis contre un mur : le clou de sa présentation « Shock the World ». Ici au Vietnam en 2011. Photo Casio.
Ibe jette sa G-Shock de toutes ses forces contre un cible, puis contre un mur : le clou de sa présentation « Shock the World ». Ici au Vietnam en 2011 (photo avec l’aimable autorisation de Casio).

Plus qu’une montre

La ligne G-Shock a évolué tant sur le plan fonctionnel que sur le plan du design, tout en restant centrée sur la structure anti-choc développée par Ibe. C’est ce processus qui a accompagné l’augmentation de la valeur de la marque Casio. Aujourd’hui, de nombreux modèles sont mis sur le marché à des prix très supérieurs à la zone moyenne, comme le modèle MR-G qui dépasse les 300 000 yens (2 310 euros). Pour le 35e anniversaire de la G-Shock, Casio a présenté une G-Shock en or massif dont les 35 exemplaires ont immédiatement trouvé acquéreurs malgré un prix de 7,7 millions de yens (60 000 euros).

« La G-Shock a évoluée. C’était un simple objet qui donnait l’heure, c’est maintenant quelque chose que vous portez et qui exprime quelque chose de vous. Avec l’arrivée des téléphones portables puis des smartphones, on a dit que les montres ne se vendraient plus. Mais la G-Shock a tellement de fans maintenant que je ne me suis pas du tout inquiété. »

De gauche à droite : GSW-H1000-1JR, la dernière smartwatch à la robustesse à toute épreuve (88 000 yens, taxe comprise) ; MRG-B2000B-1AJR, le modèle de MT-G Kachi-iro (330 000 yens, taxe comprise) ; G-D5000-9JR, le modèle du 35e anniversaire en or 18K. Photo : Casio
De gauche à droite : GSW-H1000-1JR, la dernière smartwatch à la robustesse à toute épreuve (88 000 yens, taxe comprise) ; MRG-B2000B-1AJR, le modèle de MT-G Kachi-iro (330 000 yens, taxe comprise) ; G-D5000-9JR, le modèle du 35e anniversaire en or 18K (photo avec l’aimable autorisation de Casio).

En réalité, les ventes des années 2010 ont dépassé celles du boom des années 1990. Certains analystes expliquent ce fait en disant que la généralisation des smartphones a conduit des catégories entières de consommateurs qui jusque-là ne portaient pas de montre à devenir conscient de l’heure. « Et tant qu’à devoir vérifier l’heure, autant le faire sur un objet et d’une façon qui m’exprime moi, ce qu’un smartphone ne fait pas », explique Ibe.

« Un produit incassable n’est pas bon pour les affaires », disent certains. Ce n’est pas la façon de penser d’Ibe : « Nos produits sont robustes, c’est pour cela que les gens ont confiance en nous. Et nos vrais fans en possèdent plusieurs pour pouvoir les assortir à leurs tenues et à leur état d’esprit. »

Test de résistance à la boue (*réalisé uniquement sur les modèles résistants à la boue), au cours duquel les boutons sont pressés en continu dans une eau boueuse. Tous les produits G-Shock en ont plus de 100 au menu, pour un total de près de 200 tests différents.
Test de résistance à la boue (*réalisé uniquement sur les modèles résistants à la boue), au cours duquel les boutons sont pressés en continu dans une eau boueuse. Tous les produits G-Shock en ont plus de 100 au menu, pour un total de près de 200 tests différents.

Une autre mission que s’est donné Ibe Kikuo est de former les prochaines générations de développeurs, en organisant des leçons de création dans les écoles primaires. « Il y a tellement d’objets autour de nous, aujourd’hui, inventer quelque chose de nouveau est difficile ! » dit-il en encourageant ses jeunes collègues.

« Les ingénieurs d’aujourd’hui sont très bons, mais je les trouve un peu trop sérieux. Ils devraient y aller plus franchement. Lorsque nous avons collaboré avec Edo-Kiriko ou Makie pour l’OCEANUS, ou sur les teintures à l’indigo, j’ai été surpris de découvrir le nombre de technologies extraordinaires que possède le Japon. En exhumant les technologies de l’artisanat traditionnel et en les combinant aux dernières technologies de pointe, nous devrions être capables de créer une infinité de nouvelles choses. Souplesse et imagination, j’attends beaucoup de choses sur cet axe. »

Son rêve personnel ? « Que les G-Shock se vendent en 2035 dans les boutiques dans l’espace. L’espace est un environnement encore plus exigeant que la Terre pour une montre. Nous allons encore améliorer la robustesse de nos montres… » Le défi technique que cela représente ne lui fait pas peur. Si son rêve se réalise, il aura 83 ans. Un développeur se doit d’être aussi solide que ses produits !

Casio a été fondée en 1946 par les quatre frères Kashio. La salle d'exposition du bâtiment du siège social présente la G-SHOCK et d'autres produits phares de l'histoire de l'entreprise, dont la calculatrice mécanique 14-B, lancée un an après la création de l'entreprise.
Casio a été fondée en 1946 par les quatre frères Kashio. La salle d’exposition du bâtiment du siège social présente la G-SHOCK et d’autres produits phares de l’histoire de l’entreprise, dont la calculatrice mécanique 14-B, lancée un an après la création de l’entreprise.

(Reportage et texte de Nippon.com. Photos de Nippon.com, sauf mentions contraires. Photo de titre : le laboratoire d’assurance qualité du centre technique de Hamura)

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