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Pourquoi la G-Shock est incassable : son créateur Ibe Kikuo en parle

Technologie

Les montres G-Shock de Casio sont appréciées dans le monde entier depuis 1983 pour leur robustesse et leur résistance même cas de chute. Nous nous sommes entretenus avec Ibe Kikuo, l’homme qui a fait de la G-Shock un succès de 130 millions d’unités. Il nous explique les difficultés qu’il a rencontrées pendant le développement, ce qui se passait en coulisses pendant que sa montre connaissait une explosion des ventes, et tout ce que représente la G-Shock pour lui.

Un concept résumé en une ligne

À l’origine, Casio était un fabricant de calculatrices électriques. C’est en 1974 que l’entreprise lance sa première montre-bracelet numérique, suivie 9 ans plus tard par le premier modèle de ce qui allait devenir la série G-Shock, qui connaît un succès pérenne depuis.

En 1981, Ibe Kikuo, qui était entré dans la boîte 5 ans plus tôt, soumet un nouveau concept. Il tient sur une ligne : « Une montre assez solide pour ne pas se casser même en cas de chute ». L’idée lui était venue après une expérience malheureuse : il avait heurté quelqu’un, le verre s’était brisé, les aiguilles et le boîtier arrière s’étaient disloqués et éparpillés

L’idée était on ne peut plus simple, en effet : « Si on proposait une montre incassable, on trouverait bien quelqu’un pour en avoir envie. » Un concept d’une seule ligne, pas de proposition technique, aucun planning expérimental, aucun prévisionnel marketing sur un supposé public-cible, et c’est de là qu’est née la G-Shock. « Dès que j’ai une idée, j’agis. » C’est la devise d’Ibe.

Ibe Kikuo, 68 ans, le développeur de G-SHOCK, aujourd’hui senior fellow chez Casio
Ibe Kikuo, 68 ans, le développeur de G-SHOCK, aujourd’hui senior fellow chez Casio

La cible a été développée grâce à cinq ouvriers qui travaillaient dans un chantier proche du centre technique de l’entreprise. Les chocs et les vibrations causés par les pelles, les marteaux et les perceuses sont les pires ennemis des montres-bracelets. Aucun des ouvriers ne portait de montre, ils étaient toujours à s’inquiéter de l’heure de la pause-déjeuner ou de la fin de la journée. Ibe en tira la conclusion : « Fabriquons une montre que pourront porter les ouvriers sur les chantiers de construction et dans les usines, il y aura au moins un marché de niche pour ça. »

Les trois montres G-SHOCK préférées de M. Ibe sont des modèles anciens. Il porte la blanche pour l'été, la noire pour le printemps et l'automne, et la rouge pour l'hiver.
Les trois montres G-SHOCK préférées de M. Ibe sont des modèles anciens. Il porte la blanche pour l’été, la noire pour le printemps et l’automne, et la rouge pour l’hiver.

Je m’apprêtais à remettre ma démission...

Pendant la phase de tests expérimentaux, les objectifs spécifiques ont été fixés. Il s’agissait du « triple 10 » : Résiste à une chute de 10 mètres, étanche à 10 bars (soit 100 mètres de profondeur), et durée de vie de la batterie de 10 ans.

Il n’y avait aucun matériel de laboratoire pour tester les chocs, alors il a fallu employer la méthode primitive : on laissait tomber la montre de la fenêtre des toilettes des bureaux du troisième étage. Mais vous pouviez enrober le mécanisme de caoutchouc ou d’uréthane, la montre ne tenait pas. Vous renforciez un point, c’est un autre qui souffrait. Une centaine de prototypes ont été éliminés en un an.

3e étage au centre : la fenêtre des toilettes d’où les prototypes étaient jetés pour les tests de résistance aux chocs répétitifs.
3e étage au centre : la fenêtre des toilettes d’où les prototypes étaient jetés pour les tests de résistance aux chocs répétitifs.

Aujourd’hui, les tests d’impact et de chute sont effectués dans le laboratoire d’assurance qualité. La plupart des équipements restent conçus et fabriqués en interne.
Aujourd’hui, les tests d’impact et de chute sont effectués dans le laboratoire d’assurance qualité. La plupart des équipements restent conçus et fabriqués en interne.

Sans la moindre avancée en vue, Ibe se dit : « Il ne me reste qu’à démissionner la semaine prochaine. » Un jour de congé, il passe au bureau pour mettre de l’ordre dans ses affaires, puis va respirer un moment dans le jardin public à proximité du centre technique. Là, des enfants jouaient avec une balle. C’est en les regardant qu’il a soudain l’image d’un module de montre flottant à l’intérieur de la balle.

Bref, le problème n’était pas tant de rendre le module plus solide, il fallait l’isoler des chocs. Pour cela, la solution consistait à concevoir une structure creuse dans laquelle le module ne serait maintenu que par quelques points, ce qui donne l’impression qu’il flotte en l’air. C’est le point-clé de la technologie G-Shock, la difficulté résidant dans la miniaturisation des pièces. Après deux ans de développement et plus de 200 prototypes, le premier modèle G-Shock, la DW-5000C-1 est sortie. Nous sommes alors en 1983.

(À gauche) Principe de la structure creuse. (À droite) Reproduction du prototype en forme de balle. À partir de là, il a fallu du temps pour réduire les éléments au minimum.
(À gauche) Principe de la structure creuse. (À droite) Reproduction du prototype en forme de balle. À partir de là, il a fallu du temps pour réduire les éléments au minimum.

Une présentation des composants de la G-Shock. Intégrer autant de pièces dans une structure étanche et résistante aux chocs est une gageure.
Une présentation des composants de la G-Shock. Intégrer autant de pièces dans une structure étanche et résistante aux chocs est une gageure.

Suite > Le succès est venu des États-Unis

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