Qui était Kaji Maki, le père du sudoku ?

Divertissement

Kumazaki Takashi [Profil]

C’est au Japon qu’a d’abord été popularisé le sudoku, grâce à Kaji Maki. À sa mort en août 2021, de nombreuses personnes au Japon et à l’étranger ont adressé des messages de condoléances. Parmi les personnes qui furent les plus proches de lui, il y a le président de l’Association japonaise de sudoku, qui a vécu de l’intérieur le boom de ce jeu et qui nous raconte ce personnage qu’était Kaji Maki.

Gotô Yoshibumi GOTŌ Yoshibumi

Président de l’association japonaise de sudoku. Né à Tokyo en 1951. Il rejoint la société de production de puzzles Nikoli en 1999. En 2005, il commence à voyager en Europe, en Amérique et en Asie pour promouvoir le sudoku, en organisant des événements et des conférences. En 2011, il devient vice-président de Nikoli. En 2015, il fonde l’Association japonaise de sudoku. Prend sa retraite de Nikoli en 2017. Il organise les premiers tests officiels d’aptitude au sudoku à Ôtsuchi (préfecture d’Iwate). En 2018, il devient président de l’Association japonaise de sudoku et organise des cours et des événements de sudoku dans tout le Japon.

Revers et avantages de la gloire

 Après cette première visite fin 2004 qui leur a montré l’ampleur du phénomène, Gotô et Kaji sont retournés à Londres dès le printemps suivant. Avec une idée derrière la tête.

« La marque Sudoku était déjà déposée au Japon, mais pas encore à l’étranger. Si nous la déposions au Royaume-Uni, les royalties pouvaient nous rapporter gros. »

Les choses ne se passèrent pas comme prévu : le sudoku était devenu si populaire qu’il était perçu comme un nom commun...

« Il nous fallut renoncer, nous n’avions pas le choix. Ensuite, beaucoup de gens nous ont fait remarquer que si nous avions perdu beaucoup d’argent, nous nous étions aussi évité de grosses difficultés à tenter de protéger notre marque des contrefaçons. Nous aurions passé notre vie en procès. Nikoli est une entreprise de moins de 20 employés, nous ne disposions pas des ressources humaines nécessaires à une gestion efficace. Kaji a mis le point final à tous les remords en déclarant qu’il était parfaitement heureux si un maximum de personnes pouvaient s’amuser au sudoku. En se forçant peut-être un tout petit peu pour faire le brave, je ne le nie pas ! »

C’est en grande partie parce que le succès a pris en premier à Londres qu’il s’est répandu ensuite dans le monde entier : États-Unis, Inde, Australie, Afrique du Sud, Hong-Kong, Europe, Moyen-Orient…

Un accueil enthousiaste dans chaque pays

 À chaque compétition de sudoku dans quelque pays que ce soit, où Gotô et Kaji étaient invités, et ils y recevaient toujours un accueil enthousiaste.

« Chaque fois qu’on le présentait comme l’inventeur du sudoku, Kaji se récriait : “Non, non, je lui ai juste donné son nom !” Quoi qu’il en soit, il est allé dans de nombreux pays, a donné de nombreux interviews. En Espagne, il a enchaîné les interviews une journée entière à raison de 20 minutes par média. Lorsqu’il marchait dans la rue, il était entouré de personnes qui lui demandaient des autographes et des poignées de main. Un jour, dans un bar, un homme l’a pris à parti en plaisantant, parce qu’à cause de lui sa femme s’intéressait plus au sudoku qu’à s’occuper de lui ! Au début, il se disait que cet engouement ne durerait que quelques années et qu’il devait en profiter pour faire le tour du monde tant qu’on l’invitait. Mais le boom a duré et les grilles du magazine Nikoli se vendent toujours aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Turquie…

Le monde entier l’aime

Kaji n’a jamais prétendu être l’inventeur du sudoku, il se présentait comme son parrain. Il avait trouvé un banal casse-tête dans un magazine spécialisé américain, il lui a donné un nom unique et l’a présenté dans son propre magazine, qui, à vrai dire, était déficitaire à l’origine. Et c’est tout. Mais c’est la rencontre de ce jeu avec les lecteurs passionnés de casse-tête de son magazine qui a fait du sudoku un jeu d’une grande originalité et d’une grande profondeur.

Gotô garde des souvenirs inoubliables des voyages autour du monde avec Kaji.

Kaji Maki dans ces dernières années (photo avec l'aimable autorisation de Gotô Yoshibumi)
Kaji Maki dans ces dernières années (photo avec l’aimable autorisation de Gotô Yoshibumi)

Kaji possédait ce charme unique qui donnait du plaisir à tous ceux qui l’approchaient. Après le Grand tremblement de terre de l’Est du Japon le 11 mars 2011, nous avons entendu dire que des réfugiés dans les centres d’évacuation aimaient jouer au sudoku. Alors nous y sommes allés ensemble. Et comme d’habitude, il s’est immédiatement lié d’amitié avec les personnes âgées. Il mettait tout le monde à l’aise et tout le monde l’aimait comme une idole. C’était cela, son charisme.

C’est parce qu’il n’attachait pas d’importance aux mesquineries et qu’il savait d’abord profiter de la vie que quiconque le rencontrait autour du monde l’aimait immédiatement.

(Photo de titre : Kaji Maki lors de la première compétition nationale brésilienne de sudoku à Sao Paulo, au Brésil, le 29 septembre 2012. AFP/Jiji Press)

Tags

personnage jeu

Kumazaki TakashiArticles de l'auteur

Rédacteur freelance né en janvier 1971 à Gifu. Diplômé de l’Université Meiji, il est éditeur pour un magazine de football avant de s’établir à son compte en 2000. Il fait des reportages et écrit sur de nombreux sujets sportifs – football, baseball, rugby – mais aussi sur le mah-jong ou encore les cuisines du monde. Il est l’auteur de plusieurs livres parmi lesquels « Au pays des mots du football » (Sakkâ kotoba rando, collectif, Korocolor).

Autres articles de ce dossier